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Yannick Alléno, rencontre avec le chef aux nombreuses étoiles

Yannick alléno Dubai Yannick alléno Dubai
Écrit par Marie-Jeanne Acquaviva
Publié le 10 août 2020, mis à jour le 14 octobre 2020

Nous avons pu rencontrer Yannick Alléno, le chef étoilés qu’on ne présente plus et qui a eu la gentillesse de nous recevoir entre deux services et une réunion d’équipe avec ses cuisiniers. C’est vendredi, le jour du buffet au Zest, un des restaurants - tous supervisés par Yannick - du One and Only The Palm. Les plats de tous les pays se côtoient, les salades sont divines de fraîcheur et de couleurs, la table de la rôtisserie magnifique, et les desserts irrésistibles - pour les audacieux une compote de tomates avec une mousse délicate de noix de coco, ou une ganache fumée au chocolat noir à tomber, et régression ultime, un clafoutis aux fraises servi tiède.  Mais il y a un je ne sais quoi de simple et de vrai dans cette abondance, Dubaï, le royaume des brunchs pantagruéliques et extravagants, parfois cacophoniques, trouve ici une autre musique, une autre histoire : une cuisine vraie, sophistiquée mais généreuse, et au plus juste des saveurs, où on appelle un chat un chat, ou plutôt un poisson par son nom.

Yannick Alleno Dubai

 

 

Lepetitjournal.com/dubai : Vous avez une actualité parisienne chargée en ce moment, mais vous avez pu vous libérer quelques jours pour votre rituelle visite au One and Only ?

Yannick Alléno : Oui on vient d’ouvrir la troisième adresse de Ledoyen à Paris, « Pavyllon » un comptoir gastronomique, un endroit avec une cuisine au niveau gastronomique donc, mais où on a eu envie de couper tout le décorum du trois étoiles : la nappe blanche amidonnée et tout ce qui fait que c’est forcément « avec cravate » et plutôt une sortie qu’on s’offre pour une fête, une occasion spéciale. Le comptoir c’est plutôt « venez comme vous êtes »… comme Mc Do (rires), histoire que les gens débarquent le dimanche soir, comme ça, pour se faire plaisir, sans se poser trop de questions, tout en y trouvant l’assurance d’une très belle cuisine.

 

Est-ce que la clientèle qui vient visiter vos restaurants ici diffère beaucoup de votre clientèle Européenne?

Dubaï c’est le hub du monde entier, il y a énormément de passage, de transit, donc évidemment c’est une clientèle très internationale, très cosmopolite, avec ce que cela comporte d’exigences.

 

À quelle fréquence visitez-vous Dubaï ? Le One and Only c’est un peu chez vous ?

Je viens 4 fois par an depuis 2014, depuis la naissance du One and Only, qu’on a démarré de zéro, un projet créé de toute pièce, avec dès le départ la volonté de travailler dans le respect du produit, j’y suis très attaché et je suis fier de ce que nous y avons créé : c’est un “petit” hôtel, en particulier aux standards de Dubaï (90 chambres seulement) et du coup nous avons une clientèle d’habitués, de personnalités, une ambiance intime.

 

Quel y est votre rôle ? Vous êtes omniprésent non ?

Je suis le directeur créatif de tout ce qui a trait à la cuisine, le Stay bien entendu et tous les autres restaurants, les buffets, le room service, les animations comme le chariot des glaces à la piscine, les soirées plus festives… je supervise absolument tout, il faut une compétence à 360 degrés. Pour que ça fonctionne tout est extrêmement structuré bien sûr, et cela fonctionne aussi parce-que l’équipe est incroyable, je travaille avec de très très bons chefs, qui sont là au quotidien… Et pour revenir à ce qui fait Dubaï, par exemple là, on a un cuisinier qui vient du Sri Lanka et qui fait vraiment un travail hors-pair, en même temps il apporte aussi sa propre sensibilité, d’où il vient, qui il est, et c’est formidable d’avoir cet échange-là.

 

On ne fait pas dans la mode

Malgré cette grande diversité de culture culinaire, de goût, arrivez-vous à transmettre ce qui fait l’essence de votre cuisine, sans compromis? À échapper à cette exigence de “fusion” qui noie aujourd’hui beaucoup de restaurants internationaux ?

En cuisine comme en tout, les modes passent. On ne fait pas dans la mode, nous. Ça fait 10 ans qu’on est là, droits dans nos bottes. Regardez Zuma, j’ai été super impressionné la première fois que je suis venu, et eux non plus ils n’ont pas dévié, ils sont toujours là : il n’y en a pas beaucoup qui peuvent en dire autant. Ce que je propose c’est une construction culinaire dans sa vérité. Après je ne suis pas borné non plus : il faut être curieux, et évidemment aujourd’hui la scène alimentaire et culinaire est extrêmement mouvante, il faut observer ce qui se passe, s’intéresser.

 

En quoi votre cuisine est-elle moderne?

Ma cuisine c’est la gastronomie française, mais une gastronomie adaptée à des humains qui sont différents, qui n’ont ni les mêmes vies ni les mêmes exigences qu’au XIXème siècle par exemple. Aujourd’hui on fait plus bouger ses pouces que le reste de son corps (rires), donc je ne sais pas si on cuisine plus “sain” (je n’aime pas trop ce mot) mais une cuisine oui, qui doit prendre en compte les allergènes et éviter le “trop” de tout : trop de sel, de sucre, de gras.

 

Vous que l’on connaît comme le grand défenseur des sauces, c’est pour le profane une sorte de dichotomie, pour qui n’est pas un fin gastronome ou juste un curieux en cuisine, qui dit « sauce » dit « lourd », or vous prônez tout le contraire ?

La sauce est reine dans ma cuisine, c’est le verbe de ma grammaire, et si l’on est un cuisinier honnête, le seul élément finalement  sur lequel on peut et on doit travailler. On va arrêter de se prendre pour Dieu et de « réinventer » le poisson ! Le poisson est ce qu’il est, un poisson, un point c’est tout. En revanche on peut réinventer les sauces. Et  puis oui, c’est un préjugé qui a la vie dure mais que je travaille constamment à déconstruire - j’ai même fait un petit dessin animé sur « l’histoire de la sauce en cuisine » (il s’agit de « la chronologie des sauces de la préhistoire aux sauces modernes » à voir ici : lien à insérer) qui est vraiment sympa pour les enfants ! (pour les adultes aussi ndlr). Le mot même de sauce dérive d’une forme latine du mot « sel », elles existent depuis l’antiquité, elles ont suivi l’histoire des hommes, de la richesse à l’indigence - il existe même une « sauce du pauvre homme » ! La sauce est ce qui lie, ce qui fait un plat, elle est indispensable, il fallait juste les réinventer.

La gastronomie se doit d’être au fait de la nutrition

Et pour cela ? Quels sont vos secrets ? La technique ?

Oui, aujourd’hui la gastronomie se doit d’être au fait de la nutrition, et donc de la technique : par exemple pour parvenir à la cuisson parfaite du céleri : c’est à dire 83 degrés précisément pendant 12 heures, nous avons travaillé en laboratoire à Paris pendant 5 ans. Pourquoi 83 degrés ? Parce qu’au-delà on s’approche dangereusement de la zone où les amidons se transforment en sucres… La modernité elle est là, dans l’extraction à froid, pas à chaud. La réduction par le froid c’est ce qui va garder dans le goût, en bouche, toute l’expression du terroir, le minéral. Et qui dit minéral dit sel.

 

Une cuisine sans sel ? Vraiment ?

Non, et puis je n’aime l’idée d’une cuisine « sans », mais l’idée c’est comme le sucre, d’essayer d’obtenir autant - si ce n’est plus - d’intensité de goût, en utilisant d’autres moyens. Par exemple, prenons un élément très connu des placards d’épicerie. Le sel de céleri. Essayez plutôt de fabriquer le vôtre, sans additif ni sel ajouté : faites sécher des tranches fines de céleri frais, au soleil : et ici sur n’importe quelle terrasse ça devrait être plié en quelques heures (rires) !!! Une fois bien séchées et refroidies, râpez-les finement sur un risotto tout simple, je vous garantis que vous n’aurez aucune envie de rajouter du sel…

 

Vous innovez sur la technique, mais vous restez ancré sur des bases classiques ?

J’aime bien bouffer, j’aime un bon vin, j’aime que la gastronomie soit une science précise qui crée un moment d’harmonie complète, et je pense qu’on parvient à cette expérience entière quand on a des racines, quand on sait d’où l’on vient et qu’on travaille dans le respect : des produits, des clients, de l’expérience qu’on veut transmettre. Et pour ça il faut connaître ses classiques, ne pas se contenter d’une idée générale ou de l’idée approximative et souvent dévoyée que la majorité du public se fait d’un plat. Un exemple, ce dessert si désuet, La pêche Melba, la vraie, c’est juste divin. Qui a parlé de la noyer sous une tonne de sirop « fruits rouges », de chantilly ? La pêche Melba c’est juste une pêche pochée, des framboises écrasées, une glace vanille. Voilà : parfois faire moins, être plus précis, plus vrai, c’est faire plus, revenir au goût.

stay one and only the palm

STAY by Yannick Alléno is open daily from 7.00pm to 11.00pm (last order 10.45pm)

 

For reservations and further information, please contact Restaurant Reservations on +971 4 440 10 30 or email Restaurants@oneandonlythepalm.com.

 

For more information, please visit oneandonlyresorts.com

 

 

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Publié le 10 août 2020, mis à jour le 14 octobre 2020

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