AURÉLIE AVOGADRI, la créatrice des ballerines chic House of Ballerinas

Par Marie-Jeanne Acquaviva | Publié le 25/07/2019 à 01:00 | Mis à jour le 29/07/2019 à 18:28
Aurélie Avogadri House of Ballerinas

« Monter sa boite » ou se mettre à son compte dans les bijoux artisanaux ou le prêt-à-porter parce qu’on a une idée ou un modèle qui plait aux copines, parce qu’on a juste envie de se lancer c’est un rêve partagé par beaucoup d’expats, mais peu d’entre nous ont le courage de tout lâcher pour se jeter à l’eau, et encore moins dans l’inconnu. Aurélie Avogadri n’a pas hésité longtemps, c’est un parcours de femme et d’entrepreneuse peu banal qu’elle partage avec nous, en nous racontant l’histoire de House of Ballerinas, la marque de chaussures 100%  handmade in the UAE  née d’une parisienne shoe addict et perfectionniste.

 

 

Lepetitjournal.com/dubaï : Pourquoi se lancer dans le design, la fabrication et la vente de chaussures, c’est assez complexe comme première aventure entrepreneuriale, non ?

 

Aurélie Avogadri : Oui c’est vrai ! Disons que ce choix se comprend mieux si on connaît mon parcours : je viens de 15 ans de marketing dans la grande consommation, au sein de multinationales avec un code de fonctionnement très hiérarchisé, très corporate. C’est un monde où l’on ne compte pas ses heures de travail, axé sur les défis, la performance, et c’est aussi une façon de travailler très stimulante, très addictive: on en veut toujours plus, on repousse les limites même si c’est difficile - surtout si c’est difficile. Ceci dit, après la naissance de mes enfants j’ai passé un cap, j’avais le sentiment d’arriver à la fin d’un cycle, je n’avais plus les mêmes envies. Au départ je n’avais pas du tout en tête de monter ma propre boîte, je ne me suis jamais considérée comme entrepreneuse, mais le sens du défi m’a manqué, l’idée de créer ma marque a commencé à germer… et j’ai compris qu’il fallait que je me lance dans un domaine qui me passionne vraiment !

 

Et ce sera la chaussure ? Mais le défi ne vous inquiète pas : c’est très technique, non ?

 

Disons qu’il y a d’abord un choix justifié par un goût personnel : j’adore les chaussures, j’en achète beaucoup (rires) et cela m’amusait de proposer un produit qui n’existait pas sur le marché des EAU : une chaussure de qualité, jolie, aux designs frais et chics “à la française”, confortable et dans une gamme de prix abordable. Oui il y avait déjà de très gros acteurs sur la marché mais si l’on cherchait de jolies ballerines pour tous les jours, il n’y avait rien entre le luxe et le très bas de gamme. Et puis c’est un défi (on ne se refait pas !) de se lancer dans quelque chose auquel on ne connaît absolument rien!

 

Comment avez-vous abordé votre premier prototype, qu’est ce que vous aviez en tête ?

 

Je trouvais amusant d’essayer de résoudre tous les problèmes rencontrés chez les autres, ce qui m’a pris énormément de temps, de très longs mois de recherches et de très nombreux essais. Par exemple un des points techniques auquel je tenais était le confort de la chaussure, nous avons donc vraiment mis l’accent sur un rembourrage très épais tout le long de la semelle, et pas uniquement sous le dessous du talon. Nous utilisons donc une mousse à mémoire de forme de 4mm ce qui rend la chaussure incomparablement plus confortable : vraiment, ce sont des pantoufles (rires)! Mais aussi une chaussure qui soit la plus naturelle possible, afin que le pied respire et ne transpire pas à l’excès - ce qui est le cas dès que la doublure est en synthétique ou que l’on fait des compromis sur la qualité des cuirs. Donc je suis allé sourcer les peaux en Italie, et j’ai fait développer spécialement pour mes collections un cuir unique qui ne soit pas trop ciré, justement pour que le rendu soit le plus naturel et le plus respirant possible. Donc j’ai vraiment abordé ça du côté technique, résolution de défis, et non pas du côté dessin de mode… disons que c’est un angle d’approche différent.

 

Aurélie Avogadri House of Ballerinas

 

Comment passe-t-on d’un premier proto à une collection ?

 

C’est un processus très long : par exemple chaque modèle, chaque chaussure est montée à partir d’une forme - de bois autrefois aujourd’hui plus souvent en polymère. Chaque moule est unique, et il faut à chaque chaussure trois jours pour que le cuir se forme sur ce moule. En amont bien entendu je travaille avec mon designer : je lui fournis mes idées, et avec ce que j’ai en tête et avec ses dessins nous mettons au point les coloris, les matériaux et surtout le dessin technique qui partira à l’atelier pour lancer le premier proto… mais parfois le chemin est ardu, certaines paires (notamment dans notre première collection capsule de talons) m’ont demandé jusqu’à 20 prototypes! Et puis j’ai une attention aux détails et aux matières particulière : tous mes cuirs sont italiens et tous mes tissus - et même mon fil - sont choisis en Europe méticuleusement. Par exemple j’ai un modèle bleu avec un nœud ton sur ton, que j’ai fait teindre spécialement en Italie après ce que j’avais surnommé “La Quête du bon Bleu” (rires). Alors quand enfin toute la gamme est terminée, oui, ça m’arrive de regarder une chaussure et de me dire “elle vient de loin celle-ci!”.

 

Vous faites donc tout faire à la main dans un atelier ici même à Dubaï ? C’est assez unique : quelles sont vos relations avec vos artisans ?

 

La proximité est essentielle, je suis là à chaque étape, à chaque problème, à chaque résolution de problème! Bref je suis physiquement dans l’atelier presque tous les jours. C’est un dialogue esthétique constant et fascinant : par exemple l’un de nos ouvriers est un maître peaussier incroyable, il a une façon de regarder, de toucher, d’examiner les peaux, et surtout un savoir-faire très précieux qui lui permet d’un coup d’œil de savoir positionner les formes de la façon la plus optimale pour tirer le meilleur parti de chaque cuir, le mettre en valeur et masquer les accrocs ou les défauts. Aucune peau n’est à 100% parfaite, c’est un produit naturel et on doit le magnifier, pas en jeter la moitié à la poubelle parce qu’on s’est simplement trompé à la découpe. C’est un travail fondamentalement artisanal, nous ne sommes pas dans un monde virtuel, tant que vous n’avez pas la chaussure terminée entre les mains, que vous n’avez pas tout vérifié, la douceur de la doublure, la régularité de la couture, l’uniformité des couleurs, ou tout simplement un échantillon qui vous a paru sublime et qui une fois commandé est juste décevant, vous n’êtes sûr de rien… donc les surprises peuvent être bonnes ou mauvaises, mais elles ne manquent pas c’est certain!

 

Qu’est-ce qui vous reste de vos années marketing, dans ce monde de la mode et de l’artisanat ?

 

Beaucoup de choses! Mon approche reste toujours professionnelle presque à l’excès : par exemple je fais faire mes photos et mes shootings par des photographes et des mannequins dont c’est la profession car il est très difficile de trouver des modèles ayant à la fois de jolis pieds, de jolies jambes, et qui ne soient pas que des mannequins de détails (c’est-à-dire qui ne montrent que leurs pieds) mais qui aient une silhouette, une présence, un visage… Je travaille aussi avec un styliste dont c’est le métier : j’ai ma collection en tête, les coloris, les matières, mais ce n’est pas mon métier, je ne sais pas dessiner et donc j’engage quelqu’un qui sait ! C’est en ça peut être que mon approche est différente, d’emblée très entrepreneuriale en fait… Et toujours de me lancer des défis, comme notre collection capsule de modèles à talons, qui est née justement encore une fois d’un problème à résoudre, d’un défi à surmonter : est-ce qu’il est possible de développer une gamme de talons hauts avec le même confort ‘pantoufle’ que nos ballerines, sans sacrifier au chic ?

 

Est ce que vous y êtes parvenue ?

 

À vous de me dire il faut les essayer (rires), mais oui, elles sont extrêmement confortables, et font un pied sublime ! Nos clientes en sont ravies !

 

Pour la femme qui est derrière une marque “100% made in UAE”, quel est “votre Dubaï”, ce qui vous fait sentir chez vous ici, votre coup de coeur ?

 

La Marina ! J’y ai emménagé il y a presque 10 ans et je n’en suis jamais partie ! J’aime sa vie de quartier, ses commerces de proximités, ses activités pour les enfants, les petits restaurants Français comme le Café des arts ou le Frenchy et pouvoir juste me promener à pied et ne pas à avoir à utiliser ma voiture, ce qui est très rare à Dubai et me rappelle ma vie en Europe.

 

Aurélie Avogadri House of Ballerinas

 

 

Vous pouvez trouver la collection entière sur le site www.houseofballerinas.com et en magasin à Maison Clad (Vida Downtown) ou au A4 Space de Alserkal Avenue.

 

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Aurélie Avogadri House of Ballerinas

 

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