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Chanteurs aveugles thaïlandais: entre rêve et difficulté quotidienne

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LILLIAN SUWANRUMPHA / AFP - Une Thaïlandaise fait une donation pour une chanteuse aveugle
Écrit par Lepetitjournal.com Bangkok avec AFP
Publié le 15 mars 2018, mis à jour le 15 mars 2018

Grattant sa guitare avec habileté, accompagné d’un batteur, Singhkum Boonriang joue des ballades thaïlandaises alors que des inconnus, occupés, passent à côté de lui.

Singhkum n’est pas un musicien ordinaire. Il fait partie des centaines de chanteurs aveugles qui se produisent régulièrement aux intersections, aux arrêts de métro et aux autres artères animées de Bangkok. 

Assis en face de sa petite urne à donations, Singhkum tente à l’aide d’un petit amplificateur, d’attirer l’attention et de la petite monnaie. 

Il est entré dans le monde musical dès son adolescence. Mais c’est lorsqu’il a emménagé dans la capitale Thaïlandaise, il y a quatre ans, qu’il a commencé à se produire dans la rue

"Quand je suis arrivé à Bangkok, j’ai entendu plusieurs musiciens jouer dans des lieux publics. J’aime chanter, alors j’ai décidé de me laisser une chance", explique-t-il.

Comme Singhkum, de nombreux chanteurs aveugles de Bangkok quittent leurs  provinces pauvres et rurales en quête de nouvelles opportunités et d’un travail.
Mais leurs options sont limitées. 

"Il y a deux ou trois jobs que nous pouvons faire, comme la vente de tickets de loterie, faire des massages ou chanter". En jouant dans les stations de métro, la quinquagénaire Yupin Boonchuen, gagne environ 1.000 bahts par jour. 

- La stigmatisation des artistes de rue -

Dans un pays aussi superstitieux que la Thaïlande, les attitudes envers la mendicité et ces saltimbanques sont ambiguës. Certains voient dans le handicap le résultat d’un mauvais karma venant d’une vie antérieure. 

Ce genre de travail de rue est souvent associé à une forte stigmatisation sociale. En effet, les musiciens de rue sont vus comme des arnaqueurs fuyant les autorités. 

"Lorsque je suis chassée, je me demande pourquoi ils ne m’ont pas laissé une chance. Je suis triste quand on ne me donne pas l’opportunité de montrer mon talent", confie Yupin. 

Mais dans ce pays dont la majorité de la population est de confession bouddhiste, d’autres voient dans le fait de donner aux pauvres et aux nécessiteux un bon moyen d’augmenter ses mérites dans sa prochaine vie.

En s’accompagnant de mandolines traditionnelles et de flûtes de bambou, les artistes transportent le public dans le passé. 

"Ils appartiennent à une partie de la culture folk traditionnelle de ce pays”, explique Philip Cornwell-Smith, auteur d’un livre sur la culture thaïlandaise. 
Il ajoute, “le son est assez plaintif, la musique en elle-même est assez nostalgique, et c’est pour cela que je pense qu’elle a une forte attraction dans le coeur thaïlandais". 

Grâce aux nouvelles reformes les attitudes pourraient changer.

La junte qui a pris le pouvoir en 2014, a mis en place de nouvelles réglementations qui permettent de différencier les artistes de rues des mendiants, notamment par des "cartes de talent".

Tous les Thaïlandais qui aimeraient se produire dans des espaces publics pour de l’argent peuvent d’ores et déjà s’inscrire auprès des autorités afin de jouer en toute légalité. Jusqu’à présent plus de 2.000 personnes se sont déjà enregistrées en tant qu’artistes de rues, la majorité étant constituée de chanteurs aveugles.

-    Quelques opportunités - 

Le gouvernement a commencé à offrir des représentations et cours de de mode, afin d’aider les chanteurs aveugles à parfaire leurs compétences et représentations. 

Récemment, un atelier d’entrainement un hôtel de Bangkok a compté plus de 300 participants parmi les artistes aveugles. 

"Le projet est né de l’idée selon laquelle il ne faut laisser personne de côté” a dit Napa Setthakorn, directeur du Social Development and Welfare Department qui a lancé le programme. 

La règlementation autour de l’activité s’assouplissant, le nombre d’artistes de rues a augmenté. On trouve ainsi parmi eux des jeunes musiciens jouant des tubes populaires. 

Qui dit concurrence supplémentaire, dit souvent perte de bénéfices. Singhkum, guitariste dans le parc de Lumpini, avoue que certains jours il ne gagne pas assez d’argent pour couvrir ses frais de transport et son accompagnateur. 

Si ses représentions ne lui suffisait plus pour vivre, il avoue ne pas savoir vers quelle autre branche se réorienter. « Combien d’opportunités notre société propose aux handicapés? ». 

"Je pense qu’il y en a peu. Les gens invalides peuvent faire tellement de choses mais le niveau d’acceptation dans notre société est très bas", ajoute l’homme de 28 ans.

Son souhait le plus cher est d’être reconnu comme le musicien le plus en vue. 
Il insiste aussi sur le fait, "je souhaite juste que les gens comprennent que je fais un travail, et non pas qu’ils me donnent de l’argent juste par compassion".
 

lepetitjournal.com bangkok
Publié le 15 mars 2018, mis à jour le 15 mars 2018

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