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INVESTISSEMENT AUSTRALIE – Le “negative gearing” va-t-il durer ?

Écrit par Lepetitjournal Brisbane
Publié le 8 février 2015, mis à jour le 9 février 2018

Philippe Brach, conseiller en investissement immobilier en Australie, revient sur le concept de “negative gearing”, dont la possible suppression a récemment fait les titres des journaux. De nombreux investisseurs ont en effet craint que cette défalcation fiscale disparaisse, mais il n'en est rien.

Qu’est ce que le "negative gearing" ?

Cette mesure fiscale permet à un contribuable de défalquer 100% de ses pertes d’investissements immobiliers de son salaire. Comme l’amortissement fiscal est important sur l’immobilier, l’impact fiscal positif pour l’investisseur est substantiel et lui permet de gérer un portefeuille de propriétés à un coût trivial. Si l’on ajoute à cela que la croissance des prix de l’immobilier résidentiel en Australie est de 8.2% en moyenne depuis 1980, l’immobilier plus que double de valeur tous les dix ans en moyenne.

L’Australie est presque unique au monde en ce qui concerne la fiscalité du marché immobilier. Seuls la Nouvelle-Zélande et le Canada ont un concept similaire.

La possible suppression de cette mesure fiscale est arrivée sur le devant de la scène lorsque le gouvernement a commencé à examiner comment retrouver un budget à l’équilibre. Pour le moment, le débat est clos et Philippe Brach nous explique pourquoi.

Chiffres-clé

L’impact du système sur le budget de l’Etat

En autorisant le “negative gearing” sur les investissements immobiliers, le gouvernement australien renonce à encaisser AU$2 milliards d’impôts par an.  Il est bon de comparer ce manque à gagner avec les autres crédits d’impôts accordés par l’Etat. (Source : "Government Tax Expenditure Statement" janv 2014)

  1. Allègement fiscal sur la « superannuation » : AU$32 milliards
  2. Exemption fiscale des plus-values pour les propriétaires occupants : AU$30 milliards
  3. Baisse de la GST (Good and Services Tax) sur les aliments crus et non préparés : AU$6.2 milliards

Les 2 milliards de dollars que représente le “negative gearing” en perte de revenus fiscaux doivent être également diminués par le fait que pour chaque dollar non perçu, il y a un dollar de revenu taxable supplémentaire pour les banques. Le gouvernement est donc très peu impacté par cette mesure d’allègement fiscal au final.

Comprendre les chiffres

Les investisseurs immobiliers espèrent toujours créer de la richesse par l’augmentation de la valeur de leurs biens immobiliers.  Ils utilisent l’impôt pour gagner en trésorerie et faire en sorte que le risque d’investissement soit couvert.  C’est un peu comme investir dans des actions ou tout autre investissement à effet de levier. Dans les pays où le “negative gearing” n’existe pas, les biens ont tendance à avoir un meilleur rendement (loyers plus élevés) ou des frais moins importants mais au bout du compte le retour sur investissement doit être acceptable pour l’investisseur car nul ne ferait d’investissement qui ne produirait pas de rendement comparable au risque encouru.  En Australie, le “negative gearing” fait aujourd’hui partie de l ‘équation. S’il venait à disparaitre, le seul résultat serait que les investisseurs devraient augmenter les loyers pour compenser leurs rendements ou tout simplement vendre leurs biens. Cela engendrerait une baisse des prix des biens immobiliers, et la construction de nouveaux logements serait probablement fortement réduite, créant une récession économique puisque le secteur de la construction en Australie emploie une main d’œuvre nombreuse.

La dernière fois que le système d’allègement du "negative gearing" fut supprimé, c’était en 1985 et les effets en furent sévères ce qui força le même gouvernement qui avait supprimé la mesure à la réinstaurer deux ans plus tard. Etant donné les réticences des gouvernants à revenir sur leurs propres décisions, cet épisode démontre bien que la suppression du « negative gearing » en 1985 était une erreur majeure. En d’autres mots, supprimer la défalcation d’impôt du « negative gearing » est davantage une décision politique qu’un impératif économique. Le débat se situe donc plutôt sur les inégalités sociales "riche contre "pauvres".

Investisseurs ? Qui sont-ils? Font-ils partie des “riches”?

Selon les chiffres de l’ATO (les services fiscaux australiens). Il y aurait 13 millions de contribuables individuels en Australie. Parmi ces 13 millions, 2 millions (soit 15.4%) sont propriétaires de une ou plusieurs propriétés immobilières. Parmi ces 2 millions d’investisseurs immobiliers, 1.5 million sont propriétaires d’un 1 seul bien d’investissement et seulement 80.000 en possèdent plus que 4. Le système du « negative gearing » ne bénéficie donc pas en majorité aux « super riches ». Etre propriétaire d’un ou deux biens immobiliers ne fait pas de ces investisseurs des super riches. Mais permet au contraire certainement de compenser leur retraite (superannuation) qui souvent ne couvre pas leurs besoins.

Voyons maintenant les autres questions qui sont posées concernant le “negative gearing”

Le « négative gearing » permet-il de loger les personnes qui n’ont pas les moyens d’acheter?

Les investisseurs immobiliers sont les premiers à fournir des logements à la location, c’est leur objectif! Si cette offre diminue du fait de la suppression du “negative gearing”, l’Etat devra construire des logements publics, ce qui sera probablement couteux.

Le «negative gearing » fait-il monter les prix de l’immobilier? Il n’y a aucune preuve de cela. Les investisseurs immobiliers connaissent bien les chiffres et ne surpayent généralement pas les biens. En revanche, les propriétaires de leur résidence principale sont ceux qui font les achats dits “émotionnels” et ont tendance à surpayer. Les “upgraders” (ceux qui achètent pour la seconde fois) ont tendance à faire monter les prix sur Sydney et Melbourne.

Le “negative gearing” empêche-t-il les jeunes acheteurs d’entrer sur le marché?

Les chiffres de l’ABS (Australian Bureau of Statistics) montrent une réduction certaine des “premiers” achats immobiliers depuis quelques années mais l’ABS affirme aussi que ces chiffres sont faux aujourd‘hui, car ils comptabilisent les personnes demandant la subvention du “First Home Owner” dans les différents états, et ces subventions étant largement épuisées cela explique que les statistiques ont diminué.

En conclusion, supprimer le “ negative gearing” ne comporterait que des effets pervers et ce, pour tout le monde. Le nombre de biens disponibles diminuerait, les loyers augmenteraient, le chômage également et cela créerait une spirale de récession comme celle que l’Australie a connue la dernière fois que la mesure fut supprimée. L’investissement immobilier est un outil efficace qui permet à des millions d’Australiens moyens de compléter leur retraite et dans le même temps de fournir des logements à louer que l’Etat n’a pas besoin de construire. Qu’est ce qu’il y a de mal à cela ?

Philippe Brach (Lepetitjournal.com/Sydney), lundi 9 février 2015

Lire aussi : Investir dans l'immobilier en Australie

Contacter Philippe : philippe.brach@multifocus.com.au

 

 

Publié le 8 février 2015, mis à jour le 9 février 2018

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