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Tout de Sweet, la délicatesse unique de Sonia Naanaa, une pâtissière mathématicienne

Sonia Naanaa de Tout de SweetSonia Naanaa de Tout de Sweet
Écrit par Marie-Jeanne Acquaviva
Publié le 9 octobre 2021, mis à jour le 11 octobre 2021

Une pâtisserie de plus direz-vous ? Oui… mais pas du tout : celle-ci n’est vraiment pas comme les autres ! Poussez la porte de ce délicieux boudoir, tout en délicatesse mais sans affèterie, une oasis de calme et de douceur sur Wasl Road : une harmonie de couleurs froides, des matières douces et des teintes profondes, de ravissantes touches de déco, on se sent invité… et certainement pas dans un salon de thé classique et ampoulé, ou un simple comptoir à pâtisserie. Ici, c’est Tout de Sweet, un joli jeu de mots, et une boutique sobre, délicieuse, élégante et pétillante tout comme la pâtissière hors du commun qui en est l’inspiration et le chef, la tête et le cœur : Sonia Naanaa.

 

 

Lepetitjournal.com/dubai : Votre réputation vous précède et avec elle un peu de mystère : on murmure que vous êtes autodidacte et que votre parcours est l’histoire d’une déviation à 180 degrés ?

 

Sonia Naanaa : Une déviation professionnelle très certainement ! Mais la pâtisserie a toujours été une passion… Cela étant, vous avez raison, je ne pâtisse « avec sérieux » que depuis peu de temps (deux ans)… Bon commençons par le commencement (rires) je grandis en Tunisie : j’adore aider ma mère en cuisine pour préparer les gâteaux et pâtisseries, surtout pour les grandes fêtes… je suis une élève sérieuse et je décroche une bourse du gouvernement tunisien pour les classes préparatoires. Je pars en France a l’âge de 18 ans, j’intègre l’Ecole Polytechnique suite aux classes prépa, et je me spécialise en mathématiques appliquées à la finance, puis je continue sur l’École des Mines… (puis je suis recrutée en salle de marchés à la Société Générale)

 

Ah, effectivement un parcours bien loin de la pâtisserie ! Et j’imagine qu’avec ce genre d’étude puis de carrière vous n’y consacrez plus guère de temps non plus ?

 

Effectivement : ce n’est pas un secret, travailler en salle de marchés (en vrai à Polytechnique j’avais un peu de temps  mais pas les moyens) ne laisse pas vraiment de temps pour une activité annexe, un hobby ou quoi que ce soit d’autre d’ailleurs. Je crois que la dernière fois ou je mets les mains à la pâte hors de rares exceptions remonte à mes 12 ans… Voilà, je continue sur ma lancée sans trop me poser de questions, même si je ne suis pas tout à fait épanouie dans mon travail, mais en réalité je ne me pose même pas cette question-là. Mais pendant la crise financière en 2009, une période où je m’ennuyais un peu au travail et je cherchais de nouveaux défis, par hasard je discute avec une collègue qui me raconte que son mari a acheté le livre de Ladurée et que depuis il pâtisse à tour de bras (rires) et qu’ils sont ravis : il décompresse, et les éclairs sont délicieux (rires). Cela m’intrigue et je me dis : « pourquoi pas ? ». J’acquiers le livre en question, je commence avec les éclairs, et je me dis que les éclairs au fond c’est un peu facile (une fois que je suis parvenue à un résultat qui me convient au bout de trois essais… et que je devrais passer aux macarons. Un début atroce, ils sont moches… mais bons ! Je persévère pendant plus d’un mois, jusqu’à ce que j’obtienne enfin de beaux macarons dignes de ce nom.

tout de sweet
Chocolate & pecan 

 

Vous ne choisissez pas la facilité !

 

Non, c’est vrai (rires) ! Surtout que je n’ai pas très envie d’apprendre dans un contexte scolaire ou didactique… j’aurais pu, mais au fond je me rends compte que tout ce qui est de l’ordre du créatif, ce que j’adore, c’est faire tout par moi-même. Donc je me lance en autodidacte complète…

 

C’est presque une démarche scientifique ?

 

Oui : je fonctionne vraiment avec des dizaines et des dizaines d’essais, jusqu’à ce que je trouve mon équilibre de saveurs, esthétique et gustatif. Après cela ne veut pas dire que je refuse les exemples et les conseils : j’ai beaucoup échangé sur les blogs, en particulier avec Marcotte - tous ceux qui se sont essayés aux macarons la connaissent, et si vous ne la connaissez pas encore : allez voir son site, c’est une Bible ! Mais aussi en achetant des tonnes de livres, en m’adressant directement aux grands chefs, je suis très ouverte et curieuse, mais c’est vrai que j’aime apprendre en expérimentant par moi-même. Je fais énormément de tests, en particulier sur les préparations dites « simples », je trouve que ce sont les plus délicates à réussir : être fidèle à la recette mais aussi gagner en légèreté, en profondeur. Par exemple mes madeleines, je voulais garder le fondant, mais ajouter un peu de légèreté et une touche personnelle….

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Hazelnut & caramel 

 

Les grains de vanille ?

 

Oui : on les sent sous la dent et j’adore cette combinaison entre le moelleux : c’est ce qu’on attend d’une madeleine ! Mais sans le côté un peu lourd et avec un petit truc en plus qui ne dénature pas… Mais c’est un résultat que j’ai obtenu par des essais, seule, dans ma cuisine (rires) pas par une recette. Je teste des associations comme la figue et le nougat, la passion et le matcha, je cherche sur le net, dans les livres, je recommence inlassablement…

 

Comment arrivez-vous à Dubaï ?

 

Alors après mon histoire d’amour avec la pâtisserie, vous allez avoir la primeur de mon histoire d’amour tout court (rires)… Je suis donc à l’époque en pleine phase « macarons » et j’envoie une photo de ma dernière fournée – dont je suis assez satisfaite - à mon frère. Il se trouve que ce dernier est à Dubaï, en train de prendre un café avec des collègues et amis. Il montre la photo à son entourage et l’un d’entre eux s’exclame, devant la photo des macarons, je précise bien que je n’apparaissais nulle part (rires) : « mais il faut que je la rencontre ta sœur ! »

 

Un vrai conte de fée ?!

 

En tout cas le début d’une belle histoire (sourire). Nous nous installons à Dubaï mais je ne donne pas encore la priorité à la pâtisserie. Ce n’est pas évident : quelque chose me retient, le poids de mes études, que j’aurais un peu l’impression de renier, un sentiment de « tout ça pour ça ». Je travaille donc toujours dans la finance. Puis les enfants arrivent, un premier, puis un second, et à chaque fois je prends un congé assez long. Congé durant lequel je pâtisse de plus en plus : des commandes, des buffets entiers parfois pour des amis, des fêtes, vraiment cela prend de l’ampleur. On commence à me suivre sur Instagram, j’ai même un client qui me commande toutes les semaines un gâteau conçu juste pour lui et son équipe : c’est bien, cela me pousse à être créative !

 

Quand décidez-vous de sauter le pas ?

 

Eh bien c’est grâce à mon mari – vous allez nous trouver d’incorrigibles romantiques (rires) ! Un soir il m’emmène dîner, c’est un bel endroit, pourtant c’est un jour comme un autre… il me demande si je sais pourquoi nous sommes là, je le chambre un peu en lui répondant « eh bien parce que tu m’aimes non ?! », bien sûr on rit, mais il me répond « non, pas seulement », et le voilà parti dans une grande explication comme quoi il se sent marié à Adèle (son idole) qui refuserait d’enregistrer un disque et ne chanterait que sous la douche… Et il réussit à me convaincre de partager ma pâtisserie, de me lancer, sans arrière-pensée.

 

Laissez-moi deviner : vous allez tout faire toute seule ?

 

Oui (rires), mais j’ai essayé ! Par exemple juste avant le confinement je voulais prendre un master class sur la viennoiserie, car c’est vrai que cela me manquait, je ne savais rien faire… manque de chance le confinement stoppe tout, donc j’ai appris toute seule. Je suis contente de pouvoir rajouter ça à mon répertoire. Et puis pour le local c’est un peu pareil, au départ j’essaie de partager une cuisine ou un lieu, mais je ne trouve personne qui veut me faire confiance, moi la « house Baker »... Donc ce sera décidé : je serai indépendante. Je veux recevoir les gens comme à la maison, comme chez moi : un endroit chaleureux, pas prétentieux, joli, ouvert, informel, avec un vrai bar qui donne sur la cuisine, des canapés confortables et quelques tables. Et je me lance dans un truc un peu fou : un menu qui change tous les jours, et des pâtisseries montées à la minute.

tout de sweet

 

Cela demande une sacrée logistique ?

 

Oui, il faut prendre les commandes la veille pour le lendemain, dresser à la minute, c’est un peu fou, mais pour moi la fraîcheur c’est une obsession : je ne veux pas faire goûter des pâtisseries qui traînent en vitrine depuis deux jours…cela ne m’intéresse pas. Ceci dit, maintenant j’ai modifié un peu : nous allons avoir un menu hebdomadaire et non plus journalier, avec toujours le même principe de précommande pour éviter les pertes. Moi ce qui m’intéresse ce n’est pas la quantité, les grands volumes, en tout cas pas pour l’instant et même si j’ai énormément de demandes. Ce qui compte c ’est la plus grande fraîcheur possible, le « fait maison » : je vais acheter toutes mes noix au souk, c’est moi qui fais tous mes pralinés, je ne sous-traite rien, j’ai peu de stock, je suis les saisons. Il y a dix jours j’avais des figues fraîches de Soliès, une merveille, donc j’ai fait des gâteaux autour d’elles. Comme les fraises gariguettes en saison, ou les mirabelles qui arrivent bientôt… Et puis des matières premières qui sont précieuses, comme les vanilles de Madagascar et de Tahiti, elles sont comme le Dior et le Chanel de la vanille, avec ça il faut faire du beau ! (rires).

 

Faites-nous confiance : ses gâteaux sont non seulement beaux, ils sont délicieux, et fait rare à Dubaï, la puissance des saveurs et la douceur des différentes combinaisons ne sont pas noyées sous une overdose de sucre… nous avons testé l’aérien et fondant Faux-cheesecake aux figues, le pistache-framboises divin, le mille-feuille dressé minute (une merveille), le sublime vanille-sésame noir (pour les passionnés de sésame : un mélange détonant, liant son amertume légère à l’infinie douceur de la vanille)… on n’a qu’une hâte, c’est revenir goûter le reste de la carte.

 

Pour suivre ses créations et passer commande c’est ici

@tout.de.sweet.by.sonia

 

 

 

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