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INTERVIEW - Valérie Dremeau à Bangkok dans le cadre du procès du complice du meurtrier de son mari

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Écrit par Lepetitjournal Bangkok
Publié le 8 novembre 2018

Valérie Dremeau, dont le mari avait été assassiné fin août 2011 à Bangkok, était de retour dans la capitale thaïlandaise fin novembre pour être entendue comme témoin par le procureur dans le cadre du procès du complice du tueur présumé. LePetitJournal.com l'a rencontrée, elle revient sur le drame et l'évolution de l'affaire depuis 15 mois

Le 31 août 2011, Eric Dremeau, un Français de 42 ans était tué à Nonthaburi de trois balles dans la tête à la suite d'une dispute portant sur l'acquisition d'une moto. Eric Dremeau travaillait depuis 2009 pour la société Eurocopter en Thaïlande. Le meurtrier présumé, Jim Verschueren, un Belgo-thaïlandais âgé de 23 ans, aurait été assisté par un complice Irano-thaïlandais, Kamolpat "Mark" Sukkharom, âgé de 22 ans. Les deux hommes avaient été arrêtés par la police de Nonthaburi le 2 septembre 2011 puis présentés à la justice thaïlandaise. Après avoir payé une caution, Jim Verschueren avait pu prendre la fuite, quitter la Thaïlande le 6 septembre 2011 et rentrer en Belgique. Son complice, lui, incapable de réunir la somme réclamée (4 fois supérieure à celle de Jim), est, depuis, toujours emprisonné en Thaïlande. Le procès de Mark Sukkharom se tient actuellement devant la Cour criminelle de Nonthaburi en l'absence de Jim Verschueren, l'auteur présumé actuellement détenu en France. Valérie Dremeau, l'épouse du Français, était à Bangkok fin novembre pour être entendue par le procureur et le juge du tribunal de Nonthaburi, en tant que témoin. A l'occasion de ce premier retour en Thaïlande depuis le drame, elle a bien voulu se confier au Petitjournal.com.

Valérie Dremeau (Photo LPJ Bangkok.com)

Lepetitjournal.com - Quelles sont les raisons de votre venue à Bangkok du 26 au 30 novembre ?
Valérie Dremeau - J'ai été convoquée par le procureur et le juge du tribunal de Nonthaburi, en tant que témoin, pour expliquer ce que je savais et raconter l'histoire de cette fameuse nuit du 31 août 2011 (voir page 2). Ici, c'est l'Etat thaïlandais qui porte plainte contre le complice du meurtrier présumé, puisque Jim, le tueur, est jugé en France. Donc c'est la procureur qui a le dossier et qui rend compte par rapport au juge et qui pose des questions.
Elle m'a demandé comment les choses s'étaient déroulées, comment je connaissais Jim, comment je connaissais Mark, qui était sur un banc à côté de moi. Après viennent les questions de mon avocat, et après celles de la partie adverse.
Au total, une trentaine de témoins ont été auditionnés entre les 28, 29 et 30 novembre (par la procureur, ndlr), et la partie adverse peut le faire de son côté. Mon avocat, en revanche n'a pas trop le droit, car en fin de compte nous sommes représentés par la procureur. Je suis là en tant que partie civile.
Marc doit comparaitre normalement vers la mi-décembre, mais il risque d'y avoir un changement car il a changé d'avocat récemment, et comme ce dernier ne connait pas bien le dossier, ils ont demandé un délai au juge.

Qu'attendez-vous du jugement de Marc vis-à-vis de l'ensemble de l'affaire ?
Qu'il soit condamné à juste titre pour ce qu'il a fait, même s'il n'est qu'un complice. J'espère que sa condamnation aura un effet sur le procès de Jim en France.

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Comment vivez-vous ce premier retour en Thaïlande depuis les faits ?
Forcément, les semaines qui ont précédé ce voyage ont été très perturbantes. J'avais vraiment du mal à accepter le fait qu'il fallait que je revienne ici. Malgré tout, il fallait le faire, car c'était important que le juge et le procureur me voient. Même si je n'étais pas obligée, puisque l'on aurait pu le faire par téléphone ou par un autre moyen. Et puis d'un autre côté, il y avait aussi ce besoin de revenir, déjà pour dire au revoir à mes amis, puisque j'étais partie tellement vite que forcément on est partis avec le c?ur déchiré par ce départ précipité. Et puis surtout je me disais que, peut-être, il était encore là?

Avez-vous reçu des témoignages de soutien ?
Oui, énormément. Quand on est expat, on rencontre des gens qui partent ensuite dans le monde entier, et j'ai reçu de nombreux messages de soutien de leur part. J'ai même des amis de Malaisie [les Dremeau y ont vécu 7 ans avant de venir en Thaïlande] qui viennent en Thaïlande pour me voir et me soutenir.
J'ai aussi reçu un énorme soutien de la part de la compagnie de mon mari, Eurocopter, que ce soit au quotidien ou logistique, ils m'ont offert un travail en rentrant, ils m'ont aidée à me loger, ils se sont occupés de mes enfants. L'ambassade également, m'a montrée son soutien par l'intermédiaire notamment des contacts fréquents avec l'Attaché de sécurité intérieure, M. Francelet, pour que tout soit mené à bien, et cela dès les premières heures. M. Francelet a une relation très suivie avec les policiers thaïlandais, le procureur, mon avocat, et aussi avec tout ce qui se passe en France, le juge et les policiers en France, qui doivent venir en janvier je crois, pour avoir un complément d'enquête, etc.

Quelle part de déception et quelle part de réconfort avez-vous ressenties dans cette affaire ?
De la déception, j'en avais avant. Mais là, le fait d'être venue et d'avoir vu ce dossier et de discuter avec la procureur, cela m'a rassurée. Du coup, cette déception que j'avais quand je suis partie du pays (car finalement le criminel avait pu s'échapper et on ne savait pas où il était, il y avait donc une grosse part de déception par rapport au système thaïlandais) est moins forte.
Maintenant, on a eu la chance grâce à Interpol qu'il soit arrêté et j'espère fortement qu'il sera condamné, mais il y encore un grand point d'interrogation jusqu'à ce jour.
La part de réconfort, c'est justement, face à la lenteur de la procédure qui pesait jusqu'ici, le rapport que j'ai eu hier justement avec la procureur qui m'a réconfortée, qui a compris que l'on avait besoin rapidement du dossier. Il y avait monsieur Francelet, de l'ambassade qui était là, et elle lui a dit que dès la fin de ce procès, d'ici quelques semaines, tout le dossier, complet, sans que rien ne nous soit caché, nous sera remis entièrement.

Comment se passe la reconstruction, un an après le drame ?
C'est difficile, je crois que quand on perd quelqu'un par une maladie, un accident de voiture, même si la douleur de la perte de l'être aimé est sûrement la même, il n'y a rien derrière qui permette de renouer quelque chose. Moi malheureusement, avec mes enfants, on doit supporter toute cette procédure compliquée, douloureuse, donc je pense que ce sera seulement quand tout sera fini que vraiment on pourra faire pleinement son deuil.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose?
Je voudrais dire que malgré les craintes que j'ai pu avoir dans les premières heures, il faut avoir confiance dans notre système, dans l'ambassade, dans la police thaïlandaise - elle est ce qu'elle est mais malgré cela, elle a quand même fait un travail important - et le gouvernement français qui, je l'espère, va faire en sorte que le meurtrier de mon mari soit condamné. Le procureur de la République française a rapidement mis Interpol sur l'affaire, ce qui a permis d'arrêter Jim. Nous avons quand même un système qui n'est pas lent, et qui permet, quand il le veut, d'être réactif. Avec une nouveauté, depuis mon affaire il me semble, la collaboration plus étroite entre les autorités françaises et thaïlandaises.

Lire en page 2 Valérie Dremeau revient sur les premiers moments qui ont suivi le drame

Propos recueillis par Pierre QUEFFELEC (http://www.lepetitjournal.com/bangkok.html) mercredi 19 décembre 2012

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LePetitJournal.com - Pouvez-vous nous rappeler les premières heures qui ont suivi le drame ?
Valérie Dremeau - Il faut dire que cela s'est passé relativement vite et lentement en même temps... On ne comprend pas,? je connaissais mon mari, c'est vrai que les premiers rapports que j'ai eu avec la police dans la nuit quand j'ai vu que mon mari n'était toujours pas rentré, de s'entendre dire "madame c'est pas grave, il va rentrer, il est dans un bar avec des copains, il va rentrer demain matin",? je savais que ce n'était pas vrai, donc forcément, j'étais perturbée, je ne savais pas trop comment il fallait réagir. J'ai eu aussi le sentiment de ne pas savoir comment il fallait faire. Car quand on appelle le numéro d'urgence de l'ambassade, je ne sais pas si cela a changé depuis, on tombe sur une dame qui vous dit gentiment qu'il faut rappeler le lendemain à huit heures? je crois que c'est vraiment important que dans des situations comme cela, on ait un numéro d'urgence et que l'on puisse avoir quelqu'un tout de suite à l'ambassade qui puisse nous dire quoi faire. Je ne savais pas qu'il fallait aller au commissariat, et même si je l'ai fait, on n'a personne comme interprète, personne pour vous aider, pour expliquer que votre mari a disparu et que ce n'est pas normal, qu'il avait rendez-vous pour acheter une moto, etc. On a vraiment l'impression d'être seule dans ces moments là. J'espère que cela a changé depuis car je l'ai dit plusieurs fois à l'ambassade, et je le redirai au nouvel ambassadeur que je vais rencontrer dans quelques heures.

Après, forcément, c'est le tourbillon. On vous emmène de commissariat en commissariat, là j'étais assistée d'un collègue de mon mari d'Eurocopter et de quelqu'un d'EADS, une personne thaïlandaise qui parle très bien français. Ils m'ont accompagnée un peut partout, on a raconté cinquante fois l'histoire, on répète, on répète, et au bout d'un moment, on se dit qu'il faut bouger, faire quelque chose. Et puis dans l'après-midi, la police me dit qu'apparemment deux corps dont un "farang" [occidental, ndlr] ont été retrouvés dans un accident de taxi, et le signalement correspondrait à celui de mon mari. Là, on prend la voiture, et on m'emmène dans un lieu à deux heures de Bangkok, sur un terrain vague complètement paumé, et puis je vois un attroupement, les gens s'écartent, et là je découvre mon mari. Rien à voir avec un accident de taxi. Je ne comprends pas au début qu'il y a eu des balles, mais je vois bien que quelque chose s'est passé, il a ses effets, rien n'a disparu, je me doute que ce n'est pas lié à un vol ou quelque chose du genre. Tout de suite, je pense à cet échange avec la moto qui a mal tourné et que c'est pour cela que mon mari a disparu.

Là, on repart encore dans un commissariat, on me fait réexpliquer l'affaire, et l'ambassade arrive. Deux jours après, il y a l'arrestation de Jim et de son complice. Et il y a cette conférence de presse par la police thaïlandaise pour annoncer qu'ils ont probablement appréhendé le tueur et son complice et faire savoir qu'ils ont, en quelques jours, déjà résolu l'affaire. Alors au début, on se dit qu'effectivement ils ont été rapides, qu'ils ont mis tout ce qu'il fallait en action. Puis au fil des heures qui suivent, on se demande si ce n'est pas quelque chose destiné à rassurer et que maintenant tout va s'arrêter. On ne comprend non plus trop comment fonctionne leur système, personne n'est là pour vous expliquer. Les gens de l'ambassade ne savaient pas trop non plus. C'était tout nouveau. On est vraiment perdus.
Ensuite, l'évasion de Jim, a été la goutte qui a fait déborder le vase. La police nous avait dit que c'était bien eux les coupables, qu'ils avaient avoué. Avec ça, on se dit qu'ils sont en prison, ils vont être jugés, ils vont être condamnés, il faut savoir qu'en Thaïlande il y a encore la peine de mort, donc on se dit qu'il va y avoir quelque chose. Et puis là, tout s'écroule, on nous dit qu'alors qu'il avait tout avoué, il se retrouve dehors par une petite caution. On ne comprend plus. Nous avons demandé au juge thaïlandais que cette libération soit annulée, d'autant que nous avons appris qu'il avait fait une tentative d'évasion par le Cambodge, qu'il a été arrêté à la frontière et qu'on l'a gentiment ramené chez lui.

Donc après l'action rapide des policiers, on ne comprend pas l'attitude du juge. Tout devient lent et on ne répond pas à notre demande de remise en prison pour éviter qu'il récidive. Et c'est justement ce qu'il a fait. Il a profité justement de cette lenteur administrative pour s'échapper. Heureusement que l'ambassade de France a réagi tout de suite et a bien conseillé. Nous avons donc contacté immédiatement le procureur de la République en France, pour qu'un dossier soit ouvert, ce qui a permis de faire intervenir Interpol qui, par une recherche internationale, a finalement interpelé Jim en Belgique quelques semaines plus tard.
Propos recueillis par Pierre QUEFFELEC (http://www.lepetitjournal.com/bangkok.html) mercredi 19 décembre 2012




 

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Publié le 19 décembre 2012, mis à jour le 8 novembre 2018

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