L’argentin, encore appelé l’espagnol rio plantense, est un castillan légèrement modifié, avec du vocabulaire et une prononciation propre au pays. Ce vocabulaire typiquement argentin est pour beaucoup issu du lunfardo, un argot né à Buenos Aires. Le 5 septembre dernier, nous avons fêté le jour national du lunfardo, l’occasion de revenir sur ces originalités linguistiques qui font tout le charme de l’argentin.
Le lunfardo, un espagnol aux influences internationales
Le lunfardo est né entre seconde moitié du 19e siècle et le début du 20e dans les quartiers périphériques de Buenos Aires. Ce parler propre à l’Argentine et à l’Uruguay est un héritage de la très forte immigration qui a eu lieu dans ces deux pays, et notamment de l’influence italienne.
El lunfardo es un vocabulario y se asienta sobre la estructura gramatical del castellano (…) Lo que hace novedoso al lunfardo es que no nació del castellano, sino de la mescolanza de las lenguas de la inmigración.
D’abord utilisé par les individus des classes sociales les plus basses, le lunfardo ou lunfar a peu à peu été adopté par toutes les couches de la société, notamment par le biais des paroles de tango qui utilisent bien souvent du vocabulaire lunfardo. Le 5 septembre 1953, José Gobello publie Lunfardía, qui fait du lunfardo un fait linguistique à part entière. C’est en mémoire de cet écrit que le 5 septembre est depuis devenu le jour national du lunfardo.
D’une langue populaire à une institution nationale
Rapidement, le lunfardo passe d’un argot des banlieues à véritable élément identitaire du pays. Dès 1928, l’écrivain Roberto Arlt affirme la beauté du lunfardo contre les puristes de la langue qui dénoncent ce langage non-institutionnel :
"Cuando un malandrín que le va a dar una puñalada en el pecho a un consocio, le dice: 'te voy a dar un puntazo en la persiana', es mucho más elocuente que si dijera: 'voy a ubicar mi daga en su esternón'. Cuando un maleante exclama, al ver entrar a una pandilla de pesquisas: '¡los relojié de abanico!', es mucho más gráfico que si dijera: 'al socaire examiné a los corchetes'."
Peu à peu, le lunfardo se fait même une place dans la littérature argentine. Beningo B. Lugones, Antonio Dellepiane, Eduardo Gutiérrez, Enrique García Velloso, Florencio Sánchez, Alberto Vacarezza, José González Castillo, Roberto Arlt ou encore José Gobello, la liste des écrivains ayant contribué à donner au lunfardo une légitimité dans la littérature nationale est longue. Comme l’explique Edmundo Riveron le lunfardo passe de la rue à la littérature :
"Al lunfardo concurren voces de la inmigración laboriosa, del lenguaje rural también orillero pero en retirada, todo un mundo cuyos caracteres y personajes se decantan en el sainete, pero cuyo lenguaje sólo quedará fijado por las letras de los tangos y las milongas, sobre todo a partir de los años veinte. No es solamente un paso de las orillas al centro, es una inserción decisiva de un modo de nombrar hechos y objetos, de chamuyar el mundo, que iba a ser asumida por casi toda la ciudad" (Una luz de almacén, Emecé, 1982).
Aujourd’hui encore le lunfardo reste très présent dans la culture argentine. Cet argot tire sa force de sa popularité, c’est un parler sans cesse en évolution, qui grandit et évolue avec son temps.
Petit lexique de la langue argentine
Il existe aujourd’hui près de 6 000 mots issus du lunfardo, dont environ 70 nouveaux chaque année d’après l’Académie Portègne du Lunfardo. Voici une petite sélection de quelques-unes de ces pépites de langue argentine.
A full : bondé et d’arrache-pied. Trabajar a full : travailler d’arrache-pied
Al cuete : en vain, pourrien
Atorrante : sans scrupules, canaille
Bancar : supporter. No lo banco más : je ne peux plus le supporter
Bárbaro : super, génial
Bola – (no) dar bola a alguien : (ne pas) prêter attention à quelqu’un
Boludo/a : idiot, crétin (employé souvent dans un sens amical). Entrée en conversation typique du jeune Portègne : ¡Che boludo! ou ¡Che bolu! On dit aussi hacerse el boludo : faire l’imbécile.
Buena onda (de) : sympa, cool, bon esprit. Contraire : mala onda
Cana : flic
Chabón : type, mec
Chanta : bon à rien, bricoleur, quelqu’un à qui on ne peut pas faireconfiance
Che (prononcer « tché ») : interjection signifiant eh! alors! (raisonpour laquelle Ernesto Guevara a été surnommé Che)
Cheto/a : chic, BCBG
Chorro : voleur
Coparse : adorer. Me copa salir : j’adore sortir
Dale : ok, d’accord (équivalent du vale d’Espagne)
Del orto : nul, moche, de mauvaise qualité
Fiaca : paresse, flemme. Tener fiaca ou estar con fiaca : avoir laflemme
Gallego : Espagnol, quelle que soit sa région d’origine
Guita : argent, fric
Hinchapelotas : casse-couilles. No me hinches las pelotas : ne mecasse pas les pieds
Laburo : boulot, et laburar : bosser
Mango = peso : sou, radis, thune. Quedarse sin un mango : seretrouver sans un sou
Mina : minette, femme
Mucama : femme de ménagel’Argentinerurale
Patota : bande de voyous
Pedo : littéralement un pet. S’emploie dans des expressions tellesque ni en pedo : jamais de la vie (aussi ni a palos) ; Mandar al pedo: envoyer balader, sur les roses
Pelotudo : idiot
Pendejo : petit con
Pibe/piba : mec/nana
Piola : sympa
Pucho : cigarette, clope
Quilombo : bordel, dans tous les sens du terme. ¡Es un quilombo!
Rajar (se) : se tirer, filer
Re : superlatif, par exemple resimpático : très sympathique. On vamême parfois plus loin : recontrasimpático
Tomar, agarrar (coger) : prendre. Comme dans beaucoup de paysd’Amérique, coger n’est employé que dans un sens sexuel
Trucho : faux, clandestin, illégal
Zafar : bien s’en tirer