La démocratie "liquide" du parti Pirate serait le dernier avatar d'une démocratie mythifiée depuis les Grecs - puisqu'elle ne concernait à Athènes que 40.000 personnes sur 250.000 - et à laquelle on a au fil du temps ajouté nombre d'adjectifs censés la définir, voire justifier la dictature. Pourquoi se liquéfie-t-elle ?

La définition de la démocratie liquide est proposée par "Agora ex Machina"¹ : "participative, directe, transparente et évolutive" ; ou "système dans lequel la plupart des problèmes sont décidés par un référendum direct, et où le vote par procuration est facilité".
Ce qui laisse entendre que tout citoyen a la même connaissance des problèmes mondiaux que les dirigeants de la Planète, les chefs des services secrets, les techniciens, historiens et autres experts ? Ce qui rappelle, respect gardé, le peintre abstrait Boronali coqueluche des années 1910 jusqu'au moment où l'on apprit qu'il s'agissait de la queue d'un âne (Aliboron) à laquelle on avait attaché un pinceau. Tout le monde peut-il être peintre ?
"La démocratie est la pire forme de gouvernement, à l'exception de toutes les autres parfois tentées."² Le mot de Churchill est toujours vrai, mais quelles sont les limites ? Les Pirates sont des gens cultivés, au coeur même de l'information virtuelle et du traitement des données le bien nommé : c'est peut-être là que le bât blesse.

Démocratie totalitaire ?
« Gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple », disent Lincoln et notre Constitution. Le tout est de savoir ce qu'on nomme peuple - qui excluait à Athènes femmes, esclaves, (souvent ennemis faits prisonniers) et métèques (étrangers payant impôts) et parfois des citoyens plus pauvres.  
Pour les manipulations, nous avions "démagogie" ("conduite du peuple") aujourd'hui remplacé par "populisme", ce qui embrouille tout : "populisme" est une assez bonne traduction de ... dèmo-kratos ! Hitler jadis, récemment V. Orban en Hongrie ou T. Nicolic en Serbie  furent élus démocratiquement.
Quant à la démocratie "populaire" (redondance !), on sait ce qu'il en advint.

Peuple virtuel
Ceux  qui ont la connaissance dominent le monde. Dans plusieurs cultures, ce furent les prêtres - de Babylone aux Lumières. Puis les scientifiques et savants, comme en témoigne un siècle des Lumières qui s'appuie sur l'Encyclopédie.
Aujourd'hui, Internet, donné au monde par l'armée américaine - paradoxe laissant rêveur - offre-t-il un fantastique instrument d'échange des savoirs et d'égalité virtuelle, ou se révèle-t-il un instrument d'asservissement à des modèles économiques ou politiques implicites, que les révélations Wikileaks, les élections fulgurantes des partis Pirates en Suède ou en Allemagne, l'affaire de l'introduction en Bourse de Facebook résument assez bien ?
La démocratie ne risque-t-elle pas, liquéfiée en pixels, de se dissoudre ?

Elizabeth Antébi (www.lepetitjournal.com/cologne) Mardi 29 mai 2012

1 http://liqd.dyndns.org/cupp/
2 The Official Report, House of Commons (5th Series), 11 November 1947, vol. 444, cc. 206?07

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