Lepetitjournal.com a rencontré Florian Bohème, candidat aux élections législatives pour la 11eme circonscription des Français de l’étranger. A 32 ans, ce chef d’entreprise qui vit au Cambodge veut devenir le porte-parole d’une nouvelle génération politique en représentant les français de l’étranger. Couples binationaux, revenu universel, renouvellement politique, Emmanuel Macron, etc. les thèmes abordés sont nombreux.
Revenons sur votre parcours, votre engagement en politique. Pourquoi avoir choisi l’étranger ?
J’habite à Siem Reap au Cambodge depuis 3 ans maintenant. J’habite à l’étranger ce n’est pas le cas de tout le monde. J’ai décidé de m’expatrier avec la personne avec qui je vis en 2015. Ici nous avons développé une maison d’hôte à la française. Le projet a été revendu car il a très bien marché.
Avant j’ai travaillé pendant 10 ans dans la fonction publique. D'abord à la mairie de Paris puis chef de cabinet de Madame Benguigui au ministère de la Francophonie.
J’ai un parcours plutôt atypique. J’ai passé un Bac Pro en hôtellerie-restauration puis j’ai suivi les cours de licence d’histoire.
Dans ma tête je me suis toujours dit que je ne serais jamais fonctionnaire. Mes parents sont commerçants, c'est pour cela que j'ai choisi cette voie. Je suis arrivé en politique par militantisme. Je me suis beaucoup engagé dans la lutte contre les discriminations et c’est comme cela que je me suis engagé au parti socialiste, il y a 12 ans. Ce sont mes valeurs, mes racines, cela n’enlève rien à ma personnalité.
La 11eme circonscription est très vaste, couvre l’Asie, la Russie et l’Australie ce qui représente environ 150.000 Français, en quoi pensez-vous avoir les épaules pour la représenter ?
On voit qu’il y a une crise démocratique en France. Je pense qu’il faut un renouveau générationnel en politique. C’est aussi pour cela que je me suis engagé. Pour mettre en lumière une génération qui en France est sacrifiée. Il faut permettre à la jeunesse d’accéder aux responsabilités.
En ce qui concerne l’expérience. J’ai été chef de cabinet au ministère des Affaires étrangères pendant deux ans ainsi qu’une longue expérience à la mairie de Paris.
Et surtout, j’ai une expérience de vie. J’habite à l’étranger, comme tous nos compatriotes de cette circonscription. Je suis un chef d'entreprise qui vit à l'étranger. Je sais ce que c’est d’être confronté aux administrations parfois coriaces, aux renouvellements de visa. Je connais les choses concrètes. Je suis le candidat du concret. On a besoin de retrouver des gens qui connaissent la réalité.
Je m’engage à être député pour deux mandats seulement. On ne peut pas imaginer faire une vie de parlementaire à l’étranger. C’est ça aussi le renouvellement politique. Je n’aspire pas à être un rentier de la république. Je ne veux pas être député pendant 24 ans comme cela est le cas de mon prédécesseur.
J’ai également été élu local pendant sept ans avant de quitter la France. J'étais conseiller municipal à Houilles (Yvelines), une ville de 32.000 habitants. Cela a été une expérience très enrichissante car cela m’a permis de pouvoir toucher aux affaires publiques.
Pouvez-vous nous donner trois propositions principales sur les thèmes qui préoccupent les français de l'étranger ?
La première est de faire en sorte que les Français de l’étranger ne soient pas hors champs de la France. On a souvent cette image en étant Français à l’étranger, de ne plus exister en France. Je veux que les Français de l'étranger soit des Français à part entière. Je soutiens Benoit Hamon qui fait une proposition d’un revenu universel d’existence pour permettre aux jeunes de pouvoir avoir un revenu pour vivre. Je souhaite que ce revenu universel puisse être étendu aux Français de l’étranger. Il y a beaucoup d’étudiants Erasmus dans cette circonscription, la France est devenue le premier pays d’envoi d’étudiants Erasmus notamment en Australie. Quelles sont leurs possibilités d’avenir ? Ce revenu universel pourrait donc être utile pour les jeunes qui envisagent de s’installer à l’étranger. Cela pourra les aider.
La deuxième proposition, concerne les couples binationaux, pas uniquement des couples mariés au sens juridique. Je souhaite que l’on fasse un grand travail pour changer la vision du Consulat sur ces questions là. Aujourd’hui une personne thaïlandaise vivant avec un Français qui fait une demande de visa peut être perçue comme un potentiel clandestin. Cela me gêne. Il faut changer ce regard dans les institutions Par exemple lorsqu’un couple souhaite faire une démarche pour aller en France, lors de l’entretien de demande de visa, il faudrait que la personne française puisse assister aussi à cet entretien car ce sont des situations humiliantes.
Enfin je me tourne vers les bourses scolaires. Aujourd‘hui il y a 1.600 boursiers dans le monde entier, ce qui est beaucoup plus qu’avant. Je souhaite que l’on affine notre regard par pays, que les critères qui sont appliqués sur ces bourses puissent dépendre du pays dans lequel on vit. Par exemple au Cambodge, le prix de l’immobilier monte fortement, ce n’est pas pris en compte dans l’évaluation des critères. Il faut pouvoir être plus souple. Le député peut aider surtout quand il vit à l’étranger.
En Thaïlande, qu’est-ce qui vous préoccupe ?
On estime à 30.000 le nombre de Français qui vivent en Thaïlande, mais seulement 10.000 sont inscrits dans les listes de l‘ambassade. S’il se passe un jour une catastrophe ou des événements dangereux comme on l’a déjà vu par le passé, on ne peut pas les retrouver. J’invite donc les Français à s’inscrire, ce n’est pas une surveillance, mais juste une protection supplémentaire pour eux.
Je souhaite aussi que le réseau consulaire dans les différentes villes (Bangkok, Phuket, Chiang Mai, Pattaya) puisse avoir plus de responsabilités notamment sur les démarches pour les passeports.
Enfin 27% des habitants sont retraités en Thaïlande. Je souhaite qu’ils puissent avoir un meilleur accès au système de santé. La sécurité sociale pour les expatriés, la Caisse des Français de l’Etranger existe. Il faut que demain elle puisse être accessible à tous, sans aucune discrimination d’accès à l’assurance.
Que pensez-vous du bilan du député sortant ?
Thierry Mariani était député dans l’opposition, ce n’est jamais très simple. Je pense qu’il a fait son travail. Après, il répète sans cesse qu’il est l’un des meilleurs députés de l’Assemblée nationale... En effet au bout de 25 ans, j’espère bien. Mais que n’a-t-il pas fait pendant ces 25 ans qu’il pourrait faire maintenant ?
Aujourd’hui la politique ce n’est pas seulement l’Assemblée nationale et ses avantages. S’engager en politique, c’est beaucoup de sacrifices sur le plan privé. On a souvent cette image du député nanti. Oui, il y a des avantages mais c’est d’abord un sacrifice de vie personnelle. C’est aussi pour cela que je m’engage, pour pouvoir représenter de nouvelles valeurs.
Par ailleurs, Thierry Mariani est étranger au sein de sa circonscription, je n’accepte plus cela. Il habite en France, il n’a jamais vécu un jour de sa vie à l’étranger. Il n’a jamais vécu la période d’installation. C’est le plus grand reproche que je lui fais.
J’ai beaucoup de respect pour l’homme, je l’apprécie humainement, mais les positions qu’il porte à l’échelle nationale ne sont pas les miennes. Moi, je revendique des positions de solidarité, de partage et il est à l’inverse de tout cela. Il est à la droite de l’échiquier politique, il en a fait son fond de commerce. Moi je suis le candidat du renouvellement.
Faisant partie de cette jeune génération je m’adapte et ce n’est parce qu’on est à gauche qu’on est contre l’entreprise. Je suis chef d’entreprise, je sais ce que c’est de vivre de son propre travail, de payer ses taxes, ses employés et parfois d’avoir des inquiétudes à la fin du mois. Mais il y a des visions différentes. Thierry Mariani est député depuis 25 ans, c’est devenu son métier. Moi je suis candidat du concret, j’ai un métier à côté.
Vous remplacez M. Assante qui a finalement rejoint le mouvement "En Marche" d’Emmanuel Macron, pourquoi pas vous ?
Je ne crois pas du tout au projet présidentiel d’Emmanuel Macron. C’est pour cela que je me retrouve derrière Benoit Hamon, il propose un autre modèle de développement pour notre pays.
Emmanuel Macron, c’est le candidat de l’argent. Je suis chef d’entreprise et pourtant ma motivation première ce n’est pas de faire de l’argent. C’est d’abord mon épanouissement personnel.
En tant que Français de l’étranger on a une responsabilité sur la manière de faire du profit. Doit-on payer nos salariés locaux au salaire local ? Il s’agit d’avoir une vision en tant que Français. Un salarié local n’a pas accès à la santé, l’eau courante. Moi dans mon entreprise c’est comme ça que je vois les choses. Je préfère payer 30 dollars pour qu’un de mes employés aille chez le médecin plutôt 300 demain.
Pensez-vous à un rapprochement Hamon-Melenchon ?
C’est une affaire d’homme. Benoit Hamon est légitime par ses voix aux primaires, 2 millions ce n’est pas rien. Mélenchon lui est légitime par sa durée. Ce n’est pas la première fois qu’il se représente. Il vient de passer devant dans les sondages.
Aujourd’hui la réponse que l’on doit apporter c’est qui face à Marine Le Pen. Je ne serai pas contre un rapprochement bien que je ne sois pas d’accord avec toutes ses idées en ce qui concerne les Français de l’étranger, certaines de ses propositions sont presque inquiétantes. Sa position de l’Europe aussi, il a des prises de positions claires. Je suivrai le PS quoi qu’il arrive.
Propos recueillis par Lisa HANOUN (http://www.lepetitjournal.com/bangkok) mercredi 12 avril 2017
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