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J'ai testé le Wwoofing en Irlande

Écrit par Lepetitjournal Dublin
Publié le 25 avril 2016, mis à jour le 19 septembre 2022

Envie de prendre le large? Votre foie se tort à chaque fois que vous approchez d'un pub dublinois ? LePetitJournal.com a testé pour vous une solution économique pour une mise au vert dans la campagne irlandaise.

Pas spécialement manuelle ou fondue de nature, j'apprécie une balade en forêt de temps à autre et j'aime à flatter l'encolure d'un cheval quand l'occasion s'y prête. Après six mois passés dans les affres de la capitale, le besoin de prendre l'air a commencé à se faire sentir. Prendre des sheep-selfies dans les tréfonds du Connemara me tentait bien mais comme toujours, les moyens financiers ne suivaient pas.

J'ai alors pensé à mon ami Pierre, parti planter des carottes dans le comté de Wiclow, il semblait avoir retrouvé la paix intérieure. Depuis la roulotte qui lui sert de toit, il me raconte : « Ici, c'est un autre rythme. Tout prend du temps. Il faut faire chauffer son eau pour prendre sa douche, cueillir ses légumes avant de se faire à manger. C'est calme. On plante nos carottes en écoutant du reggae. On discute. » Lui qui se déhanchait sur Daniel Avery dans la moiteur du Hangar (nighclub dublinois)  quelques semaines plus tôt apparait transformé.

Ce qu'il fait a un nom. On appelle ça du wwoofing. Le principe fonctionne sur un échange de service. Une personne vous loge et vous nourrit gratuitement et en contrepartie, vous devez l'aider dans ses travaux extérieurs : jardiner, nourrir les animaux de la ferme, construire un abri de jardin? Le terme vient du sigle WWOOF, venant lui-même de l'anglais World-Wide Opportunities on Organic Farms. Il s'agit de fermes bio du monde entier qui accueillent des gens souhaitant partager leur quotidien.

Economique, cet échange est aussi culturel. Si vous aussi, vous partagez votre appartement avec tout un tas de nationalités exceptées celle de votre pays d'accueil, si vous cuisinez vos propres repas et que vous allez dans le même type de soirées qu'en France, vous sentez bien que vous n'expérimentez pas vraiment l'« Irish craic » à son maximum. Partager le quotidien d'une famille irlandaise peut donc être la solution.

Let's wwoof

Je me lance donc. Je crée mon profil sur wwoofing.ie ; attention chaque pays a son propre réseau, donc inscrivez-vous sur celui ou vous voulez être volontaire. L'inscription coûte 25 euros et comprend une assurance. Après un court texte de présentation, il m'est demandé si j'ai une quelconque « outdoor activities experience » et c'est à ce moment précis de vous creuser les méninges si comme moi vous avez scrupuleusement évité toutes sortes de tâches domestiques lorsque vous étiez chez vos parents. Vous avez bien tondu une fois le jardin de votre grand-mère ? Arrosé les tomates ? Parfait. Vous pouvez désormais prétendre à une « gardening experience ».  Pour ma part, une saison de vendanges et la mention du potager de mes parents font de moi une candidate appréciable. Certaines annonces seront parfois plus exigeantes et vous demanderont de savoir monter à cheval par exemple, mais cela reste rare.

La prévoyance n'étant pas la plus forte de mes qualités, j'ai voulu partir seulement trois jours après m'être décidé à chercher. J'ai donc écrit une petite quinzaine de mail, pour un refuge animalier, une ferme qui faisait de la farine, une bergerie, un maraicher? Chaque fois j'ai tenté de personnaliser ma candidature selon l'endroit où je postulais. Il est aussi préférable d'être disponible plus d'une semaine pour avoir une chance d'être pris. Dernier détail, les annonces sont divisées selon quatre zones géographiques donc choisissez celle qui vous convient le mieux, sans oublier le prix du transport qui reste à votre charge. Trois personnes m'ont répondue dès le lendemain, une seule m'a dit oui. Le choix n'a donc pas été très compliqué.

Pourtant l'annonce ne comportait aucune photo. Je savais juste qu'il s'agissait d'un homme seul avec ses quatre enfants éduqués à la maison. Les taches qui m'attendaient n'étaient pas très précises : jardiner, nourrir les poules? Bien que chaque membre de wwoofing.ie s'engage à respecter une charte qui est censée garantir leur sérieux, j'ai repensé à l'expérience de mon amie Lucile. Partie en wwoofing au fin fond de l'Écosse chez un homme seul, elle n'a pas tardé à reprendre le bus du retour après des propositions on ne peut plus déplacées de son hôte. J'ai décidé d'appeler « Eddie » mon possible futur hôte, histoire d'en savoir un peu plus sur les taches que j'aurais à faire, l'endroit ou je dormirai, la présence ou non d'autres wwoofers, d'internet? Ses réponses et sa façon de parler m'ont suffisamment mises en confiance pour faire mon sac.

Tullow les flots

Dans un mail, il m'explique qu'il habite le village de Tullow, au sud de Dublin et m''indique comment m'y rendre. Me voilà donc partie. Deux heures plus tard j'arrive dans une petite bourgade, trois rues principales, un coiffeur, deux magasins, un restaurant, le dépaysement commence. Ils m'attendent, lui et ses deux plus jeunes enfants. Déjà 150 woofers au compteur, Eddie met tout de suite à l'aise. Ses enfants me pressent de questions et me racontent leur vie. Le bain linguistique commence.

Un repas m'attend dans la salle. La maison d'Eddie est gigantesque. Il a dessiné les plans lui-même il y a quinze ans. Tout est tourné vers la nature. De grandes fenêtres, du bois du sol au plafond, des plantes vertes ou des semis sur la table basse, prêts à être plantés. A l'étage, Eddie me montre ou je vais dormir. J'ai ma propre chambre et même une salle de bain. Le luxe. Moi qui partage ma chambre avec une croate qui ronfle à décoller le papier peint depuis six mois, j'ai envie de lui sauter au cou.

La visite se poursuit dehors, Eddie m'emmène, moi et Yannick un woofer belge de 24 ans arrivé la veille, à la visite de ses trois hectares de terrain pour nous expliquer ses projets. Une vraie randonnée. L'endroit est idyllique. La maison située en haut d'une colline qui surplombe une rivière, fait face à des champs de moutons. La pente douce qui mène à la rivière est envahie par les ronces et les jeunets. Voilà le plus gros du travail qui nous attend ; nettoyer. Eddie veut dégager de l'espace pour planter des arbres et construire plusieurs petites maisons qui s'intègrent dans la nature, dans le type des maisons de hobbit du Seigneur des anneaux. Il souhaite y accueillir un jour des ateliers d'artistes, de méditation, de yoga? Ici, l'art a toute son importance. Il y a une pièce remplie d'instruments de musique dans la maison. Le silence n'a jamais le temps de s'installer. Le fils ainé est à l'université de musicologie de Dublin. Sa copine est comédienne. Le cadet est professeur de guitare.  L'autre joue du piano et vient de terminer son premier roman.

On se met donc au travail dès l'après-midi. Eddie nous fournit les gants, les outils. Premiers coups de sécateurs, premières égratignures. Dans la charte du wwoofing, les hôtes s'engagent de ne pas vous faire travailler plus de 6 heures par jour. Eddie ne tire pas sur la corde et ce n'est pas pour nous déplaire. Un bon repas nous attend dans la salle chauffée au feu de bois chaque jour. Sans manger végétarien, la famille fait attention à manger sain. Profusion de légumes et condiments, de bons fromages, un peu de viande. Le repas à la saveur du labeur accompli. Le soir chacun vaque à ses occupations, la plupart du temps tout le monde reste dans la salle principale, jeux vidéos, film, partie de cartes ou simplement discussion autour de l'énième thé de la journée.

Home sweet home

Le travail avance bien. Chaque jour, tout le monde se retrouve autour du petit déjeuner à 8h30. On travaille à peu près trois heures le matin et deux heures l'après-midi et jamais le week-end. Ici, la semaine est surtout rythmée par la pluie. Eddie ne nous demande pas de travailler si le temps est trop mauvais. Sur 10 jours, j'ai donc eu deux après-midi de libre et le dimanche.

Comme Eddie est très ouvert sur les autres cultures, il nous emmène à des soirées d'échanges linguistiques dans un des pubs très très calme de Tullow. C'est aussi le week-end de Pâques et des grands repas auxquels nous avons notre place comme n'importe quel membre de la famille.

Le wwoofing touche à sa fin. Les dix jours sont passés très vite. Sur les 160 arbres qu'Eddie voulait planter, plus de 110 l'ont été. Mon anglais s'est nettement plus amélioré ici en dix jours qu'au cours de mon dernier mois à Dublin. On s'embrasse, et on se promet de se revoir. Eddie insiste pour que je vienne passer un week-end quand je veux chez eux, « just for the craic ». Je pense y retourner. En attendant, les deux frères aînés seront à Dublin ce week-end et on a déjà prévu de se retrouver, au pub bien sûr. Où d'autre?

Les bons conseils :

  • Téléphonez à votre hôte avant de partir, cela vous donnera une première impression
  • Posez lui toutes les questions qui vous semblent importantes : eau chaude ? chambre seule ? Dans la maison ? A vous de voir jusqu'où vont vos limites

Essayez de trouver un wwoofing avec d'autres volontaires car les hôtes ont souvent un travail à l'extérieur et vous laisse travailler seul toute la journée.

Raphaëlle Besançon (lepetitjournal.com/dublin) Lundi 25 avril 2016

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Publié le 25 avril 2016, mis à jour le 19 septembre 2022

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