Pierre Thiam, infatigable ambassadeur de la cuisine ouest-africaine

Pierre Thiam, ambassadeur de la cuisine ouest-africaine et chef signature du Pullman

Le chef Pierre Thiam, la cinquantaine élégante, cuisine, dirige un restaurant à New York et écrit des livres inspirés par les produits africains. Depuis bientôt un an, il est également le chef signature du Pullman Dakar Teranga. Il y présentait vendredi dernier sa nouvelle carte, où l’on trouvera notamment des beignets de crevettes avec une sauce tamarin ou un ragout d'agneau et de moringa avec un couscous de mil aux dates.

Né à Dakar en 1965, Pierre Thiam est parti aux États-Unis il y a trente ans pour poursuivre ses études de physique-chimie. Mais le sort en décide autrement ! Pour gagner un peu d’argent, il découvre le monde de la cuisine d’abord comme aide-serveur puis petit à petit, il en gravit tous les échelons, jusqu’à devenir un chef réputé à New-York, promoteur de la gastronomie ouest-africaine. « Je faisais la plonge chez Garvin’s, un restaurant de Greenwich Village. J’ai eu un véritable coup de foudre pour l’ambiance en cuisine ! Le chef m'a pris sous son aile et j’ai commencé à zéro. Trente ans plus tard, je suis toujours en cuisine » racontait-il dans une interview en décembre 2018. Depuis, il a ouvert un service traiteur et des restaurants à New York, dont le Teranga, le dernier en date. Il a également lancé sa société, Yolélé Foods, qui travaille avec des petits exploitants agricoles du Sahel en leur ouvrant de nouveaux marchés pour les cultures en Afrique. Son produit phare est le fonio.

La cuisine de Thiam se veut à la fois moderne et ancrée dans les traditions culinaires de l’Afrique de l’Ouest. Son nouveau livre de cuisine, The Fonio Cookbook (Lake Isle Press), vient de paraître en octobre 2019. Il l’a dédicacé chez Lulu samedi dernier.  

Rencontre, à la fin du service, avec cet ambassadeur de la cuisine ouest-africaine.

Quelle est votre histoire avec le Pullman Dakar Teranga ?

Pierre Thiam : C’est une longue histoire même si elle n’a véritablement débuté qu’il y a un peu plus d’un an. J’ai toujours été déçu qu’à Dakar, dans les grands hôtels, on retrouve essentiellement des produits importés et très peu de produits locaux. Quand Daniel Daniel Karbownik, directeur du Pullman m’a contacté via Instagram pour me proposer de faire appel à mes services, j’ai tout de suite accepté car c’était dans la continuité de mes engagements. Daniel est un visionnaire, avec une vraie passion pour le service. Il a réussi à imprimer au Pullman un virage culturel, un bel esprit, en redonnant de la place à la créativité et aux savoir-faire africains. A mon niveau, l’objectif était de redonner une plus grande place aux produits africains dans la carte du restaurant et de revisiter les plats traditionnels. Le Sénégal et plus généralement l’Afrique de l’Ouest, disposent de beaucoup d'aliments dont nous pouvons tirer parti.

Ce soir, je suis venu pour présenter la nouvelle carte. Lorsque je suis arrivé il y a quelques jours, je n’avais pas encore tout à fait la carte en tête. La cuisine, pour moi, c’est comme le jazz, c’est une histoire d’inspiration ! Je vais la chercher à la source, sur les marchés et en allant à la rencontre les producteurs. Et ma deuxième source d’inspiration, c’est la mémoire des plats, de mes voyages, de mon enfance.

Vous venez de sortir votre 3ème livre, celui-ci est consacré au fonio. Pourquoi ?

J’ai un vrai coup de cœur pour cette graine et je trouve qu’elle méritait un livre ! C’est l’une des céréales les plus anciennes d’Afrique. Elle était déjà cultivée il y a 5 000 ans et possède de nombreuses qualités nutritives et gustatives. Par ailleurs, elle est adaptée aux changements climatiques car elle n’a pas besoin de beaucoup d’eau. Et elle pousse rapidement ! Enfin, elle redonne vie aux terrains où elle est cultivée avec ses racines.

Grâce au fonio, nous avons ouvert des marchés pour des fermiers cultivateurs du Sahel. Je la commercialise aux Etats-Unis à travers ma société Yolélé. Je collabore également avec l’association SOS Sahel.

Dans ce livre, je propose des recettes pour l’accommoder de différentes manières, de la salade jusqu’au sushi, en passant par des croquettes, et même des desserts.

Comment vous définiriez-vous ?

Je suis quelqu’un de curieux, d’aventurier. J’ai l’esprit voyageur et j’aime particulièrement arpenter les marchés, qui sont, à mes yeux, le reflet de l’âme du peuple.

Je m’estime chanceux ! Sans doute aussi ai-je su saisir les opportunités lorsqu’elles se sont présentées. Et puis, je suis de nature optimiste.

Enfin, je suis profondément attaché à la tradition, qui est ma grande source d’inspiration. Mes grands-mères ont préservé et transmis les traditions culinaires du Sénégal. J’ai envie à mon tour de les transmettre !