

Des Français qui jettent leur dévolu sur la Colombie et ne veulent plus en repartir, on ne les compte plus ! Christophe ne déroge pas à cette coutume. « Chimba » et « chévere », voilà comment ce co-fondateur du centre culturel A Seis Manos qualifierait la vie à Bogotá. Découvrez son parcours, ses conseils à quiconque aimerait ouvrir son business à Bogotá, ainsi que la façon dont il s’est adapté à la vie dans la capitale colombienne.
Les yeux qui pétillent, le ton enjoué, voilà comment Christophe nous livre les débuts d’A Seis Manos. Tout commence il y a une trentaine d’années, lorsqu’il découvre la Colombie à l’époque de Pablo Escobar. Son coup de cœur pour la chaleur humaine des Colombiens lui donne envie de revenir et de s’y installer.
Fort de sa carrière dans le tourisme, durant laquelle il a dirigé des hôtels-clubs à l’étranger pendant plus de dix ans, Christophe envisage initialement de monter une agence de voyage - il y en avait encore peu à l’époque. Alors qu’il était à la banque, sa conseillère lui parle de deux Français qui sont également en train d’effectuer des démarches pour ouvrir leur business à Bogotá. Ils étaient en train de créer le fameux centre culturel. Christophe les contacte donc, et se rend compte qu’ils auraient bien besoin d’un coup de main. Il les aide tout d’abord de façon bénévole, puis décide d’investir dans ce projet prometteur. De fil en aiguille, Christophe devient une pierre angulaire de ce lieu baptisé A Seis Manos, qui a ouvert ses portes le 1er décembre 2010.
L’idée du lieu est de permettre aux artistes émergents de se faire connaître, de manger des plats de qualité aux croisements entre la France et la Colombie, et de passer un moment sympathique avec un personnel agréable. L’expérience peut être différente à chaque fois, selon la disposition des tables, le type d’événement, les personnes rencontrées…

Pour l’anecdote, son vrai prénom n’est pas Christophe mais Jean-Christophe. Il a décidé de changer son « nom de scène » lorsqu’il s’est rendu compte que tous ses co-fondateurs s’appelaient Jan, Juan Carlos ou encore Edouard Jean, et que cela pouvait causer des soucis dans la communication. Vous connaissez désormais le critère si vous voulez devenir associé !
Un projet guidé par la passion
Ce projet s’est construit au fil du temps, et n’est pas né avec un concept et une stratégie clairement définis. Christophe reconnaît avoir fait tout le contraire de ce qu’il faut faire en temps normal : étude de marché, benchmarking… C’est ce côté artisanal qui fait le charme du lieu !
Les serveurs sont eux-mêmes des artistes et des étudiants qui n’ont pas forcément d’expérience préalable dans le service. Ils sont pour la plupart colombiens ou français, et ces derniers ne parlent parfois pas un mot d’espagnol, mais ce n’est pas dérangeant. Une fois de plus, cela fait le charme du lieu ! Le fait d’embaucher des artistes ou étudiants comme serveurs est une volonté assumée, qui permet d’avoir un foisonnement d’idées à chaque brainstorming, que ce soit pour trouver des idées d’événements, choisir les décors… Le lieu se veut un melting pot dans lequel se mélangent chefs d’entreprise, étudiants, artistes… réunis par leur passion pour la musique et la culture. Le but n’est pas de reproduire un entre-soi français. Le logo, un caddie, représente d’ailleurs bien cette idée : on peut trouver de tout à Seis Manos, comme en grande surface.
Maintenant que l’on a l’origine du logo, d’où vient le nom A Seis Manos ? Eh bien il correspond au nombre de mains des co-fondateurs impliqués dans le lancement du projet. On vous laisse faire le calcul !
Le business model
Comme mentionné précédemment, A Seis Manos fonctionne grâce à son bar, son restaurant et aux événements organisés. Ils ont décidé de s’implanter à Santa Fe, près du centre historique, afin de proposer des prix accessibles au plus grand nombre.
Plusieurs types d’événements sont organisés : des concerts, des DJ sets, des lancements de livre, des soirées karaoké, des stand up comedy, des soirées érotiques…

La scène d’A Seis Manos est très prisée : tous les créneaux d’ici la fin de l’année sont déjà pris. Elle a permis à de nombreux artistes de se faire repérer, comme Con Ánimo de ofender, il y a 7 ans.
La majorité de leurs événements sont gratuits pour attirer un maximum de public. En effet, avoir une entreprise dans le secteur de la culture n’est pas chose aisée car l’accès à la culture est souvent gratuit à Bogotá. Ainsi, les Colombiens n’ont pas l’habitude de devoir payer pour assister à un événement, ce qui est à la fois positif et problématique car il est difficile de se rémunérer pour les personnes travaillant dans ce secteur.
Confrontation aux différences culturelles
Christophe admet être impressionné par l’évolution qu’a connue le pays depuis son arrivée il y a 30 ans. “Avant, je ne pouvais même pas me déplacer en bus car il y avait le risque de se faire contrôler par les FARC et de se faire voler son passeport ou pire, de se faire enlever”. “Maintenant, je continue à faire attention mais je me sens beaucoup plus en sécurité”, nous avoue-t-il.
Une différence culturelle qui l’a profondément marqué est le rapport au temps des Colombiens. “Si vous convenez d’un horaire de rendez-vous, vous pouvez être sûr qu’ils arriveront en retard, ou ne viendront pas du tout, sans forcément vous prévenir. Cette décontraction me fascine mais me frustre également au plus haut point !”
Christophe remarque tout de même que de nombreux efforts ont été faits, possiblement grâce à la participation croissante de la Colombie dans les organisations et sommets internationaux. “A l’ONU par exemple, on ne vous attendra pas !”

Des projets pour l’avenir ?
Pour l’avenir, Christophe se laisse la possibilité de bifurquer vers d’autres projets, ou de donner vie à des bébés A Seis Manos. Une chose est sûre, l’homme hyperactif qu’il est n’a pas fini de nous surprendre !
Un mot de la fin ?
“Lancer son business à Bogotá n’est pas particulièrement difficile, mais il faut s’armer de patience face à la bureaucratie. Il faut aussi prendre en compte l’impact de l’insécurité et de la circulation chaotique sur son activité”.
“En un mot, il faut être passionné, en particulier si vous voulez lancer votre activité dans le domaine de la culture ou de l’événementiel, car ce n’est sans doute pas via cette voie que vous deviendrez millionnaire ! Dans tous les cas, si vous venez en Colombie, vous succomberez sûrement à l’optimisme et la générosité des Colombiens. Et faites attention, vous risquez de ne plus jamais repartir !”
Sur le même sujet
