Finaliste des Trophées des Français de l’étranger 2018 dans la catégorie « jeune espoir », Laurent Rodriguez est l’un des co-fondateurs et dirigeants de Trideo, une start-up argentine qui conçoit et commercialise des imprimantes 3D.
D’un grave accident de scooter sur les routes indiennes à la création d’une start-up technologique florissante en Argentine, Laurent Rodriguez excelle dans l’art de rebondir. Ce Toulousain d’à peine 30 ans a déjà roulé sa bosse en expatriation. Un goût pour la vie à l’étranger qu’il a reçu en héritage. « Pérou, Mauritanie, Iran, Bahreïn, mes parents ont vécu un peu partout. J’ai grandi en écoutant leurs histoires », raconte-t-il. C’est donc de façon tout à fait naturelle qu’il prend, au sortir de ses études d’ingénierie industrielle, la route de Pune, en Inde, où l’attend un poste de VIE chez Saint-Gobain. Malgré un sérieux accident de la route, qui l’éloigne du travail pendant plusieurs mois et lui apporte son lot de démêlés judiciaires, Laurent sort grandi de l’expérience. « C’est une sale histoire qui m’a appris pas mal de choses », analyse-t-il avec du recul. A l’opposé du globe, en Argentine, il va se révéler.
« Je montais des imprimantes dans ma chambre »
En travaillant à Buenos Aires pour une petite start-up spécialisée dans le marketing sur les nouvelles technologies, Laurent découvre le secteur de l’impression 3D. « J’ai senti qu’il y avait là un marché porteur. Puisque mon entreprise était réticente à l’idée de créer ses propres modèles, j’ai décidé de mettre un terme à notre collaboration pour lancer mon projet », raconte-t-il. Il trouve sur sa route Nicolas Berenfeld, un autre expatrié en quête d’aventure entrepreneuriale. De colocataire, le Belge, qui a le profil de commercial et gestionnaire manquant au projet, devient l’un des deux associés les plus fidèles de Laurent. Simon Gabriac, ami de longue date de Laurent, rejoindra le duo plus tard. « On n’avait aucune ressource. J’essayais de monter une imprimante dans ma chambre et Nicolas était chargé de trouver des clients », se souvient-il. La première vente est conclue dans le salon de leur appartement : Trideo est né.
La débrouille et l’acharnement continuent à porter leurs fruits. Peso après peso, la petite entreprise grandit. « Dès qu’il y avait un événement technologique, on y était. On est aussi passé à la télé. On tentait de se faire connaître par tous les moyens ».
Quand le petit poucet rencontre John Kerry
La rencontre des fondateurs de Trideo avec Gino Tubaro va changer le destin de l’entreprise. « Il nous a fait rencontrer pas mal de personnes et a commandé des imprimantes pour fabriquer des prothèses de main à destination des enfants marginalisés », précise Laurent, en désignant cet entrepreneur philanthrope connu comme le loup blanc en Argentine. « On a même pu rencontrer John Kerry », raconte le Français, une note de fierté perceptible dans la voix. Un bureau de 90 mètres carré près de l’Obélisque, un atelier cinq fois plus grand : il semble bien loin le temps de la bricole dans leur appartement en collocation.
Avides de défis, Laurent et son équipe se sont récemment lancés, en partenariat avec le laboratoire Fleni, dans la bio-impression. « C’est le futur de la médecine », affirme-t-il avec excitation. Pouvoir reconstituer des organes, à base de gel et cellules humaines, pourrait, dans le long terme, révolutionner la médecine régénérative.
« L’Argentine est l’un des pays les plus difficiles pour monter un business »
Entre inflation galopante et dévaluations à la pelle, Laurent évolue dans un environnement économique plutôt hostile. « Il faut toujours vendre au plus vite. Comme on importe certains composants, les moteurs par exemple, on doit augmenter en permanence le prix de nos machines », explique-t-il. « On n’est pas à l’abri d’une nouvelle crise majeure ». Pour autant, il reste avant tout élogieux sur son pays d’adoption. « Ici, on prend plus le temps qu’en France de discuter de choses personnelles, même dans les relations de travail. Le rythme est plus agréable aussi ». Ainsi, c’est sous des tropismes latino-américains que Laurent imagine ses prochaines années. « Nous aimerions essayer de nous implanter dans les pays voisins ».