Romain Fornell est le seul cuisinier français à avoir obtenu une étoile Michelin en France et en Espagne. Et cette année, son restaurant étoilé de Barcelone, Caelis, fête ses 20 ans. Retour sur le parcours exceptionnel du chef français en Catalogne.
Quel regard portez-vous sur votre expérience en Catalogne ?
Romain Fornell : J'avoue que je ne m'attendais pas à faire autant de chemin ici lorsque j'ai commencé comme chef au Ritz de Barcelone en 2002. J'avais à l'époque une vision plutôt à court terme, et jamais je n'aurais imaginé fêter les vingt ans du restaurant Caelis. Pas plus que je n'imaginais évidemment être un jour responsable du groupe de restauration Goût Rouge, qui regroupe aujourd'hui une douzaine d'établissements en Catalogne. Je suis fier d'avoir accompli ce chemin, même si j'ai le sentiment d'avoir encore beaucoup à faire. Je suis heureux aussi de me sentir ici chez moi, en famille, dans cette ville de Barcelone où mes enfants ont grandi.
Certains ont snobé ce mouvement né de la cuisine moléculaire au restaurant El Bulli de Rosas, mais finalement tout le monde a adhéré à cette explosion de créativité
Qu'est-ce qui a changé le plus au cours de ces vingt dernières années en Catalogne, dans le domaine de la gastronomie ?
Il y a d'abord eu la révolution des années 2000 initiée par Ferran Adria, qui a changé tout le paradigme mondial de la restauration. Cela a été tout à la fois une grande innovation et un grand bouleversement pour la gastronomie. Cela a permis de démontrer que l'Espagne en général, et la Catalogne en particulier avaient un terroir et des techniques culinaires qui pouvaient être reproduites à travers le monde. De fait, les chefs se sont mis à travailler différemment à travers la planète, y compris en France, où nous étions pourtant très conservateurs et jaloux de notre leadership à l'époque. Je me souviens d'ailleurs que certains ont snobé ce mouvement né de la cuisine moléculaire au restaurant El Bulli de Rosas, mais finalement tout le monde a adhéré à cette explosion de créativité. Et cela a participé à dépoussiérer un peu aussi la gastronomie française.
Nous allons sortir de Catalogne en ouvrant un bar à Tapas à Paris, dans le XVIème arrondissement
Que reste-t-il aujourd'hui de cette révolution gastronomique espagnole ?
Il reste une véritable identité acquise au cours de ces deux dernières décennies, une cuisine espagnole et méditerranéenne reconnue dans le monde. Et puis il y a ce vrai respect du produit et la reconnaissance acquise d'un terroir très riche, au niveau de la viande, des produits de la mer, des vins ou du fromage. La Catalogne a également su s'imposer au niveau de l'agriculture raisonnée. C'est d'ailleurs toute cette richesse et cette diversité que nous mettons en valeur au sein de chaque établissement de notre groupe Goût Rouge : chaque lieu a son identité, que ce soit un restaurant de viandes, une bonne paella dans un "chiringuito" en bord de mer, un bistrot en ville comme au Café Turo, ou notre dernière enseigne, Azul, et son rooftop avec vue à 360°, ses magnifiques cocktails et sa cuisine braise. Mon métier aujourd'hui, en dehors du Caelis, c'est aussi d'aller chercher de vrais cuisiniers qui m'accompagnent, de sourcer les bons produits pour proposer la cuisine la plus simple et la plus savoureuse dans ces restaurants.
Quels sont vos projets pour ces prochains mois ?
Pour la première fois, nous allons sortir de Catalogne en ouvrant un bar à Tapas à Paris, dans le XVIème arrondissement. C'est un projet que je mène avec mon ami Benjamin Patou. Ce nouveau restaurant sera inauguré avant les jeux olympiques et s'appellera Casa Luisa. Il s'agit vraiment d'exporter à Paris notre savoir-faire catalan avec une offre de tapas traditionnelles qui n'existe pas véritablement là-bas, à partir de plats élaborés : les tapas comme on les aime en Catalogne ! Et c'est évidemment le fruit, pour moi, de plus de vingt ans d'expertise gastronomique à Barcelone.
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