Le miracle n'a pas eu lieu. Pire : pas même une lueur furtive d'espoir, avec un score resté vierge durant les 17 premières minutes d'une rencontre terne, n'aura permis de vibrer un minimum... Des Bleus pas concernés et sans saveur ont été tristement éliminés samedi par une sélection espagnole plus timorée qu'à l'accoutumée mais néanmoins nettement supérieure (0-2). La déception passée, reste ce sentiment de deuxième chance à saisir pour les Français d'Espagne, qui vont eux pouvoir vivre depuis la péninsule la demi-finale puis la finale avec la présence probable de la Roja. La France n'est plus là ? Soyons chaqueteros : ¡ Que viva España y olé !
"Que la montagne est belle", pensait-on avant la rencontre face aux frères ennemis espagnols, à mi-chemin entre sincère admiration et fol espoir. L'être humain est ainsi constitué : observer le plus haut sommet du monde suscite en chacun l'envie incontrôlable de le gravir. "Que la montagne est haute", sommes-nous obligés de reconnaître après coup. Deux jours plus tard, de cet échec sans appel reste l'admiration pour l'adversaire d'un soir, et la conviction que seul l'espoir aura grimpé bien haut. Beaucoup trop, évidemment. Les joueurs tricolores, restés les pieds sur terre sans toucher le sol, ont, eux, plutôt expérimenté par séquences les profondeurs dangereuses du niveau de la mer. A défaut d'escalader la difficulté -ou au moins de s'y employer-, ils sont parfois descendus très bas, et autant l'écrire, un sentiment assez proche du soulagement de ne pas avoir été plus humiliés au score apparaît dès lors que certaines images nous reviennent à l'esprit.
"Des coqs sans tête", "Une France en carton", "L'Espagne prend la Bastille" : la presse a savouré sa revanche
De l'absentéisme de haut niveau, aux confins de la magie, concernant certains. Un désintérêt flagrant pour d'autres, une impuissance criante pour tous. N'en jetez plus : les Bleus n'étaient ni au rendez-vous ni au niveau. Pour le plus grand bonheur de la presse espagnole, qui n'a pas laissé passer l'opportunité -historique, donc, puisque l'Espagne n'avait jamais battu la France en match officiel- de savourer sa revanche. Acide, comme toujours, et juste comme jamais. Jugez plutôt : "L'Espagne soumet totalement une France en carton" et "L'Espagne prend la Bastille" (ABC), "Ils ne l'ont même pas senti passer" et "Des coqs sans tête" (Marca), "La France passe à la guillotine" (Sport), "L'Espagne caricature la France" (La Vanguardia, en référence aux Guignols de l'info), "L'Espagne renverse une France invisible" (La Razón), "Au revoir Francia..." (La Gaceta), "Au lait se prononce 'Olé' " (Estadio deportivo), et de nombreux autres titres du style s'affichaient hier en grand sur les Unes des quotidiens espagnols. Zinédine Zidane a eu le flair gagnant de célébrer ses 40 ans en Provence, ce qui lui aura éviter de lire le condensé de frustration accumulée débité par certains médias espagnols, avec humour ou pas. Le journaliste Paul Tenorio, dans La Gaceta, exprimait hier son immense fierté : "Aucune génération d'Espagnols n'avait vu son équipe battre les Guignols en match officiel. Maintenant, les marionnettes peuvent bien dire que nos sportifs se dopent ! Qu'ils se moquent des leurs, ils l'ont facile ! Cela fait très exactement 198 ans, depuis le 10 avril 1814 et la fin de la guerre d'indépendance, que l'on attendait ce moment de pouvoir ridiculiser à nouveau les "Gabachos" ! "
" A présent, les Guignols peuvent dirent tant qu'ils veulent que nos sportifs se dopent ! "
Un enthousiasme débordant qui avait contaminé les avenues des grandes villes comme les rues des plus petits villages, où le mot d'ordre semblait avoir été donné d'exhiber les maillots de la Roja. La non-prestation des hommes de Laurent Blanc ? "Je m'attendais vraiment à une autre France", jugeait Julio, concierge dans le sud de Madrid, résumant ainsi l'avis d'une grande majorité d'Espagnols. Côté Français, pas un bout de tissu bleu à l'horizon. Seule la déception était de sortie. A la hauteur de l'espérance mécanique née au cours des quatre jours ayant séparé l'annonce de l'affiche du coup d'envoi de la rencontre. Samedi soir, optimisme sous le bras, drapeaux tricolores à la main et maquillage sur le visage, certains avaient même décidé d'essayer d'exister dans la marée humaine présente au Fan Park, zone organisée aux abords du stade Santiago Bernabéu pour voir les rencontres de l'Espagne sur écran géant. Avec au total une cinquantaine de "gabachos" pour environ 40.000 Espagnols, la partie s'annonçait perdue d'avance. Peu importe. "L'ambiance était très sympa. On a chanté La Marseillaise quand elle a été coupée par la publicité sur l'écran géant. Malgré quelques huées et des bouteilles en plastique qui volaient en notre direction, l'ambiance était bonne. Mais il faut reconnaître qu'on a vécu pas mal de déception lors des deux buts. On avait tout pour se faire remarquer : plein de drapeaux, du maquillage partout, du saucisson, des baguettes de pain ! Et on n'a pas arrêté avec 'Qui ne saute pas n'est pas Français, eh !' ", raconte Béa, étudiante originaire d'Aix-en-Provence. Le village gaulois improvisé a bien tenté de résister, pas beaucoup aidé par ses représentants en short et crampons.
Nous étions nombreux à y croire, ne serait-ce que par superstition
La France éliminée, c'était écrit. Alors, était-ce le pouvoir de l'amnésie ou de l'expérience, toujours est-il que comme Béa nous étions nombreux à y croire, ne serait-ce que par superstition. Ce match portait un parfum de soleil et de bel été, celui du souvenir de victoires arrachées et de joies partagées. Un parfum menteur, une sorte de poison, tant nous avons eu la fâcheuse tendance d'oublier qu'en face il y avait la meilleure équipe du monde. On mettra volontiers la faute sur ces jours si longs du mois de juin qui portent toujours le même espoir à la tombée de la nuit, lorsque tout semble devenir possible. Jusqu'à retourner sa veste et supporter nos bourreaux ! En l'occurrence des Espagnols, ce qui sera désormais le cas, comme dans l'Hexagone, d'une majorité de Français d'Espagne. "En vivant ici, on a une deuxième chance de pouvoir célébrer une victoire dans cet Euro et de vivre d'inoubliables moments de liesse et de fête populaires", s'enthousiasme Rémi Esclandre, architecte à Madrid. Comme lui, dès mercredi pour la demi-finale Espagne-Portugal et jusqu'à la finale, dimanche, n'ayons pas peur d'être "chaqueteros" et de l'assumer. Que les sceptiques de cette théorie du revirement opportuniste se disent qu'en cas de triomphe espagnol dans cet Euro, ils pourront au moins avancer que la France avait perdu contre le tenant du titre et futur champion. Maigre consolation ? C'en est déjà une, alors un seul mot d'ordre, ¡ Que viva España y olé !
Benjamin IDRAC (www.lepetitjournal.com - Espagne) Lundi 25 juin 2012
Écrit par Lepetitjournal Barcelone
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 20 novembre 2012
Publié le 25 juin 2012, mis à jour le 20 novembre 2012
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