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RAJA RABIA, notre nouvelle Consule générale de France à Dubaï

Eaja Eabia consule de france DubaiEaja Eabia consule de france Dubai
Écrit par Marie-Jeanne Acquaviva
Publié le 29 octobre 2018, mis à jour le 29 octobre 2018

Le Petit Journal de Dubaï a rencontré la Consule Générale de France à Dubaï, Madame Raja Rabia.  En poste depuis le début du mois de septembre, Madame la Consule nous livre ses premières impressions de Dubaï et des Émirats du Nord, et se confie sur ses espoirs et ses ambitions quant à son rôle et celui de la France dans les Emirats.

Les relations d’amitié et de collaboration très étroites entre la France et les Émirats se vivent ici au quotidien

 

Lepetitjournal.com/Dubaï : Si votre carrière vous a déjà amenée dans le Moyen Orient, vous venez tout juste de prendre poste ici, à Dubaï, quelles sont vos premières impressions ?

 

RR : Avant tout, je voudrais remercier l’équipe du Petit journal de me donner cette occasion de m’exprimer. Je voudrais également vous dire que je me réjouis d’être remarquablement bien reçue, et à haut niveau, par les autorités émiriennes à Dubaï et dans les Emirats du Nord. La qualité de cet accueil traduit bien la solidité des relations que notre pays entretient de longue date avec les Émirats Arabes Unis. Je constate chaque jour en sillonnant la ville au gré de mes rendez-vous combien la France est un pays qui compte, qui est attendu et qui est éminemment respecté par mes interlocuteurs. Dubaï est une cité-Etat, un comptoir marchand, une ville mondialisée, à la pointe de tous les progrès technologiques. Je ne peux que m’étonner, au fil de mes rencontres, de l’agilité et de la flexibilité des relations humaines comme professionnelles dans cet environnement unique dans la région.  La chaîne de décision y est très courte, ce qui permet d’escompter des résultats rapides dès lors qu’instruction est donnée par les plus hautes autorités. C’est un atout extraordinaire pour cette ville et je suis très heureuse de participer, sous l’autorité de l’Ambassadeur de France, au resserrement des relations entre notre pays et les Emirats dans leur ensemble.

 

Vous "héritez" d’une ville qui vient de traverser de gros défis économiques (avec l’introduction de la TVA) et qui se lance dans la course vers l’Expo 2020, donc beaucoup de changements en cours et à venir ?

 

Dubaï a été façonnée par une ancienne tradition marchande. C’est d’abord un port maritime, à la jonction entre l’Europe et l’Asie. C’est aussi une plateforme logistique inégalée, ce qui lui a permis depuis les années 70  de se positionner sur la carte mondiale du commerce. Elle abrite plus de 200 nationalités, on y entend parler toutes les langues du monde. Une ville-monde ouverte à tous comme pouvaient l’être les comptoirs méditerranéens de la Renaissance.

Cette place, ce succès, ce centre névralgique pour le commerce international, n’est pas le fait du hasard mais d’une volonté et d’une détermination des élites dirigeantes qui ont su tabler sur la position géographique de la ville et s’affranchir de tous les dogmes, pour se projeter dans l’avenir. C’est une véritable ville-modèle pour le développement urbain et économique. Dubaï a réussi à diversifier son économie en sortant du tout-pétrole. Elle est aujourd’hui pionnière pour les nouvelles technologies et en passe de devenir la « smart-city » du monde grâce à des investissements dans l’intelligence artificielle, priorité également au niveau fédéral.

Je pense que nous avons beaucoup à apprendre de cette adaptabilité et du mode de prise de décision par consensus même si c’est évidemment le privilège d’un pays neuf qui a eu la chance d’avoir des visionnaires à sa tête avec Cheikh Zayed à Abou Dabi et Cheikh Rashid à Dubaï. Cette approche libérée de tout dogme pré-établi ou de structures héritées de l’histoire est également incarnée aujourd’hui aussi par Cheikh Sultan à Sharjah en réussissant à placer son émirat sur la carte culturelle et éducative régionale.  Les Emirats Arabes Unis sont devenus un laboratoire du monde et la région arabe gagnerait à s’inspirer de ce modèle de développement. Les EAU prouvent qu’il n’y a pas de fatalité du sous-développement pour peu que l’on ait des dirigeants ayant le sens du bien commun et la volonté du progrès économique et social pour l’ensemble de la société.

 

Qu’en est-il de la présence et de l’expertise françaises aux Emirats ?

 

Il y a plus de 600 entreprises françaises implantées aux EAU, majoritairement à Dubaï. C’est le signe tangible d’une relation de confiance et d’un partenariat stratégique solide entre nos deux pays. La marque de fabrique de la France en diplomatie, c’est d’être un partenaire alternatif et une voix indépendante.  Cette approche équilibrée nous donne un rôle privilégié à l’échelle internationale et c’est un formidable atout pour notre influence, notre « soft power ». La France est associée à la culture et au savoir mais aussi, de plus en plus, à l’innovation. Dans le domaine éducatif, cher aux Emiriens, nous avons obtenu la réintroduction du français dans les écoles locales. Les Emirats ont fait le pari de la langue française pour contrer d’une certaine manière l’expansion du « globish » (le global english  ou globish: un anglais appauvri et simplifié qui fait office d’esperanto international, ndlr). C’est un acte de souveraineté fort qui fait écho au nouveau statut de « membre associé » qui leur a été accordé lors du dernier Sommet de la Francophonie à Erevan.

 

Nous avons également reconduit pour une  seconde année le  « Dialogue culturel Franco-Émirien » au vu d’un succès inattendu en France où le public ne connaît pas suffisamment les Etats du Golfe. C’est là un signe très fort de l’intérêt qui prévaut dans notre pays pour les évolutions en vigueur dans la région et aux Emirats en particulier. Nous avons aussi renforcé les filières françaises dans les universités : il y a 200 inscrits dans la filière francophone à l’université d’Ajman ! Nous venons de signer plusieurs accords de coopération avec des universités françaises : Paris II Assas qui forme des financiers au DIFC et le CHU de Nice qui va coopérer avec la Health Authority pour promouvoir des travaux de recherche médicale. Nous accueillons chaque année en France une trentaine d’étudiants émiriens en médecine ! Tout ceci traduit un vrai investissement de la part des EAU et une ferme résolution des autorités : le choix de la France.

 

Quel regard portez vous sur la communauté française des Émirats ?

 

L’accompagnement et l’animation de la communauté française, dans toutes les dimensions offertes par un Consulat Général comme celui de Dubaï, sont des priorités absolues pour moi. J’ai la chance de pouvoir m’appuyer sur une équipe très investie et dévouée, ayant un réel sens du service public. C’est important pour répondre aux multiples demandes d’une communauté forte de 18 000 personnes enregistrées, probablement 25 000 au total y compris aux Emirats du Nord, et dont la moyenne d’âge est de moins de 40 ans. C’est la première communauté française dans la région du Golfe. Elle est très représentative du dynamisme de nos entreprises. Nous célébrons un mariage par semaine et nous avons eu plus de 350 naissances depuis le début de l’année ! Je voudrais rassurer tout de suite nos compatriotes : sachez que les autorités locales ne tarissent pas d’éloges sur vous ! Vous êtes tous très appréciés pour ce que vous apportez au quotidien dans le développement spectaculaire de Dubaï et des Emirats du Nord. Vous êtes, chacun d’entre vous, un porte-drapeau de notre pays et cette excellente image rejaillit bien entendu sur le Consulat Général et tous les services de l’Etat représentés.

 

Que conseilleriez vous aux nouveaux arrivants ?

 

Venez vous inscrire au consulat (sourire) et surtout inspirez-vous des pratiques d’entrepreneurs français qui vous ont précédé, afin de mieux comprendre l’écosystème local, hautement concurrentiel. Elargissez aussi vos centres d’intérêt, au-delà de Dubaï, aux Emirats du Nord qui sont insuffisamment connus en France alors qu’ils présentent de réelles opportunités d’affaires et de coopération :  Charjah, Ajman, Oum Al Qouwaïn, Ras Al Khaimah, Foujeirah. Et puis profitez au maximum de toutes les initiatives offertes par la dizaine d’associations représentatives de la communauté française pour vous constituer un réseau utile ; allez au-devant des Emiriens, notamment en saisissant les occasions des séminaires et des multiples manifestations économiques où ils vont en nombre. Je me suis rendue la semaine dernière au Gitex, pendant une journée calme de la semaine, pour rencontrer les 17 entreprises représentées sous notre pavillon national mais aussi pour rendre visite aux pavillons « smart Dubaï » et du Gouvernement de Dubaï.

 

C’est en saisissant de telles occasions que les entreprises françaises, et en particulier les jeunes entrepreneurs, peuvent se faire connaître et bâtir un réseau de contacts utiles. Je voudrais rendre hommage à cet égard à certaines figures de notre communauté qui ont réussi et qui se montrent disposés à accompagner les nouveaux venus : M. Louis Rigaud, qui a, par exemple, organisé récemment la quatrième édition d’Alp Fest en conviant une trentaine de pme-eti de Savoie, ou Mme Tamara Hostal qui a implanté l’école de stylisme Esmod. Sans compter la French Tech si bien incarnée par les talentueux Timothée Desormeaux et Romain Hostal. J’en oublie bien sûr et je ne peux pas citer tout le monde et tous ceux que je rencontre au fil des réunions et manifestations auxquelles je suis conviée, grâce à l’aide si efficace du French Business Council et de nos cinq élus consulaires qui me donnent les « clés » pour mieux comprendre ma circonscription ; qu’ils en soient ici remerciés.

 

Avez-vous eu le temps de connaître un peu les autres Émirats, de sortir de Dubaï ?

 

Oui j’ai déjà pu me rendre plusieurs fois à Abou Dabi, à Ajman et Charjah.  Je dois vous dire que les EAU ne me sont pas une terre inconnue. J’avais beaucoup voyagé dans ce pays durant mes longs hivers européens. Les paysages somptueux du désert et de la montagne aux Emirats ont enchanté mes souvenirs. Pour moi qui ai eu le privilège de voyager dans le désert saharien du grand sud libyen, il y a plus de vingt ans, je dois dire que le désert émirien offre un émerveillement équivalent.   Comme le disait si bien le regretté Théodore Monod, le désert tient de l’épure et offre à l’âme une sérénité sans pareille. Quoi de plus beau que la vue d’un oryx, si gracile, dans le silence absolu du petit matin !?

 

C’est une évidence mais elle a son importance : vous êtes femme et arabophone accomplie, est-ce un atout, en particulier dans les pays du Golfe ?

 

Je suis née en Tunisie mais j’ai grandi en France, comme beaucoup de nos compatriotes issus du Maghreb. Je parle le dialecte tunisien en famille. Cela ne suffit pas pour maîtriser la langue classique et j’ai dû faire un effort, durant mes années de lycée, pour suivre des cours par le CNED, et ensuite à la Sorbonne puis à Sciences Po à Paris. Après être entrée par le concours d’Orient au Quai d’Orsay, j’ai été affectée en Libye où j’ai amélioré ma pratique d’une langue dont la grammaire comme la locution écrite et verbale sont très complexes. De retour en 2015 dans le monde arabe, au Caire, j’ai retrouvé, intacte, la mémoire de la langue arabe alors que j’avais passé entre-temps une quinzaine d’années dans des postes en Europe.

Je dois dire que c’est une bénédiction de savoir la parler même si les termes très techniques liés aux nouvelles technologies et à l’innovation me demandent un effort de mémorisation supplémentaire. A Dubaï, la langue d’affaires est l’anglais et c’est dans cette langue que mes entretiens se déroulent en général mais certains de mes interlocuteurs me parlent spontanément en arabe et je constate que les contacts en sont grandement facilités. Je constate aussi que certains d’entre eux s’aventurent même à dire quelques mots voire quelques phrases en français, langue qu’ils aiment et pratiquent lorsqu’ils voyagent dans notre pays.

 

Être une femme à Dubaï est un atout également car les femmes émiriennes sont très impliquées dans la vie active et dans le monde des affaires. Je rencontre cette semaine Madame Raja Al Gurg, présidente de la Dubaï Business Women Chamber, et j’ai hâte de discuter avec elle du rôle pionnier des entrepreneuses émiriennes. Elles sont encouragées par les autorités et la parité n’est pas un simple mot d’affichage pour la communication extérieure. Elle est réellement pratiquée. Je suis convaincue que le fait d’être une diplomate française arabisante contribue beaucoup à l’accueil chaleureux et attentif dont je bénéficie depuis mon arrivée. Je compte faire de tous ces atouts une carte pour promouvoir les projets portés par notre pays et notre communauté, en particulier dans la perspective du grand rendez-vous qui s’annonce avec Dubaï Expo 2020.

 

 

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Publié le 29 octobre 2018, mis à jour le 29 octobre 2018

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