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PTT, la première entreprise de Thaïlande à un tournant

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Une plateforme pétrolière de PTT, semblable à celle-ci, avait pris feu au large de l'Australie (photo FlickR/kirbycolin48)
Écrit par Ghislain Poissonnier 
Publié le 6 janvier 2020

Le groupe pétrolier PTT, qui compte près de 100.000 salariés, est le premier en terme de chiffre d'affaires dans le royaume. Détenu à 65% par l'Etat, PTT est obligé de fixer à la demande des autorités un prix à la pompe plus bas que celui du marché. Mais la hausse de la consommation d'énergie et la baisse des réserves pétrolières vont forcer le groupe à revoir ses prix dans les années à venir

Avec ses 80 milliards de dollars US de chiffre d'affaires en 2011, le groupe pétrolier PTT est la première entreprise du royaume. Dans les classements internationaux, elle est souvent placée entre la 120ème et la 130ème plus grosse entreprise du monde. Son poids économique en Thaïlande est très important. Si la maison mère ne compte que 10.000 salariés, le groupe PTT, composée d'une myriade de filiales, compte près de 100.000 salariés.

En incluant les nombreux sous-traitants du groupe et ses participations minoritaires, il est généralement estimé que PTT contrôle près d'un quart de l'économie thaïlandaise. Comme beaucoup de groupes pétroliers, PTT est composé de trois branches : la branche exploration et production, la branche raffinage et distribution et la branche chimie et pétrochimie. Chaque branche est constituée d'une myriade d'entreprises et de filiales permettant au groupe de couvrir toutes les facettes de l'activité pétrolière.

L'entreprise est ainsi intégrée verticalement, de l'exploration et la production de pétrole et gaz en Thaïlande et à l'étranger, avec un réseau de transport et de traitement constitué notamment de gazoducs sous-marins dans le golfe de Thaïlande, de terminaux LPG (liquified petroleum gaz) et de raffineries jusqu'à la distribution des produits pétroliers pour les stations services (plus de 1.200 dans le royaume), la production d'électricité et la pétrochimie.

"PTT est un atout pour le royaume"

Le groupe PTT, anciennement appelé Petroleum Authority of Thailand, a été créé par l'Etat thaïlandais en décembre 1978 à la suite du second choc pétrolier avec pour mission première d'assurer l'approvisionnement en hydrocarbures du royaume. L'entreprise publique (l'Etat et des agences publiques possèdent toujours 65% de son capital, dont seuls 35% ont été introduits en bourse en 2001) demeure un cas hors norme.

Pour accomplir sa mission d'approvisionnement, PTT bénéficie du soutien de l'Etat, ce qui lui permet de réaliser des investissements de grande envergure. Mais l'entreprise doit aussi en contrepartie fournir un gros effort que lui demandent les pouvoirs publics : le prix à la pompe est fixé par le gouvernement et ce prix est souvent inférieur à celui que PTT serait en droit de se voir payer.

C'est donc PTT qui, en assurant ce surcoût, subventionne le prix à la pompe en Thaïlande et maintient ce prix à un niveau relativement bas. Il s'agit d'un handicap pour l'entreprise, handicap qu'elle partage avec d'autres entreprises pétrolières nationales. La branche qui attire le plus d'attention est celle de l'exploration et de la production qui fournit le pétrole et le gaz indispensable à l'activité économique du pays.

"On l'oublie souvent mais la Thaïlande est un pays d'hydrocarbures : le 10ème producteur au monde de gaz et le 26ème producteur au monde de pétrole. C'est un atout pour le royaume.  PTT a été constitué pour le mettre en valeur et le protéger", indique Panitan Wattanayagorn, professeur de sciences politiques à l'université de Chulalongkorn et ancien porte-parole du gouvernement Abhisit.

Un pays presque auto-suffisant en gaz

L'entreprise publique a d'ailleurs vraiment pris son essor dans les années 1980 avec le démarrage de l'exploitation des gisements off-shore de gaz et de pétrole dans le Golfe de Thaïlande, qui permet d'accompagner le développement très rapide à cette période de l'économie thaïlandaise.

Dans le bouquet énergétique thaïlandais, l'hydroélectricité joue un rôle non négligeable mais les hydrocarbures constituent l'énergie la plus utilisée. La Thaïlande a la chance de posséder de nombreux gisements, que ce soit sur son territoire (20% de la production nationale) ou le long de ses côtes (80%). Cette production nationale fournit 75% de la consommation intérieure de gaz (les 25% restant étant pour l'essentiel importés de  Birmanie via un gazoduc terrestre construit dans les années 1990) et 15% de la consommation intérieure de pétrole (les 85% restant étant pour l'essentiel importés du Moyen-Orient).

Si les gisements sur terre produisent de moins en moins, ceux situés off-shore produisent actuellement leur maximum. "La production nationale off-shore a atteint son plateau et devrait s'y maintenir jusqu'en 2016, date à laquelle la production commencera à décliner, même si la découverte de nouveaux gisements reste toujours possible", précise Nathalie Limet, directrice générale de Total en Thaïlande. Ce déclin ne se sera pas sans conséquence sur l'économie du pays, car sa relative autosuffisance dans le domaine des hydrocarbures a grandement facilité son décollage économique en lui épargnant un déficit commercial provoqué par de couteuses importations d'énergie.

Toutefois, avec l'augmentation de la consommation d'énergie (hausse de 5 à 6% par an) et la stabilisation voire la baisse annoncée de la production nationale, le prix actuel à la pompe ne pourra pas être maintenu. L'avenir du groupe PTT est en partie lié à la gestion qui sera fait de cette hausse des prix d'ores et déjà prévisible : qui paiera ? PTT ? L'Etat ? les entreprises et le consommateur thaïlandais ? ou deux ou trois de ces acteurs ensemble dans une proportion qui restera à déterminer ? Il s'agit dans tous les cas d'un choix politique.

Une stratégie de croissance basée sur l'internationale

En attendant, le groupe PTT, avec 3,5 milliards de dollars de profit en 2011, réussit plutôt bien et, grâce aux bénéfices engrangés depuis de nombreuses années, possède une vraie stratégie de croissance, notamment à l'étranger. Soit en cherchant à exploiter des gisements principalement de gaz, soit en rachetant des entreprises. "Cette stratégie internationale correspond au souhait de l'Etat thaïlandais de diversifier ses sources d'approvisionnement pour garantir la sécurité énergétique du pays lorsque la production nationale déclinera", ajoute le professeur Panitan Wattanayagorn.

En dépit des sanctions internationales frappant le régime de Rangoon - sanctions qui interdisent les investissements étrangers mais non l'achat d'hydrocarbures - PTT est ainsi très présent au Myanmar depuis le début des années 1990 dans l'exploitation du gaz.

Au cours des dix dernières années, le groupe s'est aussi implanté en Algérie (dans le gaz), au Canada (dans les sables bitumineux), en Australie (dans le pétrole, après avoir racheté une société d'exploration australienne), aux Etats-Unis (achat d'une entreprise de polymères). Il envisage maintenant de racheter une entreprise d'exploitation pétrolière britannique qui possède un permis au Mozambique. "Toutefois, sur un marché asiatique très concurrentiel, la politique de développement international de PTT se heurte à la concurrence de groupes pétroliers désireux de croître eux aussi, comme les entreprises chinoises ou Petronas", décrypte Nathalie Limet, directrice générale de Total en Thaïlande.

L'entreprise n'a, en fait, pas encore atteint la taille critique pour pouvoir peser comme un acteur de poids sur le marché.

Par ailleurs, si la compétence de PTT pour ce qui est du marché thaïlandais est reconnue, sa capacité technique à exploiter des gisements à l'étranger en toute sécurité est encore à prouver. En 2009, la société a été ainsi confrontée à ses limites, lors de l'éruption d'un de ses puits de pétrole au large de l'Australie, qui a entraîné l'incendie de la plateforme et des rejets d'hydrocarbures à la mer, provoquant le vif mécontentement des autorités australiennes.

Ghislain POISSONNIER  mardi 10 juillet 2012

Ghislain-POISSONNIER
Publié le 10 juillet 2012, mis à jour le 6 janvier 2020

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