Ils étaient cinq, réunis autour d’un repas d’hiver, pour ce dîner-débat de fin d'année du Cercle Mounier à Barcelone. Une table modeste, une atmosphère feutrée, et une question aussi familière que redoutablement complexe : l’émancipation. Est-elle un héritage du passé — ou un enjeu neuf, à raviver ?


Un processus intérieur… et un cap
D’emblée, les participants ont cherché à définir l’émancipation. Elle a été comprise comme un processus à la fois intérieur et extérieur, orienté vers un but. Si le mot renvoie à une histoire longue, un participant a rappelé son ancrage dans les Lumières et son lien étroit avec la figure de l’individu : en ce sens, l’émancipation apparaît comme une notion fortement marquée par une trajectoire occidentale.
On s’émancipe aussi en tant que groupe
Mais l’émancipation ne concerne pas seulement les personnes : les groupes s’émancipent également. La discussion a convoqué des exemples historiques — les indépendances en Amérique du Sud face à l’Espagne ou face aux États-Unis . Dans cette perspective, s’émanciper, c’est aussi se détacher d’un groupe, d’une tutelle, ou d’une appartenance vécue comme contraignante.
Lancé par l’historien Guillaume Horn et le journaliste Paul Pierroux-Taranto, sous le patronage de La Base Culture – Maison des francophonies, le Cercle Mounier s’inspire directement de la pensée d’Emmanuel Mounier, fondateur du personnalisme, penseur d’un humanisme actif et exigeant. Le principe est simple : organiser des dîners chez des particuliers à Barcelone, autour d’un thème choisi, pour questionner ce qui structure nos vies – l’engagement, nos actions, nos valeurs, et les responsabilités que nous portons dans une société en mutation. Les débats sont animés par Paul Pierroux-Taranto et Guillaume Horn.
De quoi s’émancipe-t-on ?
Les échanges ont fait apparaître une pluralité d’objets possibles : sa classe sociale, sa famille, des cadres mentaux, ou plus largement sa condition (jusqu’à la condition humaine, pour certains). Pour plusieurs participants, l’émancipation se rapproche d’une libération, individuelle ou collective. Elle suppose une prise de conscience, mais aussi un horizon : un projet, un but — parfois formulé comme un « rêve ». Autrement dit, l’émancipation est un cheminement conscient vers un nouvel état.
La technologie : libération… puis dépendance ?
Une question centrale a traversé le débat : que fait la technique à nos vies ? D’un côté, la technique peut participer à l’émancipation en allégeant des contraintes matérielles, sociales ou physiques. De l’autre, la technologie peut engendrer de nouvelles formes d’aliénation et de dépendance. Le concept d’émancipation peut alors paraître “dépassé” au regard des progrès ; mais il revient au contraire au premier plan dès lors que nos existences deviennent de plus en plus dépendantes des outils et des systèmes techniques. Ce qui libère un temps peut aussi aliéner autrement, plus tard.
Un concept à repenser… et à partager
En conclusion, les participants se sont accordés sur une idée : l’émancipation reste d’actualité, mais demande à être reformulée à l’échelle de chacun. Reste ouverte la question décisive : qui doit conduire ce travail ? Un point de convergence s’est néanmoins dégagé : l’émancipation ne peut être seulement individuelle ; elle doit être partagée — ce qui ouvre naturellement un prochain débat : qu’entend-on par “partage”, et à quelles conditions devient-il émancipateur ?
Si vous aussi, vous souhaitez y participer, nous vous invitons à nous contacter à cette adresse : labaseculturebarcelone@gmail.com
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