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Sanuteam, une entreprise sociale qui combat la malnutrition infantile en Colombie

Mesure de la taille du bras d'un enfant souffrant de malnutritionMesure de la taille du bras d'un enfant souffrant de malnutrition
Écrit par Claudia Chaminade
Publié le 27 mars 2023, mis à jour le 27 mars 2023

Sanuteam, une entreprise sociale qui combat la malnutrition infantile en Colombie.

Rencontre avec les fondateurs de Sanuteam, Valérie et Nicolas Noël.

Notre édition a eu le plaisir de rencontrer un couple d’entrepreneurs français en Colombie, Valérie et Nicolas Noël, fondateurs de Sanuteam. Nous sommes heureux de partager avec vous leur parcours inspirant et engagé.

 

De la grande distribution et du marketing B2C/B2B, jusqu’à l’entrepreneuriat social : Valérie et Nicolas Noël partagent une même vision

Valérie et Nicolas Noel, fondateurs de Sanuteam

 

Le couple, parents de trois enfants, est installé en Colombie, à Bogotá, depuis 10 ans.

Avant de s’expatrier en Amérique latine, Valerie construit sa carrière en marketing, en France et en Espagne, dans des entreprises B2B et B2C comme Dirickx, fabriquant de portails et clôtures. Nicolas, lui, bâtit son parcours de Direction chez Lactalis, le leader mondial des produits laitiers, notamment au sein de la division Nutrition.

Comme souvent dans les couples expatriés, l’un entraîne l’autre, et vice versa, au gré des différentes opportunités professionnelles.

Aux prémices de leur rencontre et parcours, le couple partage mutuellement deux objectifs de vie:

 

 Vivre à l’étranger et Entreprendre.

Lors d’un stage au Costa Rica, Valérie se remémore son coup de cœur pour le pays et par extension pour toute l’Amérique du sud. Une graine est semée et va germer au fil des années.

A écouter leur trajectoire professionnelle initiale, on pourrait croire que le tandem se destine à représenter ce qu’on appelle souvent dans le milieu du business « des purs produits de la grande distribution et du marketing » où superprofits et surproductions sont fréquemment au cœur des organisations.

Les deux partenaires ont cependant des convictions fortes, une vision et une volonté immense d’agir autrement dans le but de générer un impact positif sur l’Homme et la planète.

A leur arrivée en expatriation en Colombie avec le groupe Lactalis, Nicolas, fort de plus de 15 ans d'expériences, prend en charge la division Nutrition pour l’ensemble de l’Amérique du Sud. Il découvre notamment en Colombie un territoire où une partie de la population souffre de malnutrition infantile. Il développe la structure et le business pour Lactalis et participe par le biais de l’entreprise à améliorer les conditions de vie des enfants souffrant de maladies infantiles, conséquences directes des effets de la malnutrition.

Pourtant, quelque chose sonne faux. Entre incohérences, manque de sens et corruptions locales, le sentiment d’agir différemment prend de plus en plus de place.

« J’étais encore salarié chez Lactalis lorsque j’ai effectué un déplacement humanitaire dans la région Guajira, au nord-est de la Colombie, frontalière avec le Venezuela. Il s’agit du département de Colombie le plus riche en termes de ressources géologiques mais paradoxalement le plus pauvre, avec la région Chocó côté Pacifique, en termes de niveau de vie. Les populations locales, en grande majorité les indigènes Wayùu, n’ont bien souvent pas accès à l’eau potable, à l’électricité, à la santé ou à l’éducation. Lors de ce voyage j’ai assisté à quelque chose qui a déclenché en moi, en nous avec ma femme, un devoir encore plus urgent d’agir autrement.

Notre mission durant ce déplacement était de distribuer gratuitement aux populations des produits nutritionnels pour les enfants. J’ai pu constater que nos substances nécessitaient d’être mélangées avec de l’eau afin de pouvoir être consommées. Sachant que nous nous trouvions dans une région où l’accès à l’eau potable était limité, je me suis senti révolté par l’absurdité de notre action face à la réalité du contexte local. J’ai aussi pris conscience des conséquences potentiellement graves de nos actes. Je me suis imaginé des enfants consommant nos produits mélangés à de l’eau croupie, avec tous les risques de mortalité que cela représente. Cela a été un déclic supplémentaire pour nous lancer dans notre projet entrepreneurial. Un projet qui n’impliquerait ni laboratoires pharmaceutiques, ni dividendes et qui s’adapterait aux contraintes géographiques, économiques, culturelles et climatiques de chaque territoire. Une entreprise sociale au service de l’Homme et de la planète ».

 

Sanuteam : une gamme complète de produits qui soignent les différents stades de malnutrition

Gamme de produits Sanuteam
Crédit: Sanuteam

 

Valerie et Nicolas ont créé leur entreprise, Sanuteam, en 2015.

Leurs objectifs ?

 

 Prévenir et soigner la malnutrition infantile. Améliorer l’accès à l’eau potable et les conditions de vie des populations vulnérables tout en respectant l’environnement.

Ils mettent un point d’honneur à ne jamais travailler avec les laboratoires pharmaceutiques.

Pourquoi cette règle d’or ?

Pour rester libres, ne pas se soumettre à des contraintes de rentabilité exacerbées, ne pas s’associer aux lobbys pharmaceutiques qui peuvent bien souvent influencer les décisions.

 

 Pour agir avec sens, responsabilité et humanité.

Sanuteam importe sa gamme de produits de France via Nutriset, basée dans la région de Rouen. Le fondateur de Nutriset, Michel Lescanne, crée l’entreprise en 1986 et ouvre son site de production en France en 2001. Il se donne comme objectif de nourrir les enfants dans les pays du Sud et fournir aux acteurs humanitaires des produits nutritionnels innovants et efficaces.

 

La gamme de produits pour la Colombie, proposée uniquement à la vente aux Services de santé publics et privés, aux ONG internationales et aux fondations locales, s’articule autour de trois grandes problématiques :

  • La malnutrition Chronique : elle représente 20% des cas de malnutrition en Colombie avec pour conséquences des retards de développement et de croissance. Le produit Enov’Nutributter® cible les enfants âgés de 6 mois à 2 ans, tandis que Enov’MumTM apporte une réponse préventive pour les mamans souffrant elles-mêmes de malnutrition durant leur grossesse.
  • La malnutrition modérée : Cela concerne 2,5% des enfants souffrant de malnutrition. L’OMS, l’Organisation Mondiale de la Santé, garante des données sanitaires de la planète et notamment des normes des courbes de croissance mondiale, définit la malnutrition modérée et sévère pour les cas où le rapport poids/taille des enfants se trouve en-deçà des courbes de croissance. Pour répondre à cette problématique 3 produits sont disponibles chez Sanuteam pour les enfants de 6 mois à 5 ans ainsi que pour leur maman : Plumpy’Nut®, Plumpy’Doz® et Plumpy’MumTM.
  • La malnutrition sévère : Elle cible les enfants de zéro à 5 ans avec les produits F-75, F-100 et Plumpy’Nut®. Selon les données de l’OMS la malnutrition sévère serait « responsable directement ou indirectement de 35% des décès chez les moins de 5 ans dans le monde ».

 

Enfants souffrant de malnutrition en Colombie
Crédit: Sanuteam

 

Les produits Nutriset, commercialisés en Amérique latine en exclusivité par Sanuteam, représentent des atouts majeurs sur le marché de la Nutrition. Hormis les solutions en poudre F-75 et F-100, destinées principalement aux hôpitaux, l’ensemble des produits de la gamme est prêt à la consommation; ces produits ne nécessitent ni eau, ni réfrigération et possèdent une durée de vie de 2 ans.

 

Les zones à risques en termes de malnutrition en Colombie

Région où les enfants souffrent de malnutricion
Crédit: Sanuteam

 

En 2015, le Ministère de la Santé colombien, en partenariat avec l’UNICEF, définit et instaure « El Lineamiento ». Sous forme de guide, El Lineamiento regroupe l’ensemble des protocoles à respecter en cas de malnutrition. Il s’impose comme règlementation nationale et implique la nécessité de former les acteurs du secteur de la santé afin qu’ils puissent répondre de manière efficace et adaptée aux cas de malnutrition dans le pays. Une partie des produits de chez Sanuteam sont référencés dans le Lineamiento.

Parmi les régions de Colombie où il est nécessaire et urgent d’intervenir pour sauver des vies, se trouvent la Guajira, la région Chocó, Sucre et Magdalena. Ces territoires, historiquement zones de conflits, regroupent les populations parmi les plus démunies de Colombie.

 

Focus sur la Guajira

La Rédaction du Petit Journal Bogotá s'est déplacée dans cette région de Colombie. Nous pouvons témoigner des pratiques touristiques expliquées ci-après. Nous dédierons prochainement un article plus approfondi sur la région Guajira afin de mieux comprendre la complexité de cette région ainsi que son attrait incroyable.

 

Région de la Guajira
Crédit: Claudia Chaminade

 

Dans le cas de la région Guajira il est important d’informer les voyageurs locaux et étrangers sur ce qu’ils vont découvrir en arrivant sur ce territoire. Connue pour son attrait touristique, pour la beauté époustouflante de ses paysages, avec son désert immense et ses dunes de sable se jetant dans les Caraïbes, la Guajira souffre en parallèle cruellement du manque d’infrastructures et de l'accès à l'éducation.

La malnutrition y fait des ravages. Les trafics en tous genres sont toujours présents et il est fortement recommandé de faire appel à des agences de tourisme pour la visiter afin de voyager en toute sécurité. Voir les zones de vigilance du Ministère des Affaires Etrangères

Dans ce contexte, la grande majorité des acteurs du tourisme propose, voire impose à ses clients, de se fournir dans une « tienda », une épicerie locale, se trouvant aux portes du désert où gâteaux, bonbons, petits pains et échantillons d’eau peuvent être achetés avant de prendre les routes du désert de la Guajira.

Cette démarche est présentée sous forme de charité envers les populations locales, les indigènes Wayùu. Elle participe aussi à l'économie de la région. En réalité il s’agit plutôt d’une taxe, d’un « baksheesh », qu’une action d’ordre humanitaire.

Sous l'influence de leurs parents, des centaines d’enfants sont postés dans le désert et établissent des check-points. Ces points de passage se manifestent par l’installation de cordes, de lianes de tissus ou de chaînes plus ou moins épaisses forçant les 4X4 à s’arrêter afin de « donner », dans certains cas « jeter » à travers les vitres fumées légèrement entre ouvertes des véhicules tout-terrain, les confiseries achetées au préalable.

 

Check-Point Guajira
Crédit: Claudia Chaminade

 

Ces pratiques touristiques participent à aggraver les cas de malnutrition dans la région. La nourriture distribuée ne dispose d'aucune valeur nutritive, elle est principalement constituée de sucres et peut même s’avérer être mortelle face à des cas de malnutrition sévère. Il en va donc de notre responsabilité en tant que voyageurs de s’informer et de forcer les agences de tourisme à changer leurs pratiques. Cela passe entre autres par le fait de refuser d’effectuer ces achats non-raisonnés ou de faire appel à des agences à l'éthique tournée vers la protection de la santé des habitants.

 

Mais dans ce cas, faut-il, dans le cadre de voyages touristiques, arrêter de distribuer de la nourriture aux populations ?

Valérie et Nicolas nous partagent leur avis :

« Ne plus rien distribuer serait une réponse extrême face aux problématiques de manques de nourriture et d’eau dans la région. Il est préférable, en tant que voyageurs, de continuer à acheter des provisions pour les habitants, mais de se concentrer principalement sur des produits réellement nutritifs et de l’eau ; et cela même si chez Sanuteam nous pensons que la véritable réponse à cette forme de mafia réside dans l’accès à l’éducation pouvant générer un changement de mentalité chez les populations locales, se retrouvant bien souvent sans autres solutions ou connaissances pour subvenir à leurs besoins.

L’idée que Sanuteam s’allie aux acteurs du tourisme de la région fait partie de nos préoccupations. Nous avons les produits adaptés, cependant nos circuits de commercialisation et de distribution ne sont pas connectés au secteur du tourisme et nous ne vendons pas directement aux particuliers. Le besoin est pourtant bien présent, il y a quelque chose à créer ».

 

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