La Méditerranée unit plus qu’elle ne sépare… Un même écartement de rails, des locomotives identiques… Et surtout la même passion pour les locomotives. Deux associations de fous de trains, l'une en Provence et l'autre à Mallorque, ont décidé de collaborer et partager leurs expériences dans le but de promouvoir la culture ferroviaire et en faire profiter petits et grands.


Le Train des Pignes… C’est sous cette appellation que les Niçois et les Provençaux appellent la ligne des Chemins de fer de Provence qui relie depuis plus de 110 ans Nice à Digne-les-Bains en traversant montagnes et vallées des Alpes du Sud. En 1975, alors que cette ligne était chroniquement menacée de fermeture, une bande de copains décida de la défendre et de la promouvoir par tous les moyens en fondant une association : le Groupe d’Etude pour les Chemins de fer de Provence, ou GECP.
Cinq ans plus tard, un pas supplémentaire était franchi en mettant en marche un train touristique à vapeur, animé par l’équipe de bénévoles de l’association. Avec ses locomotives de 1909 et 1923 classées monuments historiques et ses voitures aux banquettes en bois et aux plateformes ouvertes, dont certaines remontent à 1892, le Train des Pignes Historique –c’est son nom– a gravi les échelons de la popularité et du succès puisqu’aujourd’hui il transporte plus de 24.000 passagers au cours d’une cinquantaine de journées de circulations entre fin avril et début novembre.

Le train à vapeur, qui continue de fasciner petits et grands, est épaulé depuis l’an dernier par un petit frère, à peine plus jeune. C’est un bel autorail bleu, construit en 1936 par Renault. Même s’il ne roule pas sur des pneus comme les mythiques Michelines d’avant-guerre, tous ceux qui l’ont pris au siècle dernier entre Nice et Digne l’appelaient "la Micheline". Alors il a pris ce nom, aussi populaire que le Train des Pignes lui-même.
Au fil des années l’équipe des origines a beaucoup changé, mais l’esprit du départ est resté : la passion de la mécanique ancienne, le plaisir de travailler entre amis, la rencontre de toutes les générations, la transmission des savoir-faire, l’amour d’une ligne ferroviaire exceptionnelle et de la région où elle est ancrée. Près d’une cinquantaine de bénévoles assurent les tâches les plus variées : la mécanique, l’électricité, la menuiserie, la peinture, la conduite et la chauffe des locomotives, les travaux de voie, l’exploitation du train, le contrôle des billets, la vente des souvenirs et aussi, ne l’oublions pas, les énormes tâches administratives qu’implique une telle organisation. Depuis peu, la présence de deux permanents à plein temps et une à temps partiel permet d’augmenter le nombre des circulations et le volume des travaux de restauration des véhicules à l’atelier.
Une activité aussi variée ne peut se dérouler en vase clos. Lorsqu’on fait circuler des trains souvent centenaires, on a toujours besoin d’une information, d’un conseil, d’un "tuyau". Une entreprise qui répare les chaudières ? Un fournisseur de produits ou de pièces bien spécifiques ? Une question règlementaire délicate à résoudre ? C’est là qu’entre en jeu un puissant réseau de relations avec les autres associations et organismes exploitant des trains historiques. En France d’abord, avec l’Unecto, sorte de syndicat professionnel qui regroupe les exploitants et facilite les contacts avec les institutions publiques. Mais aussi de manière plus informelle avec des confrères d’autres pays tels que la Suisse, l’Italie, le Portugal, l’Espagne…

Une passion qui unit Français et Espagnols
C’est en Espagne justement qu’un lien s’est tissé depuis une quinzaine d’années avec une association à statut de fondation, Ferrocaib, dont le siège se trouve sur l’île de Majorque aux Baléares. Son but est de créer un musée des chemins de fer dans le village de Son-Carrio au nord-est de l’île et, à partir de là, poser une voie sur le tracé d’une ligne fermée en 1977 pour y faire circuler des trains historiques. L’ancienne voie ferrée a disparu depuis longtemps mais tout le reste est en place : la plateforme, les ouvrages d’art, les gares et même un dépôt tout neuf qui héberge le matériel roulant de l’association.
A l’occasion de voyages annuels en Provence d’une petite délégation de membres de Ferrocaib, leur président Guillem Febrer i Fons en tête, ces liens se sont renforcés. La Méditerranée qui unit plus qu’elle ne sépare… Un même écartement de rails : la voie métrique… Des locomotives identiques… Et surtout la même passion!
Des locomotives identiques ? En effet le Train des Pignes utilise depuis 1988 une locomotive à vapeur construite en 1923 pour les Chemins de fer Portugais et en a acquis une seconde qui reste à restaurer. De son côté, Ferrocaib a récupéré au Portugal une « petite sœur » de ces machines en vue de la restaurer pour son projet de train historique. Cette similitude a entraîné une solidarité entre les deux associations. Dans un premier temps, le GECP a communiqué à Ferrocaib un jeu complet de plans, qui seront nécessaires à la restauration de la locomotive majorquine E 215. Puis, alors que l’avarie d’une pièce importante immobilisait la locomotive E 211 du Train des Pignes, les amis majorquins ont démonté la pièce sur la leur et l’ont prêtée pour permettre d’achever sa saison.
Jumelage des deux associations
En septembre 2023, le GECP a fêté à l’occasion des journées européennes du patrimoine le centenaire de ses deux locomotives et une délégation de Ferrocaib est venue de Majorque pour participer à l’événement, en prélude à un prochain jumelage.

Celui-ci a eu lieu le 24 février 2024 à Majorque, où une délégation du GECP a été invitée. Ses membres ont été accueillis dans le cadre du futur musée de Son Carrio par Guillem Febrer i Fons, le président de Ferrocaib, Jaume Soler Pont, maire de Sant-Llorenç-des-Cardassar et ses adjoints au tourisme et à la culture. Ceux-ci ont présenté le projet de musée et de train historique, qui doit être validé par l’administration régionale des Iles Baléares. Jean-Michel Delfino, président du GECP, a exposé l’évolution, les résultats et l’impact économique du Train des Pignes Historique. José Banaudo, secrétaire, a présenté l’histoire de l’association et du train.
Les Français ont présenté aux Espagnols une belle initiative: Utilisert des résidus du broyage des olives dans les moulins pour la chauffe des locomotives
Guy Mausy a présenté une expérience originale, dont il est l’initiateur: l’utilisation des grignons, c’est à dire des résidus du broyage des olives dans les moulins, pour la chauffe des locomotives. Ce combustible d’appoint permet de réduire la consommation de charbon, ce qui est appréciable autant sur le plan environnemental que financier. Le concept a vivement intéressé les responsables majorquins car, le jour où leur train historique circulera, les grignons seront faciles à obtenir dans cette région productrice d’olives.

La soirée s’est conclue par la signature, au milieu des locomotives et des wagons plus que centenaires du futur musée, de la convention de jumelage entre Ferrocaib et le GECP ratifiée en catalan et en français par leurs présidents respectifs. Par cet acte les deux parties s’engagent notamment à collaborer à la promotion de la culture ferroviaire, à partager leurs connaissances dans les domaines de la gestion et de la technique, à coopérer dans le cadre européen à la recherche de financements et de projets communs, et à se soutenir mutuellement dans leurs activités. A l’issue de cette manifestation, les participants se sont engagés à se revoir en Provence sur le Train des Pignes et à Majorque dès que le projet du "Tren del Llevant" (Train du Levant) aura enfin pris son essor.
Auteur: José Banaudo - GECP
Contacts GECP - Train des Pignes Historique :
Jean-Michel DELFINO : +33 6 71 40 58 75 / jm.delfino@gecp-asso.fr
Contacts FERROCAIB - Tren del Llevant :
Guillem Febrer i Fons : +34 618 408 783 / gerencia@ferrocaib.org
