Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

PROSTITUTION - État des lieux d’une profession légalisée en Allemagne

Écrit par Lepetitjournal Cologne
Publié le 24 février 2016, mis à jour le 5 avril 2016

 

Aux côtés de la Lettonie, de la Grèce, de la Suisse, de l’Autriche et des Pays-Bas, l’Allemagne fait partie des rares pays d’Europe qui ont légalisé la prostitution. Bien que les maisons closes et l’exercice du métier soient autorisés, ils n’en restent pas moins encadrés, mais de manière insuffisante selon beaucoup. Un projet de loi est actuellement à l'étude. Le texte final est censé entrer en vigueur en 2017 et doit remédier aux carences actuelles.  Lepetitjournal.com Cologne vous propose un état des lieux de la prostitution en Allemagne en 2016 et vous présente ce qui va bientôt changer.

Connu pour être le "bordel discount" de l’Europe, le cas de l’Allemagne oscille entre critiques et louanges. Certains saluent le pragmatisme du pays, qui prend ses responsabilités face ce métier ancré dans la société, d’autres estiment que cela favorise une forme d’esclavagisme moderne. Quoi qu’il en soit profession est aujourd’hui reconnue par l’État. Elle permet aux prostitué(e)s de bénéficier d’une protection sociale : couverture maladie ou assurance chômage. 

Certain(e)s travailleurs/travailleuses souhaitent exercer librement et ne pas être soumis à un règlement ou un patron. En Allemagne, elles peuvent le faire en freelance sous le statut d’auto-entrepreneuses sous certaines conditions.

Des nouvelles méthodes entre formules spéciales Crise et Technologie 2.0

La création de 3.500 maisons closes a développé une concurrence féroce entre professionnels d’un secteur générant jusqu’à 15 milliards d’euros chaque année selon Verdi ,le syndicat allemand des travailleurs du sexe.

Les propositions commerciales ne manquent pas et s’adaptent à la crise pour attirer les clients, comme des forfaits "sexe à volonté" pour moins de 100 Euros, ou des formules incluant boissons, repas ou massages.              

D’autres offres proposent des applications pour Smartphones de mise en relation des prostitué(e)s avec leurs futurs clients. Sur le même principe que Tinder ou Happn, une Start-Up berlinoise a lancé Ohlala. "L’idée est de laisser le choix aux femmes de monnayer leurs charmes tout en éliminant les intermédiaires potentiels, les obligations d’agenda et tous les autres risques et contraintes avec lesquels une Escort doit composer ", explique la femme à l’origine de cette application, connue sous le pseudonyme  Pia Poppenreiter. Avec Ohlala, le prestataire choisit son client. Ils conviennent ensemble quelle sera la tournure des événements avant de se rencontrer, ce qui permet d’éviter certaines déconvenues.

Les nouvelles lois

Il aura fallu plus d’un an pour que les membres du gouvernement SPD-Die Grünen se mettent d’accord pour réformer la loi sur la prostitution mise en place en 2002. La date du vote de la loi au Bundestag n’a pas encore était fixée mais un premier accord semble s’être dégagé : le port du préservatif. Bientôt obligatoire pour tous les clients de prostitués en Allemagne, celle-ci rentrera en vigueur en juillet 2017. Inscrite sur des panneaux à l’entrée des établissements, de lourdes amendes seront à prévoir pour ceux qui ne respectent pas cette nouvelle loi.

En plus de cela, des rencontres plus fréquentes avec des conseillers, ainsi qu’un suivi médical seront aussi à envisager. Les péripatéticiennes n’auront plus le droit de dormir dans les chambres où elles officient, comme c’est encore fréquemment le cas.

Enfin le contenu du casier judiciaire des tenanciers sera passé au crible. Notamment au moment de délivrer la licence, afin d’éviter à d’anciens proxénètes de se retrouver à la tête de lupanars.

De nombreuses critiques

Bien qu’étant une piste de réflexion intéressante et très pragmatique sur un sujet souvent tabou, le contexte actuel favorise le tourisme sexuel, notamment de la part des pays frontaliers. Le Saarland, petite ville du sud-ouest proche de la frontière française, a ainsi développé pas moins de 270 maisons closes.

De leur côté les associations féministes estiment ce texte trop limité pour avoir un réel impact sur leurs conditions de travail. Avec en figure de proue Alice Schwarzer, féministe allemande qui a publié un pamphlet en 2014 qui fit grand bruit : Prostitution, ein deutscher Skandal, parlant de l’Allemagne comme étant un paradis pour proxénète.

Des résultats en demi teinte

Bien qu’existant depuis 2002 et permettant un grand nombre d’avantages comme le fait de pouvoir porter plainte contre son employeur, les résultats de ces réformes restent encore discrets. En effet, seul un nombre très limité de prostituées bénéficient concrètement d’un contrat de travail. À peine 1 % des 350.000 professionnels exerçant outre-Rhin en bénéficient. 

Derrière la lumière des néons, une obscurité froide

Derrière une publicité chaleureuse, il est parfois difficile de distinguer la frontière entre commerce du sexe et esclavagisme. Une investigation du Spiegel Online fait état, dans certains établissements de Berlin, de conditions de travail proches de celles de la traite humaine.

Derrière des offres alléchantes, des tarifs avantageux, c’est souvent la marge de la travailleuse qui se retrouve réduite. Selon lejournalinternational.fr, certains vont même jusqu’à proposer "du sexe avec toutes les femmes pendant autant de temps que vous voulez, autant de fois que vous voulez, de la manière que vous voulez (…) sexe anal, oral, triolisme, gang bangs… le tout pour 70 euros la journée" une véritable industrie où les conditions sanitaires et d’hygiène ne sont pas toujours respectées. Certaines vont jusqu’à accepter des rapports non-protégés pour toucher un supplément

Encore du chemin à parcourir

Pour un pays adepte de la Realpolitik qui n’hésite pas à rentrer en guerre pour combattre Daesch en seulement quelques jours ou qui fut prêt à accueillir plus d’un million de réfugiés en seulement quelques mois, le sujet de la prostitution semble plus délicat pour les Allemands.

C’est au regard de tous ces éléments que le projet de loi sera débattu et adapté à la réalité du terrain. La volonté de trouver un accord est déjà en soi une avancée. Reste à mettre en pratique ces volontés pour parfaire ce que la loi de 2002 avait initié. Mais il y a encore du chemin à faire pour permettre d’offrir des conditions de travail décentes à toutes les travailleuses et travailleurs du sexe exerçants en Allemagne.

Benjamin Hardy (www.lepetitjournal.com/cologne) Mercredi 24 février 2016

logofbcologne
Publié le 24 février 2016, mis à jour le 5 avril 2016

Flash infos