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Gorée, entre mémoire et résilience

GoréeGorée
Stéphane Tourné
Écrit par Marame Coumba Seck
Publié le 20 novembre 2017, mis à jour le 6 janvier 2021

En cette matinée de samedi du mois d’août, l’embarcadère de Dakar bat son plein. Des familles, amis copains-copines, des à-moi seul, ont vidé leurs foyers exigus de la ville et ses environnants où sévit une chaleur infernale en cette période d’hivernage. Tout mène à Gorée, île obscure de par son histoire, mais aussi île de vie.

 

Gorée

 

Au centre de cette rade de la presqu’île du Cap-Vert, le Castel, plateau rocheux recouvert de bunkers, domine l’île et offre une vue superbe sur Dakar en miniature avec ses maisons alignées sur la côte Est. Par ses ruelles paisibles, ses maisons et ses édifices publics à l’architecture coloniale parés de teintes de vieux rose avec des fenêtres s’ouvrant pour la plupart sur les ruelles, on découvre une Gorée tranquille. Sans klaxons de véhicules ni le bruit de charrettes tirées par des chevaux. Seule la plage est animée. Au milieu du village, le Relais de l’Espadon, ancienne résidence du gouverneur français de Gorée qui a abrité récemment le détachement des sapeurs pompiers.

Ses vérandas à colonnes, ses allées de basalte poli, ses forts, bref toutes les différentes unités, sont des pièces à conviction à la charge d’un passé esclavagiste et colonial d’une « île mémoire » qui a été du XVe au XIXe siècle le plus grand centre de commerce d’esclaves de la côte africaine.

Île sortie de l'anonymat grâce au premier Festival mondial des Arts nègres organisé en 1966, à Dakar, on y lit quelques traces de notre histoire, notamment la traite transatlantique. En effet, elle symbolise l’ « esprit » du passé.

Gorée au-delà des histoires et des vérités aléatoires

Que dire de Gorée, dont des historiens révélent son passé obscur et des vérités aléatoires sur le rôle qu’elle a joué dans les traites négrières ? Des réminiscences de l’horreur humaine certes, mais aussi une île sublime qui va au-delà de la comparaison entre l’humanité du « maître » d’un temps sombre et celle-là du supplicié. Une Gorée qui exalte des vies, une vitrine d’expressions artistiques avec ses nombreux ateliers et tant d’autres curiosités qui vous donneront suffisamment envie d’y passer de meilleurs moments.

 

Ile mémoire, havre de vie, Gorée, dans l’imagerie populaire, est encore cette bande de terre entourée d’eau et hantée par des corps éprouvés, des cœurs meurtris d’un autre temps. On en oublierait même ses charmants habitants, ses jeunes pleins de vie et d’initiatives, sa petite plage de sable particulièrement prisée pendant l’été. Elle est le lieu d’une extraordinaire effervescence où des esprits créatifs laissent libre cours à l’imagination.

Gorée-enfants

Ces amusants petits nageurs guettant la chaloupe pour recevoir des menues monnaies récupérées dans les profondeurs d’une mer aux douces ondulations la dote de nouveaux mendiants dénommés de manière imagée, les « mendiants de l’eau ». Gorée, un endroit pour nourrir le cœur, l’esprit mais également les yeux. Des artistes venus des quatre coins du pays et du monde vous y attendent pour vous donner le meilleur d’eux-mêmes.

La maison des esclaves, un passage obligé.

Maison des esclaves-Gorée

La « porte du voyage sans retour », s’ouvre sur l’océan Atlantique. Par cette première, on revit le cri désespéré de familles séparées à jamais puis embarquées sur des bateaux, après une longue attente. Avec tout son cortège de souffrances et de larmes, la Maison des esclaves représente l’endroit où l’on ressent le plus, l’esprit du passé.

 Bâtie vers 1786 puis rénovée en 1990 par l’association Gorée-Fraternité, cette bâtisse, sur la côte est de l’île est devenue un lieu de recueillement et de mémoire important. Passage obligé pour tout touriste venu à Dakar, le Pape Jean-Paul II y est passé. Dans les cachots exigus du sous-sol, Il fait son mea culpa à l’Afrique qui, peut être, a été victime de sa richesse en hommes et en matières premières. Le précédent président des Etats-Unis, Barack Obama comme son prédécesseur, Bill Clinton s’y sont recueillis lors de leur passage à Dakar.

 

Inscrite sur l'inventaire des monuments historiques du Sénégal depuis 1975 et en 1978 sur la liste du patrimoine mondial,l’île a été découverte par les marins portugais en 1444. Tour à tour portugaise, hollandaise et anglaise, Gorée avait revenue à la France en 1677. Avec sa proximité avec le continent africain, l’île était un enjeu majeur entre les puissances européennes qui l’ont successivement utilisée comme escale ou comme marché d’esclaves. Dès le XVIe siècle, elle a servi d’entrepôt de « bois d’ébène » avec la construction des premières « captiveries » ou « esclaveries » par les Portugais.

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