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Marc Ferrero et son exposition Lipstick à l’Alliance Française

Marc Ferrero et son exposition Lipstick à l’Alliance FrançaiseMarc Ferrero et son exposition Lipstick à l’Alliance Française
photo Pia Torelli
Écrit par Marie-Jeanne Acquaviva
Publié le 28 novembre 2020, mis à jour le 29 novembre 2020

L’Alliance Française expose jusqu’au 11 décembre, et pour la première fois mondialement la série Lipstick du peintre Marc Ferrero organisé par la Galerie Nationale, dont se sera également la première exposition au Moyen Orient. Un artiste ultra sincère et qui aime jouer avec la manipulation, volubile et exubérant mais féru d’histoire de l’art, vivant dans l’instant présent autant que dans un monde parallèle nourri d’une imagination fertile et futuriste... Plongez avec nous dans son « temps coloré » et merveilleux, écoutons un artiste unique qui a décidé d’entrer en résistance contre la Grande Accélération du Monde et qui a eu le coup de foudre pour Dubaï.

 

Lepetitjournal.com/dubai : C’est votre première exposition au Moyen Orient, mais ce n’est pas votre première visite ?

Marc Ferrero : Non je suis venu il y a une dizaine d’années pour tenir des conférences sur le Storytelling Art*... C’est un terme sulfureux puisqu’il parle de manipulation, mais une idée qui n’est pas dangereuse ne mérite pas d’être appelée une idée”* Le Storytelling tel que je l’ai conçu c’est manipuler les cadrages, raconter des histoires. Mais de belles histoires, pas des discours marketing creux fabriqués par le marché et les marchands... je suis à l’opposé de ça. Je m’entoure depuis toujours de personnes de qualité, ce qui fait que désormais j’ai un flux continu d’acheteurs, d’amis, de collectionneurs qui viennent et reviennent vers moi, je ne cherche pas “le marché”. En réalité cela se rapporte à la façon dont on envisage son public : moi, j’ai décidé de m’adresser a priori à des gens intelligents, c’est un rapport fluide, qui grandit de façon naturelle entre ce que je produis et ceux à qui je vends... Tout ça pour dire que je ne suis pas venu chercher Dubaï à toute force, mais qu’on s’est trouvés !

 

Le Storytelling Art pour les nuls c’est ?...

La peinture pendant longtemps fût un art de commande, donc il faut plaire et plaire aux puissants, la liberté arrive en France avec les Impressionistes, avant cela l’expression personnelle des peintres ne s’exprimait qu’à travers des autoportraits puis en 1863 arrive le Salon des refusés où sont exposés les Impressionistes. Je suis né en 1963, donc100 ans plus tard, ce n’est pas si vieux. Tout le 20ème siècle va utiliser cette liberté pour se concentrer sur la recherche graphique, et aujourd’hui cette recherche est terminée. Pour offrir à la peinture une nouvelle aventure, j’ai créé le mouvement du Storytelling Art qui exprime 3 idées majeures que sont, la fiction, la manipulation et la fusion.

 

Visuellement on est proche de la bande-dessinée ? Surtout des graphismes des années 70 comme Saga de Xam ou Les Aventures de Jodelle : sur une même page une multitude d’espaces et de temps de narration, sans pour autant passer par la “bulle”?

Je ne comprends pas que le marché de l’art considère qu’on ait fait le tour de la BD avec Warhol et Lichtenstein. Le Pop Art était une critique positive de la société de consommation et pour l’exprimer. Les artistes Pop ont recyclé des produits de consommation pour en faire des oeuvres d’art. La BD est un art ultra complet et complexe, il n’y a rien de plus complexe visuellement et d’un point de vue narratif qu’une bande dessinée ! Le principe de la BD consiste en une double utilisation de l’ellipse : temporelle et spatiale, cela capte le regard, il se passe quelque chose, un échange. Moi j’ai commencé par la BD, c’est mieux que les BA* où malheureusement on n’apprend plus à dessiner (rires) !

 

Vous vous inscrivez dans l’histoire de l’Art, mais vous y créez votre propre mouvement?

Un grand artiste fait ce qu’il faut faire, au moment où il faut le faire. Il faut plaire à l’Histoire de l’Art, pas au public ! On m’a déjà dit de changer mes sujets par ce que “un personnage fictif ça ne peut pas plaire”… Les grands artistes savent traduire leur époque en temps réel et ma génération aime la fiction et la fusion, c’est donc la voie que j’ai choisie.

 

Votre vision de Dubaï, cette ville futuriste sortie du néant ou presque? C’est un geste, une esthétique qui doit vous plaire?

Oui! Pour moi c’est presque un geste artistique ! Une volonté performative, qui donne forme au sens propre, c’est une définition de l’art. Le fait d’oser, et d’oser en grand, c’est une définition de l’artiste... Bravo : oser c’est créer. Dubaï mérite un grand mouvement artistique, quelque chose qui reflète son âme : Paris a eu les Impressionnistes, New-York a eu le Pop’art, Dubaï pourrait être la ville du Storytelling Art !

marc fererro
Photo Pia Torelli 

 

Pour lancer un mouvement il faut un manifeste, un salon...

Je postule! En tant qu’artiste indépendant je sollicite un rendez-vous (rires)! Il me faut 30’ pas plus! J’ai tellement envie d’expliquer ce projet à qui pourrait nous ouvrir cette porte... Oui, je serais vraiment heureux d’être l’initiateur, de lancer le premier “Manifeste du Storytelling Art”, ici, à Dubaï, de lancer un salon, une vraie Foire du Storytelling... et attention : pas une de ces foires qui abusent les jeunes artistes en leur faisant acheter une fortune des mètres linéaires de stand pour rien... Ce que je souhaite c’est rassembler des artistes, des jeunes justement, et leur demander de commenter leurs oeuvres par n’importe quel medium. Poésie, prose, dessin, n’importe quelle forme de graphisme au service d’une histoire... Les grands artistes ont toujours inversé les règles, les habitudes. Les Impressionnistes se sont concentrés sur des paysages qui étaient des arrière-plans, Picasso a étalé ses introspections sur la toile, au vu et au su de tous... le Storytelling Art j’y mets mon histoire, ma fable.

 

Et vous créez un dialogue?

En tout cas un échange, une interaction, mes histoires sont ouvertes, chacun y lit ce qu’il veut au fond. Je suis très loin d’une certaine prétention propre à l’art contemporain, de l’achat d’art comme statut social ou investissement.

 

L’art ce n’est pas de l’investissement, ni du futile, c’est un achat essentiel finalement?

En tout cas ça devrait l’être! Une maison sans tableaux c’est une maison sans fenêtres... Il faut être humble et il faut remettre l’acte de peindre au centre du débat et plutôt que de parler de records en salles des ventes, parlons de peinture…Ma première toile vendue à 50 Euros j’étais fou de joie !... Aujourd’hui on fixe un prix cher d’office, dès le départ pour se placer dans un marché. C’est creux, c’est faux.....

 

Parlez-nous de Lipstick?

Lipstick c’est une série, une oeuvre « signature ». Avoir une oeuvre-signature, un tableau ou une série accolée à son nom, c’est fondamental... Lipstick c’est huit ans de recherche et de développement, ce sont des huiles sur toiles et des résines. Quand au motif c’est un pochoir que j’ai travaillé à partir de mon héroïne, Lisa L’Aventura. Exprimer l’idée d’une femme moderne ne pouvait se faire qu’en mixant des formes angulaires et des volutes, une touche de cubisme et pas seulement des formes rondes traditionnellement utilisées pour exprimer le féminin. À l’arrivée on a une oeuvre extrêmement élégante, et une expositions thématique : « French Kiss ».

 

Comment cette série justement a-t-elle gagné une telle notoriété?

 

La collaboration avec Hublot* a été un indéniable accélérateur, elle date de 4 ans et c’est une collaboration qui s’est construite sur un coup de foudre. J’ai adoré travailler avec eux et ils me laissent une liberté totale de création. D’ailleurs j’ai travaillé cette année avec Hublot sur un autre concept dans le cadre du lancement de la nouvelle montre connectée Big Bang E, et leur département Hublot loves Art. Cette déclinaison de cadrans est basée sur mon concept du “Temps Coloré” avec un fond qui change toutes les trois heures pour dévoiler une oeuvre originale différente, sur une teinte et une punchline assorties... toutes les trois heures un nouveau monde au fond!

 

Le “temps coloré” c’est poétique comme concept, est-ce que cela vient d’une de vos toiles?

J’ai travaillé sur un scenario et sur une comédie musicale avec mes personnages fétiches qui se battent contre la grande “accélération” du monde. Les rebelles - il y a toujours des rebelles (rires) - décident de créer en réponse le « temps coloré »... C’est une histoire écrite par un peintre ne l’oublions pas, donc cela change toute l’approche... les méchants sont cubistes, mes héros sont pop, je jongle avec les banksters...

 

Joli mot-valise!

Alors j’adore l’ironie de ces personnages: et vous savez-quoi ? Tous les banquiers s’arrachent les toiles de banksters, ils ne manquent pas de second degré (rires) !... En tout cas j’ai plein de projets autour de ces histoires là, les producteurs de Sin City sont intéressés. Je travaille aussi sur une vraie comédie musicale avec un Roi Maître des Heures, une Reine Garante des Minutes et un Jockey à cheval sur les Secondes... Je navigue dans le pluridisciplinaire, c’est l’aventure!

 

En parlant d’aventure : et votre performance dans le désert de Dubaï?

J’ai tout de suite su que ce serait bien, qu’il se passerait forcément quelque chose. En lisant l’email avec cette proposition déjà j’ai ressenti des émotions, le projet m’a touché. Et puis au moment dit tout était parfaitement préparé... mais nous n’avions pas compté avec un invité-surprise. Le vent. Et il a tout transformé: disons que le premier tiers de la performance pourrait se qualifier de “normale”, l’ambiance est sereine, créative, j’adore l’idée. Puis le vent arrive et chamboule tout. Cela se transforme en combat entre lui et moi. Je ne peux pas tolérer qu’un tableau ait la main sur moi, il faut que je le maîtrise. Il m’emmène où il veut mais c’est moi qui le guide, et c’est moi qui trouve son équilibre. Un tableau n’est terminé que quand il atteint un certain équilibre. Parfois c’est celui que j’avais prévu. Parfois c’est tout autre chose. L’art c’est la révolte et la critique sociale, rien d’autre finalement. Je me suis révolté contre le vent, et mes tableaux portent en eux leur propre didascalie, leur regard sur le monde. Je ne veux pas être pris en otage par un monde qui s’accélère - et contre lequel je me bats dans mes histoires. C’est le combat éternel entre l’homme et les éléments, entre l’homme et la machine. Et cette fois j’avais vraiment Futuropolis en toile de fond, et le désert à mes pieds : grandiose!....

 

*Storytelling Art: mouvement de peinture fondé par Marc Ferrero, qui mêle sur la même toile fiction narrative, fusion des graphismes et manipulation des cadrages.

*Oscar Wilde


*BA : Beaux Arts

*Bankster : mot-valise inventé par l’auteur, mélant « banker » et
« gangster » (banquier et voyou)


*Hublot a réalisé une collaboration avec Marc Ferrero dont le fruit est une série de montres Lipstick (https://www.hublot.com/en-ae/news/big-bang-one-click-marc- ferrero-39mm) Ainsi qu’une collaboration dans le cadre du concept # Hublotlovesart avec la réalisation de cadrans pour la nouvelle montre connectée Big Bang E https://youtu.be/ V6Y1fMHJrI8

Pour suivre le travail de Marc, c’est ICI

 

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Publié le 28 novembre 2020, mis à jour le 29 novembre 2020

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