

Le 30 mai 1992, Français et Allemands découvraient pour la première fois la chaîne Arte. Avec son slogan "Laissez-vous déranger par Arte", la chaîne faisait figure d'ovni au sein du paysage audiovisuel français. Un ton décalé, des programmes innovants et résolument culturels, et une volonté de se libérer des contraintes de l'audimat, voilà qui résumait l'identité de la chaîne. Aujourd'hui encore et après 20 ans d'existence, Arte affirme sa différence. Retour sur un projet culturel unique en son genre
Le 2 octobre 1990, François Mitterrand et Helmut Kohl signaient la naissance d'Arte. Le projet culturel concrétisait alors la volonté politique franco-allemande de garder des liens forts. Se caractérisant par une "diversité des tons, des genres et des paysages", la chaîne franco-allemande avait pour mission de produire et diffuser "des émissions ayant un caractère culturel et international au sens large et propres à favoriser la compréhension et le rapprochement des peuples en Europe". Il faudra pourtant deux ans avant que la chaîne ne diffuse ses premières émissions des deux côtés du Rhin. A l'époque, rares étaient ceux qui croyaient à l'avenir de la chaîne franco-allemande et les premiers programmes reçurent un accueil mitigé notamment de la part de nos voisins d'Outre-Rhin.
Une idée venue de l'Hexagone
Car l'idée de créer une chaîne culturelle commune à nos deux pays est d'abord venue de France ; l'Allemagne se montrant plus sceptique face à ce projet. Beaucoup voyaient de la part de François Mitterrand, fervent défenseur du projet, une volonté non avouée d'exporter coûte que coûte la culture française. Le souvenir des années Goebbels suscitait aussi chez nos voisins allemands la crainte de voir la chaîne devenir un instrument de propagande politique.
Pourtant, 20 ans plus tard, la chaîne a fait ses preuves et a su trouver sa propre place au sein du paysage audiovisuel français. Avec une ligne éditoriale forte qui a fait d'elle une chaîne aux programmes singuliers, devenant une référence qu'il fait bon de citer malgré des audiences relativement faibles, Arte est devenue une sorte de chaîne de télévision destinée à tous les insatisfaits de la télévision traditionnelle, adeptes de programmes culturels ambitieux.
Une chaîne non soumise aux quotas d'audience
Contrairement à France Télevisions, Arte n'est pas soumise au diktat de l'audimat et cultive sa particularité tout en résistant à l'uniformisation. La chaîne bénéficie d'un budget confortable ? en 2011, le budget était de 425 millions d'euros - et est financée en majeure partie par les redevances radio et télévision des deux pays.
Malgré un bilan positif, Arte connaît cependant comme l'ensemble des chaînes hertziennes une érosion de son audience (moins de 3% en France et 1% en Allemagne). Un phénomène dû notamment à la montée en puissance des chaines de la Télévision Numérique Terrestre (TNT).
Soucieuse de ne pas seulement s'adresser à un public composé d'intellectuels et de se renouveler, Arte mise sur le numérique et fait figure de pionnière avec des webdocs toujours plus innovants. L'objectif : toucher les jeunes. La chaîne a ainsi lancé entre autres New York Minute, sur trente années de culture rap, puis Planète Galata, du nom du pont emblématique d'Istanbul autour duquel le vidéaste Florian Thalhofer a composé une ?uvre poétique. Ont suivi In Situ (l'art urbain dans cinq villes d'Europe) et la première webfiction d'arte.tv : Addict(s), de Vincent Ravalec.
Les émissions qui ont fait la popularité de la chaîne
Mais la créativité d'Arte ne se limite pas seulement au Web comme le démontrent certaines émissions devenues aujourd'hui cultes pour tous les aficionados de la chaîne. Si on devait n'en retenir que trois; ce serait sans doute Tracks , Karambolage ou encore Le dessous des cartes. La première, créée en 1997, investit un terrain inexploré dans le paysage audiovisuel français : la contre-culture. Uniquement musicale à ses débuts, l'émission parle aujourd'hui autant du dernier teknival que de sports extrêmes, de street-art, de musique ou de graphisme? Karambolage est sans doute la plus appréciée des amoureux du franco-allemand car elle s'intéresse aux différences culturelles de nos deux pays de manière anecdotique et ludique. Quant au Dessous des cartes, il s'agit d'une émission de géopolitique présentée depuis 1990 par Jean-Christophe Victor.
Plus que franco-allemande : européenne !
Aujourd'hui, le projet Arte a franchi les frontières allemandes et françaises. La coopération à l'échelle européenne ne cesse en effet de s'étendre. Une évolution souhaitée par Véronique Cayla, présidente d'Arte depuis 2010 et qui a succédé à Jérôme Clément. La chaîne entretient ainsi des partenariats avec l'ORF en Autriche et la RTBF en Belgique ainsi qu'avec des chaînes de télévision suédoises et finlandaises.
20 ans après la diffusion des premiers programmes d'Arte, une question se pose. La chaîne franco-allemande a-t-elle réellement contribué à améliorer les relations et la compréhension culturelle des deux côtés du Rhin comme l'espéraient Helmut Kohl et François Mitterrand ? A cette question, seul un tiers des interrogés répondent oui (34%) et presque la moitié (49%) disent n'avoir pas d'avis. Une chose est sûre : Arte a encore de beaux jours devant elle.
Laurie Tierce (www.lepetitjournal.com/cologne) Jeudi 14 juin 2012
Sources :
Arte: http://www.arte.tv/de
Stern : http://www.stern.de/kultur/tv/noch-hat-nicht-jeder-reingeschaut-1833288.html
Die Zeit: http://www.zeit.de/news/2012-05/29/medien-20-jahre-arte-qualitaetsprogramm-in-der-nische-29113802










