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LOGEMENT – Pourquoi se loger coûte-t-il si cher en Irlande ?

Écrit par Lepetitjournal Dublin
Publié le 9 février 2017, mis à jour le 9 février 2017

 

Sans conteste, le plus difficile lorsqu'on s'installe en Irlande et de surcroit dans sa capitale n'est pas de trouver un job ou la barrière de la langue mais bien de trouver un logement. Ces dernières années les prix ont considérablement augmentés faisant de Dublin la troisième ville d'Europe la plus chère en termes de logement, derrière Londres et Reykjavik. Il faut en moyenne débourser 956? par mois pour se loger et jusqu'à 1250? en moyenne pour un logement de 25m2. Quelles sont les raisons de ces prix exorbitants ?

 

L'économie est souvent analysée sous le biais du marché, le lieu de rencontre entre l'offre et de la demande où se fixerait le prix pour lequel offreurs et demandeurs se seraient accordés. Le cas dublinois ne déroge pas à la règle. Le marché du logement irlandais est victime de ce que l'on pourrait appelé un effet ciseaux avec une offre en déclin et une demande croissante. En effet, comme en témoigne la hausse considérable du nombre de sans-abris dans les rues, Dublin est victime d'une politique de logement débridée qui cause une pénurie. Lorsqu'il y a plus de demande que d'offre, les prix augmentent. Les prix y sont tellement élevés que Dublin est devenue la ville européenne la plus attractive pour investir dans l'immobilier. Sauf qu'une partie de ces investisseurs n'envisagent pas de mettre leur bien en location mais s'en servent uniquement comme moyen de spéculation, créant de facto une raréfaction de l'offre, bénéfique au prix de l'immobilier. L'Irlande doit donc faire face à un cercle vicieux propice à l'émergence d'une bulle immobilière qui pourrait être au bord de l'explosion : elle n'est pas à l'abri d'une seconde crise immobilière.

Depuis quelques années, l'économie irlandaise vit de belles heures et attire logiquement beaucoup d'étrangers à la recherche du miracle irlandais mais aussi énormément d'étudiants attirés par le cadre de vie, la Guinness et les grands espaces. La demande augmente plus vite que l'offre. L'arrivée massive d'expatriés a donc une conséquence à la hausse sur le prix des loyers. Ainsi, les demandeurs se trouvent en concurrence et doivent accepter des prix plus élevés. Dublin voit donc fleurir des marchands de sommeil exigeant des sommes exorbitantes pour des logements vétustes ou des chambres partagées.

 

Les multinationales, mauvaise nouvelle pour le logement

Des études économiques ont aussi prouvé l'impact négatif des logements Airbnb sur le prix des loyers. En effet, il est plus rentable de louer une chambre via le site américain que de s'engager sur du plus long terme avec un étudiant par exemple. L'explosion des locations Airbnb participe donc également à une raréfaction de l'offre puisque des logements qui étaient auparavant destinés à la location de long ou moyen terme ne sont plus proposés qu'aux voyageurs de courte durée. 390 propriétaires dublinois possédant 581 logements auraient engrangés plus de 21 millions d'euros sur l'année 2016 grâce à Airbnb !

De plus, Dublin semble victime de son succès économique car l'installation de grandes multinationales telles que Google, Yahoo ou Facebook a aussi fait bondir les prix. Le phénomène est le même à Cork, ville du géant Apple.

Enfin, les investissements dans des infrastructures publiques telles que la nouvelle ligne de Luas font exploser le prix des biens immobiliers qui côtoient les zones nouvellement desservies par les transports. En France, les villes qui ont construit des lignes de tramway ont vu les prix de l'immobilier monter en flèche ces dernières années. Comme Angers ou Toulouse, Dublin n'y échappe pas. Mais puisqu'acquérir un logement coûte plus cher, la répercussion sur le montant des loyers est mécanique et les prix s'envolent.

 

Quelles solutions ?

Aux grands maux, les grands remèdes, il n'existe pas cinquante solutions pour faire baisser les prix des loyers et mettre fin à la crise du logement à Dublin. La première d'entre elle, la plus évidente, serait d'augmenter la demande en construisant plus de logements pour contrebalancer la raréfaction de l'offre pour in fine réduire les prix. Il s'agit bien là d'une réponse de long terme car bâtir plusieurs dizaines de milliers de logements ne se fait pas en un jour. Selon l'Economic and Social Research Institute il aurait fallu au bas mot construire 100 000 logements entre 2010 et 2020 rien qu'à Dublin où seuls 15 000 habitations ont vu le jour en 7 ans. L'institut estime qu'il est nécessaire d'en construire au moins 25 000 dans tout le pays chaque année dont plus de 12000 dans la capitale. Les autorités se sont engagés à construire vite et en quantité, et ont déjà annoncé la construction d'appartements préfabriqués notamment à destination des étudiants. Seulement, selon les spécialistes, il faudra attendre au moins un an et demi pour enfin voir les premiers changements s'opérer.

Néanmoins, l'économiste de Trinity College Ronan Lyons a déclaré à Libération que l'un des principaux obstacles à la construction est la législation en place. En effet, il affirme dans les colonnes du journal français que le coût de construction a augmenter de 300% en vingt ans à cause des régulations. Parmi ces difficultés parfois absurdes, on trouve l'interdiction de construire sur des surfaces inférieures à 55m2 ou bien de bâtir des logements orientés pleins nord. Une autre solution pourrait donc être d'assouplir les lois sur la construction.

Enfin, comme ultime solution, le gouvernement a annoncé un encadrement des loyers, difficilement négocié entre le Fianna Fail et le Fine Gael. Il s'agit de la création de « zones particulièrement onéreuses » dans lesquelles les loyers seraient soumis à un plafond. Cette mesure laisse particulièrement sceptiques les propriétaires et certains menacent que la différence se fera sur le marché au noir : ils demanderont plus qu'autorisés.

 

Désormais affiché comme un objectif par la majorité gouvernementale emmenée par Enda Kenny, il semble clair que la crise du logement ne pourra se résoudre qu'avec de la volonté politique, en faisant face aux différents lobbys (propriétaires?). Si la situation ne s'améliore pas, le Fine Gael pourrait prendre une claque lors des prochaines échéances électorales et se voir dépasser par le Fianna Fail qui promet dans son programme 45 000 nouveaux logements d'ici 2021 ou encore le Sinn Fein qui se fixe un objectif de 100 000 habitations en quinze ans.

 

Emilio Meslet (lepetitjournal.com/dublin) Le jeudi 9 février 2017

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Publié le 9 février 2017, mis à jour le 9 février 2017

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