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POLITIQUE – Le péronisme, drôle d’objet politique

Écrit par Lepetitjournal Buenos Aires
Publié le 11 juillet 2011, mis à jour le 8 juillet 2011

 

Le péronisme est une donnée aussi omniprésente que mystérieuse dans la vie politique argentine. Surtout pour les observateurs étrangers? Parfaitement bilingue et binational, Jean-Louis Buchet, le correspondant de Radio France Internationale (RFI), La Tribune et France Culture à Buenos Aires, décrypte pour nous cet "objet politique non identifié". Aujourd'hui: et maintenant? (3/3)

Comment expliquer qu'un mouvement aussi hétérogène et ancien que le péronisme se soit maintenu jusqu'aujourd'hui?
C'est l'exception argentine! Le péronisme a beaucoup mieux résisté au temps que le gaullisme, par exemple. Pour quelles raisons? J'en vois quatre. D'abord, la terrible dictature des années 70, qui a "gelé" le système politique et figé ses catégories, a empêché ou retardé l'émergence de nouveaux dirigeants. Ensuite, la crise de 2001, qui a entraîné le discrédit de l'ensemble de la classe politique, y compris ses éléments les plus novateurs: en 2002-2003, seul le péronisme, plus structuré que d'autres forces, était en mesure de prendre en mains la reconstruction du pays. Enfin, tant le péronisme que son rival historique, la Unión Cívica Radical (UCR), c'est-à-dire les deux principales formations politiques argentines, se situent dans un centre un peu nébuleux, une position privilégiée pour se maintenir au pouvoir. Il faut y ajouter le pragmatisme du péronisme, sa souplesse, ses capacités d'adaptation, qui lui ont permis de résister au passage du temps.

Curieux de voir le péronisme incarné successivement par Menem, dans les années 90, puis le couple Kirchner, Néstor et Cristina aujourd'hui?
Dans la pratique du pouvoir, dans les références, il y a beaucoup de ressemblances entre Menem et Kirchner. J'ai d'ailleurs en tête l'image de Kirchner ?il est à l'époque gouverneur de Santa Cruz? embrassant chaleureusement Menem au début des années 90. Ce n'est pas étonnant: la politique ménémiste, à l'époque, est largement soutenue. On l'a oublié aujourd'hui, car il est plus profitable politiquement d'évoquer "les horribles années 90", mais cette politique a mis un terme à l'hyperinflation dont souffrait l'Argentine dans les années 80. Au passage, si le pays était sorti en douceur et à temps de la convertibilité dollar-peso, par exemple dès 1997, il n'aurait sans doute pas connu la crise de 2001-2002?

Le système politique argentin est-il figé par ce péronisme omniprésent?
Non, car il y a des rénovations réelles. De jeunes dirigeants émergent, entraînent des mutations dans les appareils partisans. Cela est surtout vrai dans l'opposition; au sein du péronisme, les évolutions sont moins claires pour l'instant. En 2009, le péronisme dissident paraissait devoir s'affirmer, créant, avec le PRO [le parti de Mauricio Macri, actuel maire de Buenos Aires], un nouveau pôle de centre-droit. Depuis, l'alliance entre Francisco de Narváez [actuellement député, après avoir remporté les législatives de 2009 dans la province de Buenos Aires] et Macri a fait long feu. À gauche, on aurait pu assister à la consolidation d'un pôle radical avec l'UCR, GEN [Generación para un Encuentro Nacional], le Parti socialiste et la CC [Coalición Cívica] d'Elisa Carrió, mais les divisions entre les radicaux, les tergiversations des socialistes et l'éloignement de Carrió ont mis un terme à ce regroupement possible, dans l'immédiat au moins. C'est que la mort de Néstor Kirchner a laissé une veuve et? beaucoup d'orphelins: les dirigeants de l'opposition! Difficile, en effet, d'attaquer une veuve éplorée.

On reproche au couple Kirchner d'approfondir les divisions de la société argentine. Qu'en pensez-vous?
La division de la société argentine, c'est une vieille histoire, qui remonte au moins à l'opposition entre partisans et adversaires de Rosas [dans la première moitié du 19e siècle]. Mais, tout en divisant, le péronisme ?le kirchnérisme actuellement? rassemble largement. Ainsi, le parti péroniste ne peut pas se passer de la CGT, la puissante centrale ouvrière, même si leurs relations connaissent des anicroches. En revanche, on n'est pas sûr ?c'est du moins le message implicite de la présidente Cristina Fernández de Kirchner? que Ricardo Alfonsín, le candidat des radicaux à la présidentielle, serait capable de résister aux exigences de Moyano.
D'ailleurs, le péronisme gagne les élections lorsqu'il dispose d'un candidat rassembleur, et perd lorsqu'il est divisé. A l'heure actuelle, seule Cristina Fernández est capable de réaliser cette synthèse. Si elle avait décidé de ne pas se présenter à la présidentielle, aucun autre candidat péroniste n'aurait été en mesure, aujourd'hui, de la remplacer.

Propos recueillis par et photo de Barbara VIGNAUX (www.lepetitjournal.com - Buenos Aires) lundi 11 juillet 2011

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lepetitjournal.com Buenos Aires
Publié le 11 juillet 2011, mis à jour le 8 juillet 2011

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