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AFFAIRE SOPHIE TOSCAN DU PLANTIER - Un meurtre vieux de 14 ans qui fait toujours l’actualité en Irlande

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Écrit par Lepetitjournal Dublin
Publié le 15 décembre 2014, mis à jour le 13 décembre 2022

L'affaire Sophie Toscan du Plantier, c'est l'histoire d'un des plus grands fiascos juridiques irlandais, mais aussi un des principaux points de tension entre la France et l'Irlande. Le meurtre de cette productrice française de télévision, assassinée en 1996 à Schull, dans le comté de Cork, fait toujours couler beaucoup d'encre, des deux côtés de l'Atlantique (le dernier article de l'Irish Independent date de la semaine dernière). Retour sur cette affaire et ses répercussions. 

Les faits : un meurtre extrêmement violent

Sophie Toscan du Plantier, épouse du célèbre producteur de cinéma français Daniel Toscan du Plantier et elle-même productrice d'émissions, logeait dans sa maison de vacances, isolée dans la campagne de Schull, dans le comté de Cork. Le matin du 23 décembre 1996, elle est retrouvée morte par une voisine.

On sait que le soir du 22 décembre, en pyjama, elle a ouvert sa porte à un visiteur, qui l'aurait frappée au visage. Elle s'est débattue, et a griffé son agresseur, avant de partir en courant dans son jardin. Rattrapée à la sortie de sa maison, elle a été achevée à coups de bloc de ciment. Son agresseur s'est acharné sur son corps : elle était méconnaissable.

L'enquête : un suspect rapidement identifié

Les enquêteurs de la Garda cherchaient un individu qui connaissait la victime, qui lui a ouvert sa porte, et qui connaissait les lieux, très isolés et difficiles d'accès. Ils soupçonnèrent rapidement Ian Bailey, un pigiste anglais qui habite une ferme proche de la maison: un des premiers sur les lieux du crime, il porte des griffures sur le visage et les avant-bras, qu'il n'avait pas la vieille. De plus. il fera part dans ses articles ou à des voisins, d'éléments de l'enquête que seule la police était censée connaître.

Des témoins accablants

De nombreux témoignages accablent Ian Bailey : un homme affirme que Ian lui aurait confié : ?'je suis allé la voir, elle s'est énervée, je lui ai fracassé le crâne''. Malachi Reed, un adolescent voisin de Ian Bailey, affirme l'avoir entendu, alors qu'il était ivre, dire : ?'tout allait bien avant que je monte là-haut et réduise sa p? de cervelle en bouillie''. Un ami de Ian Bailey quant à lui déclare que ce dernier aurait avoué, en parlant de lui à la deuxième personne : "Tu l'as fait, hein ? Tu as tué Sophie, tu l'as vue au Spar (supermarché de Skull) trémoussant son petit c... Tu as fantasmé. Tu es monté là-haut pour voir ce que tu pourrais obtenir. Elle a fui en hurlant, tu l'as poursuivie. Tu es allé trop loin, il t'a fallu en finir avec elle...". Deux autres amis du suspect affirment également avoir entendu une confession de la part de leur ami pendant la soirée du nouvel an 1998 : "Je l'ai fait, je l'ai fait (...). Je suis allé trop loin." Mais le témoignage le plus accablant est celui de Marie Farrell, qui affirme avoir vu le suspect dans les environs de la maison pendant la nuit du 22 décembre.

Mais une enquête qui n'avance pas : des erreurs qui s'accumulent et des exactions de la Garda.

Ian Bailey est arrêté en 1997 et 2001 par la police irlandaise. Mais chaque fois il est relâché, faute de preuve. L'arme du crime n'a jamais été retrouvée. Mais surtout, le médecin légiste est arrivé sur les lieux du crime 36 heures après que le cadavre ait été retrouvé, ce qui a rendu impossible le moindre prélèvement ADN, ainsi que la connaissance de l'heure exacte de la mort. Le suspect a réfuté tous les témoignages, affirmant que ce n'étaient que des plaisanteries ou des provocations de sa part. Surtout, sa femme lui a fourni un alibi.

Mais de nombreux mystères planent également quant aux comportements de la Garda sur cette affaire : en 2006, le principal témoin, Marie Farrell, se rétracte et affirme que la Garda l'a forcée à produire un faux témoignage. Claire Wilkinson a également affirmé que la Garda lui aurait ordonné de témoigner contre le suspect.

Récemment, de nouvelles révélations de Marie Farrell ont fait scandale : un officier de police lui aurait demandé une relation sexuelle pendant l'enquête. (Voir l'article du Irish Independent).

Depuis novembre 2014, un procès a été ouvert suite à une plainte déposée par Ian Bailey contre la Garda, qui aurait fabriqué des preuves contre lui.

En France, la famille de la victime excédée est à la recherche de la vérité.

La famille de la victime n'a jamais baissé les bras, et a créé une association, l'Assoph, association pour la vérité sur l'assassinat de Sophie Toscan du Plantier. Depuis 1996, elle reproche à l'Irlande et à la Garda la manière déplorable dont a été menée l'enquête, et le manque d'information et de transparence vis-à-vis de la France. (Voir les 15 crimes contre la vérité).

L'association est parvenue à faire ouvrir une enquête parallèle en France en 2008, qui a abouti en 2010 à un mandat d'arrêt européen à l'encontre de Ian Bailey, suivi d'une demande d'extradition vers la France, pour qu'il soit entendu par le juge Patrick Gachon. Mais en 2012, après un appel de M. Bailey, la Cour suprême d'Irlande refuse d'exécuter le mandat d'arrêt européen, pour des raisons de non-réciprocité entre les deux pays en matière d'extradition.

La famille et l'association ont alors porté plainte contre l'Irlande pour non-respect du droit communautaire, devant la Cour européenne de Justice.

L'Affaire Sophie Toscan du Plantier n'a donc pas fini de faire parler d'elle, avançant de procès en procès. Le procès irlandais de Ian Bailey contre la Garda, et le procès européen, de la famille contre l'Irlande, seront déterminants dans cette quête pour la vérité.

Audrey Lalli (www.lepetitjournal.com/dublin), mardi 16 décembre 2014

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