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DREAMLOPMENTS – Quand l’entreprise sociale concrétise des rêves humanitaires

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courtoisie Dreamlopments - Le Dr Nicolas Durier et ses collaborateurs dans un village de migrants birmans dans la province de Mae Sot
Écrit par La rédaction de Bangkok
Publié le 9 mars 2016, mis à jour le 20 mai 2020

Ancien humanitaire engagé dans la recherche contre le SIDA, Nicolas Durier fait aujourd’hui le pari de l’entreprise sociale pour pérenniser les projets d’aide aux populations défavorisées. Il vient de lancer Dreamlopments, une société basée en Thaïlande qui entend répondre aux besoins des exclus du système de santé national.

Nicolas Durier a toujours voulu travailler dans le domaine de l’aide humanitaire. C’est d’ailleurs ce qui l’a poussé à faire des études de médecine pour pouvoir rejoindre Médecins Sans Frontières (MSF). Et après six ans passés chez MSF puis encore sept ans comme directeur de recherche pour amfAR, une fondation pour la recherche contre le SIDA, voilà que ce docteur quadragénaire a décidé de tout lâcher en janvier dernier pour monter sa boite.

Reconversion ? Oui et non. Inspirée par le mouvement croissant de l'entrepreneuriat social, Dreamlopments est une entreprise dédiée au développement et qui s’inscrit dans la droite ligne de sa carrière entamée au sortir de ses études.

Il fait en effet le pari qu'une entreprise privée, par son obligation de viabilité, "peut permettre de mettre en place des structures d'aide au développement plus durables et pérennes que n'importe quelle fondation ou ONG".

D'inspiration nord-américaine, l'entrepreneuriat social consiste à ce qu’une entreprise mette son efficacité économique au service de l'intérêt général en faisant de sa rentabilité un moyen dans la réalisation de sa finalité sociale.

"Je crois profondément au système de social-business c'est-à-dire une entreprise qui rend un bénéfice à la société avec un modèle économique solide et pérenne mais qui ne vise pas à générer des revenus, des bénéfices et des dividendes pour ses actionnaires", explique Nicolas.

Basée en Thaïlande, Dreamlopments a pour l’heure deux ambitieux projets en perspective : proposer une assurance santé à bas prix pour les migrants vivant à la frontière birmano-thaïlandaise et mettre à disposition des toxicomanes de trois villes du royaume un traitement contre l'hépatite C dont le coût, 41.000 euros pour une cure de trois mois, le rend inévitablement inaccessible.

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Nicolas Durier et une collaboratrice présentent le Fonds Migrants dans la province de Mae Sot (photo courtooisie Dreamlopments)

Créer une assurance santé à bas coût pour les migrants

Au cours de ses dix ans d'expatriation en Thaïlande, Nicolas a constaté avec tristesse  qu’"en Birmanie comme en Thaïlande, la majorité des migrants sont privés d'assurance santé en raison de leur statut irrégulier ou de leur faible capacité de financement".

Il a donc imaginé développer une alternative privée spécialement conçue pour cette communauté : "J'ai réfléchi à l'idée d'une assurance santé à bas coût pour ces communautés, impliquant leur participation pour construire et déterminer leur accès durable aux soins".

Après quelques recherches, il constate que "proposer une assurance santé à 100 bahts par mois (soit moins de la moitié que celle proposée par le gouvernement thaïlandais), avec [une assiette, ndlr] suffisamment large, suffirait à financer un système d'assurance viable et durable". Et lorsqu'en 2014 il soumet l'idée à 400 migrants, 92% l'approuvent.

Fort de cet accueil encourageant, Nicolas a donc récemment décidé de quitter son emploi pour se consacrer entièrement à ce projet. Avant sa mise en place concrète, une évaluation complète de la faisabilité du projet doit encore être menée. Définir la zone géographique, la taille de la population bénéficiaire ou le système de collection des souscriptions optimal sont certaines des interrogations devant être résolues en 2016.

Pour cela, explique Nicolas, "Dreamlopments doit introduire des éléments pilotes du schéma final dans la région". Un travail qui demande un financement à hauteur de 100.000 dollars mais qui, espère-t-il, pourra permettre d'entrer dans la phase de développement et mise en œuvre dès 2017.

Stopper la transmission de l'hépatite C chez les toxicomanes

Toujours au cours de son expatriation, Nicolas constate que, malgré l'existence d'un nouveau traitement contre l’hépatite C efficace dans 95% des cas, 80% des toxicomanes en Thaïlande demeurent infectés à cause du prix astronomique du traitement.

"La diffusion du médicament, au-delà de son bénéfice direct pour les malades, pourrait permettre d’interrompre la transmission de la maladie au sein de la communauté toxicomane", soutient Nicolas qui a donc décidé de mettre Dreamlopments sur le coup. Sa mission consiste à conduire un projet pilote devant fournir le traitement aux malades de Bangkok, Chiang Mai et Songhkla, trois villes particulièrement touchées par ce fléau et suffisamment grandes pour être représentatives.

Pour réaliser ce projet de trois ans, Nicolas Durier estime que Dreamlopment aura besoin de fonds pouvant aller "jusqu'à 1 million de dollars ainsi que de l'aide d'un laboratoire pharmaceutique prêt à miser sur la réussite du projet en mettant temporairement à disposition le médicament".

"Ce projet est abordé de manière différente (de celui de l'assurance santé, ndlr). C'est un projet de recherche nécessitant une aide extérieure financière et matérielle. Cependant, la trame de fond est quand même d'avoir un projet pérenne avec auto-financement tout en s’interrogeant sur la dynamique à créer au sein de la communauté toxicomane pour maintenir une capacité à traiter d'autres personnes", explique-t-il.

Assurance migrant Thailande
Nicolas Durier et une collaboratrice présentent le Fonds Migrants dans la province de Mae Sot (photo courtooisie Dreamlopments)

Permettre le développement "durable"

Alors que les critiques concernant les effets à court terme de l'aide au développement s'intensifient, le monopole dont en jouissent les secteurs public et associatif est de plus en plus remis en question. Aujourd'hui, on voit ainsi de plus en plus d'entreprises investir ce secteur.

"L'humanitaire comme la recherche sont basés sur des dons d'assistance en continu de plus en plus à risque, c’est pourquoi, au fur à mesure de ma carrière, je me suis intéressé au concept de développement durable avec une participation des communautés aux projets de développement et j'ai pensé qu'une entreprise était le bon format pour cela", souligne Nicolas pour expliquer sa transition professionnelle.

Pour lui, le modèle de l’entreprise est plus approprié pour soutenir durablement le développement des pays que celui de l’ONG ou de la fondation. Obligé à la viabilité, l’entreprise se doit de mettre en place des systèmes auto-suffisants et elle dispose pour cela d’une plus grande marge de manœuvre, notamment pour commercialiser des services, que l’ONG ou la fondation qui prodiguent par nature une aide temporaire et limitée.

L’aide au développement, Nicolas l’envisage à condition qu’elle induise elle-même "une réduction de la dépendance à l'aide à long terme".

"L'idée d'avoir une entreprise est intéressant car j'imagine, à terme, que l'on puisse concevoir des activités de mobilisation économique des migrants pour produire des biens utiles à la société qui leur offrent un emploi, garantissent de les payer mieux et qui, parce que Dreamlopments n'a pas de but de profitabilité, permettent d'avoir un bien utile mais pas cher et un modèle économique pérenne. (…) Je crois très fort à la place du secteur privé pour cela (...) Une fondation ne donnerait peut-être pas une telle flexibilité", poursuit Nicolas.

Un exemple d'entrepreneuriat social à l'international

La cotisation d'assurance que Dreamlopments demanderait aux migrants n'aurait donc pas pour but de générer du profit mais uniquement de permettre au projet de s'autofinancer c'est-à-dire de couvrir l'accès aux soins des migrants en lui-même et rémunérer les employés, explique le nouvel entrepreneur.

Dans cette optique, il souhaite développer des partenariats avec d'autres entreprises "pour réduire les frais de fonctionnement de sa société et pouvoir investir tous les revenus dans ses services". Pour son lancement, l'entreprise bénéficie déjà par exemple du soutien d'Orbis, cabinet juridique francophone à Bangkok, ainsi que de la société de création graphique Toneyes qui lui a offert un site web interactif.

Novateurs et ambitieux, les projets d Dreamlopments ne sont bien entendu pas sans risque et l'année qui s'annonce promet d'être "décisive" pour cette entreprise naissante. "Il s’agit d’un projet d'envergure et il n’est pas dit qu'au terme des douze mois la conclusion est que ce soit faisable", reconnaît lui-même Nicolas.

Pour plus d'informations sur Dreamlopments et ses projets : http://www.dreamlopments.com

Margot CARIOU (http://www.lepetitjournal.com/bangkok) vendredi 11 mars 2016

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Publié le 9 mars 2016, mis à jour le 20 mai 2020

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