Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

VÉRONIQUE LASSERRE - Ce qu’il faut savoir sur vos droits aux Émirats

veronique Lasserreveronique Lasserre
Écrit par Marie-Jeanne Acquaviva
Publié le 4 juillet 2019, mis à jour le 15 juillet 2019

Que vous soyez nouveaux arrivants ou expatriés depuis longtemps, s’il est bien un domaine où règnent les à priori et les préjugés, ce n’est pas forcément les habitudes vestimentaires des habitants du Moyen Orient, mais bien plutôt le fonctionnement de la Justice locale, et les droits et devoirs des occidentaux résidents à Dubaï : Le Petit Journal donne un coup de projecteur nécessaire sur ce domaine où il est si facile de se tromper alors qu’ici, comme partout dans le monde, l’adage « nul n’est censé ignorer la loi » se doit d’être respecté.

Rencontre avec Maitre Véronique Lasserre, associé fondateur du cabinet Lasserre & Partners Law Firm, avocat aux Barreaux de Paris et de Lausanne, ainsi que Legal Consultant aux Emirats Arabes Unis depuis trois ans. 

 

Lepetitjournal.com/Dubaï : Vous avez débuté votre carrière en Europe, qu’est ce qui vous a amenée à vouloir venir exercer à Dubaï ?

 

Véronique Lasserre : Je suis arrivée en 2015, depuis Lausanne, attirée par une forme de défi personnel et professionnel et par une belle opportunité qui s’offrait à moi. Mes domaines de prédilection couvrent particulièrement la fiscalité internationale, la planification patrimoniale et successorale ainsi que le droit de la famille (mariage, divorce). Le contexte extrêmement international de Dubaï m’offre ainsi l’occasion de servir une clientèle confrontée à des problématiques souvent complexes et touchant précisément à tous ces domaines. En 2018, je décide de fonder mon propre cabinet pour accompagner au mieux mes clients dans tout ce qui touche à leur fiscalité et au droit de la famille.

 

Votre clientèle est-elle majoritairement constituée d’expatriés ?

 

Oui, à 90% mon cabinet à des clients européens expatriés aux Emirats Arabes Unis. Mais pas exclusivement, disons que nous rencontrons environ 10% de clients originaires du Moyen Orient. Ces clients doivent faire face à des problématiques entrecroisant les législations de plusieurs pays, et pour qui il faut résoudre des situations internationales parfois complexes.

 

Quelles sont les erreurs les plus fréquentes, disons des erreurs typiques de « l’expat débutant » qui pense connaître le droit, mais qui va à son insu se retrouver précisément dans une de ces situations délicates ?

 

Si je devais établir une liste, je dirais qu’en première place arrive le problème de la résidence fiscale. Contrairement à une idée très répandue (pas seulement chez les « débutants ») et totalement fausse, ce n’est pas parce que l’on vit et travaille aux UAE que sa résidence fiscale s’établit automatiquement de fait à Dubaï. Cette dernière va dépendre d’un faisceau de facteurs, et sera en particulier fonction de la planification patrimoniale du foyer. C’est un point beaucoup plus complexe qu’on ne le pense, et aux implications patrimoniales lourdes de conséquences.

 

Ensuite en seconde position viendrait le thème de la succession, un sujet qui devrait en tout les cas donner lieu à un questionnement réel, questionnement au terme duquel il ne faudrait jamais se contenter d’un  « oui mais je suis français »  asséné à l’emporte pièce. Les lois du pays où l’on réside entrent en vigueur automatiquement par défaut, et je rappelle à toutes fins utiles que les Emirats ne sont pas régis par le droit français, que l’on soit citoyen français ou non ! La loi qui s’applique sur ce territoire est celle de la Charia, sauf si l’on a été suffisamment prévoyant pour organiser sa succession en mettant un mécanisme de protection patrimoniale en place. C’est le fameux sujet du « will » (testament) qui revient très souvent dans les discussions et les réseaux sociaux, sans pour autant que dans leur ensemble les expatriés semblent avoir pris conscience de sa gravité, ni aient agi en conséquence.

 

Enfin en troisième position, non pas parce que de moindre importance - au contraire - j’ai envie d’évoquer le sort des « femmes d’expats ». Là aussi on entend de tout, parfois dans une inconscience totale : « oui, mais je me suis mariée à Aix en Provence, c’est en France non ? » dira une-t-elle…. Certes, mais le régime de mariage ne s’applique pas « au-dessus des lois », et la loi ici, une fois encore, peut être le droit local et non pas automatiquement le droit français ou Européen, ce n’est donc pas forcément le droit du pays où a eu lieu le mariage qui prévaut. Or s’il n’y a pas eu de contrat de mariage spécifique préalable ou de désignation de la loi applicable, un couple qui se sépare aux Emirats sera d’office sur un régime de séparation de bien. Le jour où ça ne va plus, des femmes qui ont vécu dans une bulle protectrice et dans une ignorance souvent involontaire, se trouvent précipitées brutalement dans un jugement construit sur de très grandes disparités, et peuvent se retrouver totalement démunies et dans des situations vraiment dramatiques. Il faut connaître ses droits, et savoir prévoir le pire pour profiter du meilleur, où que l’on soit.

 

Justement comment prévoir, s’organiser, à quoi faut-il penser pour avoir l’esprit plus léger, se sentir en sécurité et du bon côté du droit ?

 

Idéalement, comme la médecine chinoise, nous sommes les plus efficaces lorsque nous intervenons en amont, avant le mariage, avant même le projet d’expatriation, ce qui permet de prendre conscience des risques et de mettre en place une structure efficace et sûre, rassurante pour toutes les parties. Car  attention la Charia ne doit pas se concevoir comme le négatif de notre système, en ce sens qu’elle n’est pas l’inverse de nos lois, parfois au contraire la balance penche fortement du côté de l’épouse, les divorces où l’homme se retrouve à devoir entretenir toute la famille et à payer des pensions très élevées ne sont pas rares. Mais les critères de fonctionnement sont profondément différents, et donc la prévoyance est absolument indispensable dans ce domaine délicat. Par exemple, on ne devrait pas ignorer que le père de famille est de fait le gardien des passeports de toute sa progéniture, ce qui bien évidement peut donner lieu à des situations très problématiques en cas de conflit.

 

La clé selon vous pour comprendre et mieux vivre ces différences fondamentales ?

 

C’est la pleine conscience : il faut avoir conscience de l’endroit où l’on vit et qui nous accueille, de sa culture (dans tous les sens du terme) et savoir voir les différences en toute objectivité, les voir pour ce qu’elles sont : des différences, des traits historiques, culturels et juridiques bien réels, constitutifs d’un pays souverain. Ne pas vivre son expatriation dans le fantasme ou dans l’ignorance, en tout cas pas en ce qui concerne sa situation matrimoniale ou patrimoniale !

 

Qu’appréciez vous le plus ici, quel est « votre Dubaï »?

 

Le fait précisément de travailler dans un état ou le droit est très diffèrent de celui auxquels nous sommes habitués en tant qu’Européens est un défi intellectuel passionnant, c’est un changement qui apporte à mon travail une vision complémentaire et très enrichissante.  Le fait aussi que ma clientèle soit beaucoup plus jeune qu’en Europe et constituée en majorité d’entrepreneurs, ce qui ajoute un dynamisme indéniable à ma pratique quotidienne…Quand à mon Dubaï, ce serait plutôt « mes Emirats » car je circule beaucoup, et pour moi Saadiyat Island à Abu Dhabi reste une vision paradisiaque dont je ne me lasse pas.

 

Pour plus d'informations Lasserre&Partners

 

IMG_3988
Publié le 4 juillet 2019, mis à jour le 15 juillet 2019

Sujets du moment

Flash infos

    Pensez aussi à découvrir nos autres éditions

    © lepetitjournal.com 2024