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Du carton au chef-d'oeuvre : anatomie d'un art tissé

Pour la première et unique fois en France, le Grand Palais accueille du 11 juin au 10 août 2025 une exposition hors norme : seize tapisseries monumentales issues d'une commande danoise exceptionnelle, tissées dans les prestigieuses manufactures françaises des Gobelins, de Beauvais et des ateliers privés d'Aubusson.

La Reine Margrethe II et l'artiste Bjørn Nørgaard au Palais de Christiansborg le 29 avril 2025La Reine Margrethe II et l'artiste Bjørn Nørgaard au Palais de Christiansborg le 29 avril 2025
La Reine Margrethe II et l'artiste Bjørn Nørgaard au Palais de Christiansborg le 29 avril 2025 ©Den Kongelige Samling, Keld Navntoft
Écrit par Sibylle de Valence
Publié le 12 juin 2025, mis à jour le 13 juin 2025

Une commande d'envergure royale

 

« L'art de la tapisserie n'est pas de créer seulement une pièce mais une histoire, un dialogue entre plusieurs artistes, et différentes périodes de l'histoire, » insiste Hervé Lemoine, président du Mobilier National.

Un art retrouvé grâce à cette commission unique de part son envergure. À l'origine d'une telle ambition, il fallait une donation généreuse. En 2018, la Nouvelle Fondation Carlsberg, grand mécène danois, offre ce cadeau au château royal de Koldinghus dans le Jutland pour célébrer ses 750 ans.

Quatre artistes danois sont alors sélectionnés pour concevoir les « cartons » qui racontent l'histoire du château et servent de base aux tapisseries : Kirstine Roepstorff, Bjørn Nørgaard, Tal R et Alexander Tovborg. Le cahier des charges est clair : une liberté artistique absolue, condition essentielle à la force symbolique des œuvres.

 

Les licières, interprètes des « cartons »

De 2020 à 2024, vingt licières ont donné vie à ces cartons en les tissant sur métier entre Paris, Beauvais et Aubusson. Un savoir-faire inscrit depuis 2009 au patrimoine culturel immatériel de l'UNESCO.

 

« C'est un métier d'interprétation, comme un musicien avec une partition. On donne une incarnation à l'image de l'artiste. » explique Agnès, 48 ans de métier et médaillée du service de la reine danoise.

Cet ensemble colossal de quatre grandes pièces de six mètres de long sur trois mètres de haut (dont une sera achevée en 2028) et douze tapisseries d'entrefenêtres d'un mètre de large sur trois mètres de haut ornera la salle de danse et la salle des chevaliers à partir de 2028.

 

Les Licières des deux séries danoises des années 1990 et 2020 rencontrent la Reine Margrethe II le 29 avril 2025 au Palais de Christiansborg.
Les Licières des deux séries danoises des années 1990 et 2020 rencontrent la Reine Margrethe II le 29 avril 2025 au Palais de Christiansborg. ©Den Kongelige Samling, Keld Navntoft

 

Quand le Danemark confie son roman national aux mains des licières françaises

Ce n'est pas la première fois que le Danemark fait appel à l'excellence française en matière de métiers d'art. En 1988, un groupe d'entrepreneurs danois commande une série de tapisseries monumentales pour fêter les 50 ans de leur Reine Margrethe II. Son époux francais, le Prince Henrik, encourage à confier le chef d'oeuvre aux Gobelins et à Beauvais. Bjørn Nørgaard accepte de dessiner toutes les esquisses à condition d'avoir carte blanche.

Onze grandes pièces et six plus petites ornent depuis l'an 2000 les murs du Grand Hall (Riddersalen) du palais de Christiansborg, siège du Parlement et lieu des grandes réceptions officielles. À la gloire du Danemark, chaque tapisserie raconte des pans entiers de l'histoire millénaire du royaume scandinave, des Vikings à aujourd'hui.

 

Festival des Gobelins au Palais de Christiansborg : un hommage aux licières françaises

À l'occasion du 25ème anniversaire de la remise de ces tapisseries, la Collection Royale (Den Kongelige Samling) a organisé un festival des Gobelins au palais de Christiansborg, le temps d'un week-end riche en événements culturels consacrés aux métiers d'art et des arts textiles.

Parmi les temps forts, la venue exceptionnelle de quatre des licières françaises - Odile, Christine, Agnès, et Marie-Cécile – qui avaient participé à la réalisation de cette commande historique il y a un quart de siècle, invitées pour la première fois au Danemark par Thomas Thulstrup, directeur de Den Kongelige Samling.

 

« C'est touchant de les voir accrochées au mur. On se souvient exactement de ce qu'on a tissé. » raconte Agnès, forte de 48 années de métier.

video presentation licière Danemark_France
Lire la vidéo ©Sibylle de Valence

L'un des moments les plus marquants pour les licières fut sans aucun doute de rencontrer Sa Majesté la Reine Margrethe II, qui les avait personnellement décorées 25 années plus tôt.

 

Vidéo licière décorée il y a 25 ans par la reine du Danemark
Lire la vidéo ©Sibylle de Valence

 

Le festival a culminé le 29 avril avec un finissage en présence de Sa Majesté la Reine Margrethe II et une table-ronde réunissant les artistes Bjørn Nørgaard, Kirstine Roepstorff, le président des manufactures nationales Hervé Lemoine, la pasteure et écrivaine Katrine Lilleør, et la futurologue Anne Skare Nielsen.

Une standing ovation a salué les licières, marquant un émouvant moment d'amitié franco-danoise, également incarné par Christophe Parisot, ambassadeur de France au Danemark, et Hanne Fugl Eskjær, ambassadrice du Danemark en France.

 

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