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IFDD : au cœur de la Francophonie, un institut pour la planète

Créé lors du 2e Sommet de la Francophonie en 1988, l’Institut de la Francophonie pour le développement durable (IFDD) agit comme l’expert environnemental de l’OIF. Sa mission ? Outiller les pays francophones, souvent en marge des grands circuits financiers, pour qu’ils accèdent aux ressources nécessaires à leur transition écologique. Rencontre avec Cécile Martin-Phipps, une directrice à la voix calme et au parcours résolument international, qui incarne cette diplomatie technique à la francophone.

Cécile Martin-PhippsCécile Martin-Phipps
Cécile Martin-Phipps, l’Institut de la Francophonie pour le développement durable (IFDD) - Photos Courtoisie
Écrit par Bertrand de Petigny
Publié le 22 juin 2025, mis à jour le 23 juin 2025

 

 

Une institution discrète aux fondations solides

Quand on évoque la Francophonie, ce n’est pas le développement durable qui vient spontanément à l’esprit. Et pourtant : niché dans les bureaux d’un immeuble sans faste de Québec, l’IFDD agit depuis plus de trente ans comme le bras environnemental de l’Organisation internationale de la Francophonie. « L’Institut est né d’un besoin concret, explique Cécile Martin-Phipps, sa directrice, celui de donner accès, en français, à des ressources sur les questions d’énergie, à une époque dominée par les documents en anglais. » Le choc pétrolier en toile de fond, l’IFDD a d’abord informé, puis formé, avant d’accompagner sur le terrain.

 

 

Transformer les idées en projets financés

Aujourd’hui, l’IFDD s’est spécialisé dans un maillon aussi stratégique qu’invisible : l’accès aux financements. « Les pays francophones sont souvent très bons pour produire des stratégies, mais peinent à monter des projets bancables », constate la directrice. À mi-chemin entre la salle de classe, le bureau d’étude et le cabinet de conseil, l’Institut forme, oriente, et met à disposition des experts pour aider les États — souvent issus du Sud — à structurer des dossiers solides, capables de séduire les bailleurs internationaux.

 

 

Une expertise qui prend racine dans les territoires

Au fil des années, l’IFDD a élargi son champ d’action. Dès l’époque où il s’appelait encore IEPF, l’Institut faisait figure de pionnier, installant des panneaux solaires – Photowatt à l’époque – et des hydroliennes. Aujourd’hui, ses domaines d’intervention incluent l’agriculture et le tourisme durables, l’efficacité énergétique, la biodiversité ainsi que les énergies renouvelables et les changements climatiques. « Le tourisme durable est un levier puissant, notamment pour les jeunes et les femmes, dans des pays comme le Cambodge ou le Cap Vert », explique Cécile Martin-Phipps. Elle évoque les jeunes guides cambodgiens formés en français, capables de multiplier leur revenu par quatre.

L’approche est simple : ancrer les projets dans les besoins réels, et veiller à ce qu’ils bénéficient directement aux communautés locales « le tout en s'appropriant la protection de la biodiversité dans les parcs et réserves voisines de circuits touristiques communautaires. Une véritable niche pour la Francophonie.»

 

 

Une vision connectée, nourrie de parcours atypiques

Cécile Martin-Phipps n’est pas arrivée par hasard à la tête de l’Institut. Passée par l’ADEME (Agence de la transition écologique de la France), puis envoyée en Inde pour aider à mettre sur pied l’Alliance solaire internationale née de la COP21, elle connaît les arcanes des grandes conférences comme les besoins concrets des pays du Sud. « J’avais déjà collaboré avec l’IFDD dans mon poste précédent. Leur sérieux et leur pertinence m’ont donné envie de rejoindre cette aventure. » Installée à Québec avec sa famille, elle y cultive une vision de la Francophonie comme espace d’action avant d’être un simple lien linguistique.

 

 

Des outils partagés, testés à Québec et diffusés au Sud

L’IFDD ne se contente pas d’appuyer les États. Il conçoit aussi des outils accessibles à tous, comme ce simulateur de planification locale aligné sur les Objectifs de développement durable (ODD), testé au Québec avant d’être déployé dans une quinzaine de pays. « On veut que les collectivités locales s’emparent des ODD, car ce sont elles qui portent les réponses concrètes », insiste Cécile Martin-Phipps.

Exemple marquant : aux Comores, société matriarcale, ce sont les hommes qui se sont emparés de la cible ODD 5 (égalité entre les sexes) pour faire valoir leur place dans l’équilibre social. Une inversion inattendue… et précieuse.

 

 

Les Objectifs de développement durable (ODD) sont un ensemble de 17 objectifs mondiaux adoptés en 2015 par les 193 États membres de l’ONU dans le cadre de l’Agenda 2030. Ils constituent une feuille de route universelle pour éradiquer la pauvreté, protéger la planète et garantir la prospérité pour tous d’ici à 2030

 

 

Un ancrage québécois, une portée mondiale

Avec une équipe d’à peine dix personnes, l’IFDD démultiplie son impact en s’appuyant sur les représentations régionales de l’OIF. « Nous reportons à Carole Saint-Hilaire, Administratrice de l’OIF. Les échanges sont constants, les priorités partagées. » Les partenariats se multiplient également, que ce soit avec d’autres opérateurs de la Francophonie tels que l’Association internationale des maires francophones (AIMF), ou des réseaux spécialisés comme la Commission de l'océan Indien. Ils permettent d’ancrer les actions au plus près des territoires. « L’enjeu urbain est immense : certaines collectivités locales déposent aujourd’hui des projets structurants pour accéder à des financements internationaux avec le soutien de leurs gouvernements, le Bénin en est un bon exemple. Il faut pouvoir les accompagner. »

 

 

Cécile Martin-Phipp et Frédéric Vallier, Délégué général de l’AIMF
Cécile Martin-Phipp et Frédéric Vallier, Délégué général de l'AIMF 

 

L’IFDD collabore avec l’AIMF pour soutenir des initiatives concrètes dans les villes francophones, qu’il s’agisse de planification climatique ou de tourisme durable. « On ne peut pas se permettre de travailler en silo dans l’espace francophone. Nous sommes peu nombreux : il faut unir nos forces. »

 

 

L’AIMF, une Francophonie en action portée par ses maires

 

À l’occasion de la 62e session des organes subsidiaires de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, ouverte le 16 juin à Bonn, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), via l’Institut de la Francophonie pour le développement durable (IFDD), accompagne les délégations francophones dans les négociations en cours.
Lors de la 62e session des organes subsidiaires de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, l’IFDD accompagne les délégations francophones.

 

Un levier francophone à amplifier

Alors que les urgences climatiques s’intensifient et que les inégalités d’accès aux financements se creusent, l’IFDD occupe une place stratégique. Loin des caméras, son travail méthodique permet à de nombreux pays de ne pas rester au bord de la route. Son avenir semble intimement lié à celui d’une Francophonie qui se veut résolument actrice de la transition. Mais cette Francophonie saura-t-elle mieux valoriser ses propres outils ? À l’heure où les grandes conférences mondiales s’enchaînent, il est peut-être temps que l’Institut sorte de l’ombre.

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