Au Salon mondial du mobile (MWC), l'intelligence artificielle domine les conversations: le rendez-vous phare du secteur des télécoms, qui a ouvert lundi à Barcelone, mise sur cette technologie pour trouver un nouvel élan alors que les ventes de smartphones sont au plus bas.
"Nous sommes confrontés à un manque de croissance. Nous devons donc rechercher des opportunités", a prévenu en ouverture Mats Granryd, directeur général de l'Association mondiale des opérateurs télécoms (GSMA), qui organise l'événement depuis 2006 dans la capitale catalane.
Selon le cabinet spécialisé IDC, 1,17 milliard de smartphones ont été vendus dans le monde l'an dernier, soit le plus faible niveau depuis 10 ans. Mais les ventes ont redémarré au quatrième trimestre (+8,5%) et "la dynamique laisse entrevoir une reprise rapide", souligne-t-il.
En perte de vitesse depuis quelques années, en l'absence d'innovations susceptibles d'attirer l'attention sur les nouveaux modèles, le marché du mobile espère poursuivre son rebond dans les prochains mois grâce aux apports de l'intelligence artificielle.
"L'IA est probablement la révolution la plus profonde de l'histoire de l'humanité: pour la première fois, les humains créent une technologie capable de penser. Cela change la donne", a martelé lundi Jose Maria Alvarez Pallete, patron de l'opérateur Telefonica.
Cette technologie "est clairement en voie de démocratisation et est désormais embarquée partout: dans les téléphones, dans les périphériques, dans les réseaux", souligne Thomas Husson, analyste chez Forrester, qui s'attend à ce que l'IA vienne "relancer l'innovation".
Plusieurs fabricants ont annoncé à Barcelone leurs percées technologiques dans le domaine, à l'image du fabricant américain de puces Qualcomm ou du chinois Honor, qui a dévoilé une caméra dopée à l'IA.
"Nous assistons à une combinaison de modèles d'IA qui peuvent désormais être portés directement sur un smartphone et de puces qui sont suffisamment puissantes pour permettre à ces calculs d'être effectués sur le téléphone", explique à l'AFP Ben Wood, analyste chez CSS Insight.
- "Changer de direction" en Europe -
Les opérateurs SKT (Corée du Sud), Deutsche Telekom (Allemagne), e& (Emirats arabes unis), Singtel (Singapour) et le conglomérat japonais SoftBank Corp. ont de leur côté annoncé leur intention de créer une "entreprise commune", afin notamment de développer des modèles de langage, à la base des interfaces d'IA générative.
Ils seront "spécifiquement adaptés aux besoins des entreprises de télécommunication", en les aidant à améliorer leurs interactions avec les clients via les assistants numériques et les chatbots.
Durant quatre jours, près de 100.000 professionnels et 2.500 exposants sont attendus à cette grand-messe annuelle, selon la GSMA, qui regroupe près de 750 opérateurs et fabricants du secteur des télécoms (Samsung, Huawei, Xiaomi, Orange, Vodafone...). Mais aussi des poids lourds de la tech et de l'industrie, comme Airbus, Google et Amazon, le MWC ayant élargi son audience depuis plusieurs années.
Autre sujet au centre des préoccupations des acteurs du secteur: la recomposition du marché européen des télécoms, avec la fusion annoncée en Espagne entre Orange et MasMovil, alors que la Commission européenne a publié mercredi un livre blanc plaidant pour la création "d'un véritable marché unique".
"Les décideurs politiques européens doivent changer de direction dès maintenant. L'Europe a besoin d'investissements et les investisseurs ont besoin de voir des changements, comme la politique de la concurrence qui permet à chaque marché d'atteindre des économies d'échelle", a plaidé Margherita Della Valle, patronne de l'opérateur Vodafone, à l'offensive sur le sujet avec ses homologues Christel Heydemann (Orange), Jose Maria Alvarez Pallete (Telefonica) et Timotheus Höttges (Deutsche Telekom).
Le marché européen des télécoms est fragmenté au niveau national, avec le plus souvent 3 à 4 opérateurs par pays, à l'heure où les opérateurs investissent lourdement dans le déploiement de la 5G et la fibre optique. Or à chaque opération de consolidation dans un marché national, le régulateur répète "encore et encore cette erreur" d'imposer des remèdes contraignants, ont-ils déploré.
"Actuellement, notre cadre réglementaire est trop fragmenté. Il y a encore trop d'obstacles réglementaires à la création d'un véritable marché unique des télécommunications", a admis le commissaire au Marché intérieur Thierry Breton, présent à Barcelone, réitérant sa volonté de permettre l'émergence d'opérateurs paneuropéens.