La Catalogne est probablement l'une des régions les plus atypiques du pays. Ce qui est évident, c'est que cette passerelle entre la France et l'Espagne est un monde à part entière, avec sa langue, ses expressions, ses folklores, ses coutumes et ses fêtes aux cours desquelles les habitants s'efforcent de démontrer ô combien leur culture est différente et les caractérise. Tempérament des Catalans, cuisine "amb tomaquet", football et autres sardanes, suivez le guide pour vous immerger dans la culture locale.
La Catalogne au mois de novembre, a priori, n'a rien de particulièrement sexy. Le soleil est encore là, entrecoupé de pluies, mais les températures se rafraîchissent, la fête incontournable de la Mercé est terminée et les festivités de fin d'année ne démarrent pas avant un mois. Pas d'inquiétude cependant, car vous avez l'opportunité de découvrir l'une des traditions les plus représentatives des Catalans, les castellers.
Une masse humaine remplit la place Jaume I et les rues alentour. Au milieu de cette ferveur populaire, des personnes s'organisent en cercle, tous flanquées d'un pantalon blanc, d'une sorte de grosse ceinture en tissu noir et d'une chemise de couleur. Puis ils commencent à se monter les uns sur les autres, et à se regrouper en se tenant par les épaules. S'agit-il d'un rituel sacré ou d'un groupe d'amis aillant bu trop de sangria et se prenant pour des acrobates ? Rapidement, d'autres personnages aux pantalons blancs se mettent à grimper sur le groupe. La foule les acclame à mesure que ces étranges grimpeurs forment des étages de personnes superposées. Deux, trois quatre, cinq, six étages, avec à chaque fois des participants en moins, de sorte qu'il ne reste que deux personnes au sommet de la formation. Observé d'en bas, on comprend bien la difficulté de l'exercice à la vue des visages crispés des participants situés à la base de cette impressionnante tour humaine. Puis d'un coup, deux enfants sont poussés sur cette tour et entament également son ascension. Le plus jeune, haut comme trois pommes, se hisse jusqu'au sommet sans protection aucune, à l'exception d'un casque vissé sur le du crane. Il lève la main puis redescend en se laissant glisser à toute vitesse.
Mais quel est donc ce sport étrange où les gens se marchent les uns sur les autres et prennent le risque que leur enfant chute d'une quinzaine de mètres de hauteur ? Il s'agit d'une tradition fortement ancrée dans la culture populaire locale. Les tours humaines sont des castells. Ils sont organisés par des associations appelées colles castelleras (à prononcer "collas"), dont les membres intrépides sont appelés castellers. La base de la tour, nommée pinya, est composée des membres les plus forts physiquement, et c'est également là où il y a le plus de participants aux visages tordus de douleur au fil des longues minutes qui défilent. Sur leurs épaules, le tronc, la partie la plus visible de la tour, qui s'élève en hauteur. Enfin, le Pom de dalt est situé au dessus : cette partie est composée de deux castellers appelés dosos ainsi que de l'acotxador, généralement le plus petit d'entre eux, qui vient s'installer au dernier niveau. Il servira de soutien à l'enxaneta, cet enfant qui grimpe sous les acclamations de la foule et qui doit lever le bras en haut de la tour pour valider l'exercice. Voilà pour le vocabulaire. Côté ambiance, la construction et le démontage du castell sont rythmés par une musique traditionnelle catalane. Mais attention, la réalisation de la tour humaine doit répondre à des règles très précises et respecter les différentes compositions nécessaires à la construction du castell.
Les castellers trouvent leur origine dans les zones de Villafranca, Tarragone et Valls, où les colles castelleras sont très importantes dans le tissu associatif local.
Ce qui surprend avec les castellers, c'est le fait que leur tradition paraît surgir d'un temps ancien, mais qu'elle est à la fois si populaire et importante pour toutes les classes de catalans. Aujourd'hui, ce sport à part entière provoque une véritable compétition entre les colles.
Devenue une affaire de quartier, voire de familles, la réalisation de castells implique le choix d'une couleur de chemise pour différencier les différents groupes de concurrents.