La démocratie n'est pas éternelle !
Fin 2019 a eu lieu une conférence, organisée au Palais de Christiansborg (siège du Parlement danois) par la fondation Alliance des Démocraties, une ONG basée à Copenhague. Le sujet - un thème d'actualité dans les affaires internationales - portait sur l'ingérence électorale étrangère et la manière dont les démocraties peuvent se protéger d´une telle menace.
La fondation Alliance des Démocraties est une très jeune ONG danoise, fondée il y a un peu plus de deux ans. Son fondateur est l'ancien Premier ministre danois (2001-2009) et secrétaire général de l'OTAN (2009-2014), Anders Fogh Rasmussen. Un des objectifs est de promouvoir les démocraties et les marchés libres à travers le monde.
Pour cette conférence, la fondation Alliance des Démocraties a réussi à attirer des personnalités très en vue parmi les principaux orateurs et panel d´invités, dont des ambassadeurs et diplomates des États membres de l'UE. Les deux principaux orateurs étaient Jeppe Kofod, l'actuel ministre des Affaires étrangères du Danemark et Michael Chertoff, l'ancien secrétaire américain de la Sécurité intérieure. Les tables rondes ont été animées par des membres du Parlement danois et des représentants de sociétés de médias ou d'entreprises technologiques.
Chacun des intervenants et des membres du panel d´invités a contribué au débat avec des idées portant sur les défis auxquels les démocraties d'aujourd'hui sont confrontées. La plupart des experts a abordé deux questions clés: la menace provenant de la zone de cybersécurité et la menace de la désinformation. Ils se sont tous entendus sur le fait que la principale menace pour le déroulement d´élections équitables dans les démocraties contemporaines proviendrait de la Russie.
Il est quelque peu ironique de voir comment, à l'ère de l'accès instantané à l'information, la désinformation est considérée par les politiciens et les experts techniques comme l'une des principales menaces à la démocratie. Vivre dans l'ère du concept de la «Post Vérité» doit être un élément clé de cette équation. Et, selon le ministre des Affaires étrangères, Jeppe Kofod, c'est précisément le développement des médias sociaux qui a changé la façon dont ce moyen archaïque de manipulation politique, la désinformation, est utilisé.
Mais quand les gens ont l’accès instantané à l'information au bout des doigts, comment cela est-il possible? Pourquoi la désinformation? Et pourquoi la Russie?
Michael Aastrup Jensen, un parlementaire danois de Venstre, et Jakob Nielsen, rédacteur en chef d'Altinget, ont tous deux soutenu que la désinformation se propage parce que les gens ne la prennent pas au sérieux, mais plutôt comme une blague, à moitié vraie. Et de cette façon, le message parvient toujours à se répandre et à influencer les idées et les mentalités.
Certains d'entre vous connaissent peut-être le concept de « mesures actives», qui correspond aux actions des renseignements soviétiques ayant pour but de renverser et d´influencer les démocraties occidentales et qui incluent la désinformation, la propagande, la contrefaçon de documents officiels, le mercenariat et la répression politique. Ces dernières années, après la période qui a suivi la fin de la guerre froide et les étapes vers la démocratie en Russie, on a pu remarquer une réémergence de ce type d'actions dans l'approche des relations internationales.
En fait, dans une interview accordée au Financial Times à l'été dernier, Vladimir Poutine, aussi simplement et directement que possible, a jugé « l’idée libérale occidentale comme obsolète ».
Selon le rapport du conseiller spécial Robert Mueller sur l'enquête sur l'ingérence de la Russie dans l'élection présidentielle américaine de 2016, l'Agence russe de recherche sur Internet (IRA) a créé des centaines de groupes de médias sociaux qui "ont affirmé être affiliés à des mouvements politiques et populaires américains", tels que TEN_GOP, Secured-Borders, Black Matters ou LGBTQ United. Ces faux comptes de médias sociaux ont atteint des dizaines de millions de personnes dans le seul but de "saisir toute occasion de critiquer Hillary et les autres (sauf Sanders et Trump)". Par exemple, un tweet du Heart of Texas a faussement affirmé que 69% des vétérans réfutaient Hillary Clinton. Cette campagne est allée jusqu'à essayer d'induire les gens en erreur pour qu’ils votent en envoyant des SMS au lieu de passer par le processus habituel.
Le président français a également été victime de telles actions. Lors de la dernière campagne présidentielle, Emmanuel Macron a été décrit comme ayant une orientation homosexuelle ou comme un agent américain, soutenu par l'Arabie saoudite ou les Rothschild.
L'ingérence, en provenance de Russie, dans les élections démocratiques et les référendums est un fait connu dans le monde entier, avec des cas confirmés dans de grands pays comme l'Ukraine, le Royaume-Uni, les États-Unis ou en France.
Quelles solutions ?
Les solutions proposées lors de cette conférence allaient des propositions visant à mettre d´avantage l'accent sur l'éducation aux médias dans les politiques d´éducation, en commençant par les écoles élémentaires, jusqu'aux idées plus sophistiquées qui incluaient l'utilisation de la technologie de la blockchain pour garantir l'exactitude des informations et des comptes des médias sociaux.
Les deux principaux orateurs, Jeppe Kofod et Michael Chertoff, ont souligné le fait que les pays ne peuvent pas s'attaquer individuellement au problème de la désinformation et de l'ingérence électorale, mais que les démocraties du monde entier doivent réunir leurs efforts collectivement. À cette fin, Michael Chertoff avec Anders Fogh Rasmussen et d'autres personnalités politiques internationales telles que l'ancien Vice-Président américain Joe Biden, l'ancien Vice-Premier Ministre britannique Nick Clegg ou l´ancien Président estonien, ainsi que ses homologues mexicains, Toomas Ilves et Felipe Calderone, ont uni leurs forces au sein de la Commission transatlantique contre l’interférence électorale, une organisation visant à résoudre le problème de l'ingérence électorale.
Le problème de la désinformation est un vrai problème. Et il influence notre vie quotidienne de différentes manières. Les implications de la désinformation et de l'ingérence électorale dans notre tentative de garantir une démocratie juste et saine sont importantes. De quelle source obtenons-nous nos informations? Et comment vérifions-nous leur exactitude? Ce ne sont que quelques questions…mais fondamentales pour que le concept de démocratie ne meure sous nos yeux.