Mardi 26 février. Ponsonby Road. A l'écart du vrombissement des véhicules en tout genre, blotti dans une superbe maisonnette d'une blancheur éclatante, Sébastien Michel a reçu lepetitjournal.com. Sourire aux lèvres, le fondateur de Frogs-in-Nz est porteur d'une nouvelle surprenante.
L'application Frogs-in-Nz, une sensation
En fait, d'une excellente nouvelle. L'application Frogs-in-Nz est enfin disponible sur smartphone et fera l'objet d'un téléchargement gratuit pour une durée d'un mois seulement. Sébastien jubile, et pour cause : "ce qu'il faut savoir, c'est que l'application que nous avons sorti il y a deux jours concentre toutes les informations présentes dans notre guide. Elle est ultra-interactive et la technologie dépasse largement beaucoup d'applications de voyage qui existent en Nouvelle-Zélande."
Bourrée d'options, l'application répondra aux attentes des voyageurs, avec des conseils de restaurants, d'hôtels, et la création d'itinéraires jour par jour; et ce, "même en offline". Mais la pépite est encore à venir. Son appellation? Dans un souffle d'excitation légitime, Sébastien lâche: "La réalité augmentée." Après une démonstration en directe, cette nouvelle technologie s'avère effectivement épatante. "Tu pointes ton smartphone autour de toi comme cela et tu vois où sont les activités. (?) Par-là, tu peux voir pleins de restaurants; évidemment c'est le centre-ville."
De petites icônes rouges apparaissent alors que les restaurants restent pourtant invisibles à l'?il nu. Sébastien confesse finalement: "c'est assez délirant". Un blog est également disponible avec l'application, et les voyageurs pourront choisir de relater leurs expériences et partager leurs itinéraires. Ils peuvent même se "réserver" via l'application.
Une véritable success-story
Avec déjà quatre guides, alors que le premier était seulement consacré à Auckland, et le lancement de cette toute nouvelle application, Frogs-in-Nz cultive une image d'excellence, de sympathie, et d'humanité. Sébastien reconnaît que le quatrième guide, sorti en 2010, est un "succès total. "Le secret ? "Nous sommes ancrés en Nouvelle-Zélande. Nous parlons du pays tel que nous le visitons", c'est-à dire au gré des découvertes, itinéraires, aventures dans ce pays splendide qu'est la Nouvelle-Zélande et qui est de plus en plus recherché par les français. Une escapade indispensable, qui libère de l'emprise qu'exerce parfois la France. Sébastien Michel nous raconte son parcours, son histoire, ses galères, ses réussites.
Entretien avec cet ancien backpacker devenu Kiwi.
Lepetitjournal.com/Auckland - Quel a été votre parcours avant la Nouvelle-Zélande ?
Sébastien Michel - En fait je n'étais pas très heureux en France. J'étais chef de produit marketing dans une entreprise de voyages, Amadeus, le système de réservation pour les agences de voyage. Je m'occupais des moteurs de réservation sur Amadeus. Mais je me considérais comme un médiocre chef de produit marketing. Je pense que je ne suis pas fait pour les grosses entreprises. (?) Avoir un petit morceau de responsabilités, avec toute la partie politique à gérer, ce n'est pas réellement fait pour moi; je me sentais dépendant de beaucoup trop de paramètres. Donc je n'étais pas heureux dans ma vie professionnelle, et ma vie personnelle avait connu pas mal de changements à l'arrivée des 30 ans. J'étais un peu déprimé à Paris. Je suis venu visiter une amie, qui était en Visa Vacances Travail (VVT), et qui était assistante de français. A l'époque, il n'y avait que 200 VVT par an. Je suis venu la voir pendant 3 semaines. J'ai vécu dans sa colocation, son "flat" à Herne Bay. J'ai eu instantanément un coup de foudre pour le pays. 6 mois plus tard, j'étais de retour en Nouvelle-Zélande. J'ai démissionné en France, vendu ma voiture, vendu mon appartement, j'ai tout mis dans les cartons et préparé une grosse malle en métal avec tout ce que je voulais emmener, dont du matos photo.
Avant d'arriver en Nouvelle-Zélande, j'avais créé le site Frogs-In-Nz parce que j'avais envie de faire quelque chose de mes doigts. J'ai créé ce site en HTML très simple avec des interviews de personnes que je connaissais ici. C'était donc une sorte de blog où je racontais mon expatriation. Il n'y avait, à l'époque, aucun site en français en Nouvelle-Zélande. Beaucoup de personnes m'ont contacté en me demandant de raconter mes aventures, et de les conseiller. J'ai donc mis en place un forum pour offrir une plus grande interaction. De plus en plus de discussions sont apparues, de plus en plus de personnes ont commencé à visiter le forum, et l'aventure était lancée.
Donc c'est réellement avec le forum que tout a commencé
Complètement. Notre travail de rédaction d'articles se faisait par des rencontres, des conseils pratiques comme par exemple l'ouverture d'un compte en banque. Cela a constitué la première source d'informations et à partir de là, le forum a fait le reste. Nous avons continué notre rédaction d'articles et après avoir voyagé dans le pays, nous nous sommes rendus compte qu'il n'y avait pas réellement de guide en français ? puis nous dire finalement que nous allions créer un petit guide sur ce que nous connaissions très bien: Auckland. Cinq mois après être arrivés, nous avons monté la boîte. Nous avons constaté qu'il y avait quelque chose à faire avec le site; il y avait du monde, de l'intérêt, de la demande, les gens aimaient le logo, l'aventure. Une "valeur" était en train d'être créée. J'ai cherché du boulot localement, je n'ai rien trouvé, donc j'ai continué à développer le site sur le côté et c'est rapidement devenu mon activité principale. Après avoir fait le premier guide, l'Ambassade de France nous a subventionné une petite partie du deuxième guide. Le responsable de la culture de l'Ambassade de l'époque, très sympa, était venu au lancement de notre guide; cela nous a beaucoup aidé, nous a mis le pied à l'étrier. (?). Il avait un budget et a décidé de nous en attribuer une petite partie. A l'époque, les ambassades avaient plus d'argent. L'Ambassade nous a même alloué un bureau à Wellington. De là, grâce à cette aide, nous avons publié un deuxième guide, et puis nous avons ouvert l'agence.
Qui publie le guide ?
Nous faisons tout de A à Z. Nous écrivons, publions, prenons les photos. C'est 100% "fait maison". Les deux premiers guides ont été imprimés en Nouvelle-Zélande, et les deux derniers en Chine, à Hong Kong. La qualité étant supérieure et le prix bien plus intéressant. C'était d'ailleurs vraiment agréable de travailler avec les Chinois. C'est plutôt monter un réseau de distribution dans le monde qui a été infernal; cela a pris des années.
Donc après cinq mois en Nouvelle-Zélande, vous vous êtes dit que vous alliez rester ?
En fait, je m'étais déjà dit cela en arrivant. Il fallait que je reste, je n'avais plus rien en France.
Vous aviez un visa long alors ?
Je suis passé par tous les visas. J'ai commencé par un VVT, j'étais le 200ème sur 250. Quand je suis rentré en France, ma seule obsession était de regarder sur le site internet combien il restait de VVT, parce que l'on était déjà en mars. Il en restait heureusement 50. Suite à ce premier VVT, j'ai eu toutes sortes de visas. Un visa de travail, un visa de "long term business" puis je suis passé par le visa touristique, pour le temps qu'ils évaluent ma demande; et enfin un visa de résidence. (?) J'ai eu des hauts et des bas en matière de visa et au niveau psychologique. Par exemple, j'étais sur la route en train d'écrire, alors que je ne savais pas si dans deux mois je n'allais pas me faire éjecter parce que je n'avais pas de visa. C'était chaud. (?) J'étais très atypique. Ici, on ne monte pas une boîte avant d'avoir le visa qu'il faut; c'est pourtant ce que nous avons fait. Maintenant, je n'ai plus de problèmes, je suis Kiwi, j'ai la double nationalité.
Qu'avez-vous pensé des Néo-Zélandais à votre arrivée ?
J'ai pensé ce que pense la plupart des gens. Qu'ils sont ouverts, gentils, parfois à la limite du naïf pour nous européens mais qu'avec eux, tout est possible. C'est ce que j'ai adoré et c'est pour cela que j'ai pu faire ce que j'ai fait ici. Pour les affaires, c'est le bonheur. Je n'avais aucune expérience dans la vente et pourtant, nous avons réussi à financer notre premier seulement grâce à la pub. On leur disait: "Nous n'avons encore rien à vous montrer, mais nous souhaitons faire un livre sur la Nouvelle-Zélande en français." Et ils nous répondaient: "Ah ok c'est cool, on signe où?" Il y a ce côté: "tu as l'air de vraiment vouloir faire ce que tu dis." Pour moi, c'était inouï. Et puis, les néo-zélandais sont adorables. (?) A force de vivre ici, on se rend compte des travers des populations. Malgré cela, les relations entre les gens sont plus douces, alors qu'en Europe on est toujours sur la défensive, on a la sensation d'être jugé. Ici, le jugement n'est pas très présent. L'apparence n'a pas d'importance, ce qui est la première barrière entre les gens. (?) Nombreux sont ceux qui disent qu'il n'y a rien au niveau culturel. C'est faux, il se passe plein de choses, l'on est juste habitué à ce qu'on leur livre des spectacles à foison sur de grandes affiches. On vit moins dans la pression de rater des choses. (?) La pléthore de choix à Paris est une prison. Moins de choix, et cela vient à toi.
Comment s'est développée votre équipe ?
Nous avons la chance d'avoir une équipe super car nous avons choisi avec qui travailler. Nous avons développé notre réseau de distribution de plus en plus; en Nouvelle-Calédonie, en France, cela prend beaucoup de temps. Les livres sont des projets à long terme. En fait, c'est surtout l'agence de voyage qui nous permet de vivre au jour le jour. (?) Au départ, beaucoup de personnes, des français expatriés en majorité, venaient à nous pour nous proposer leurs services. Beaucoup d'aide spontanée. Cela a été un projet communautaire au départ.
Quand avez-vous commencé l'agence de voyage? Sous quelle forme s'est-elle créée ?
En 2004. Doucement. Puis nous nous sommes vraiment concentrés dessus à partir de 2005, lorsque nous sommes revenus à Auckland. Camping-cars, itinéraires, sont nos principaux services. Cela se faisait à petite échelle à l'époque alors qu'aujourd'hui nous avons un grand catalogue de circuits. Nous avons aussi beaucoup d'expérience autour de la location de camping-cars. (?) Nous faisons du FIT (Free Independant Traveller), les gens voyagent en autonome.
Avez-vous eu des problèmes de légalité ?
Aucun, nous sommes parfaitement intégrés dans le tissu économique. Nous payons nos taxes rubis sur l'ongle. Nous faisons rentrer 3 millions de dollars néo-zélandais chaque année. Les autorités n'ont pas de raisons de nous avoir dans le collimateur, surtout que les dirigeants, Carole Zink (que Sébastien a rencontré en septembre 2002) et moi, sommes Kiwi.
Pensez-vous que la Nouvelle-Zélande attire autant de Français parce qu'elle est si éloignée ? Vous parliez d'échapper à la France ?
Je pense que c'est le côté "frontière". C'est une des dernières frontières relativement sûre du monde. Tout le monde peut venir, y vivre sa petite aventure, en se donnant l'impression d'être un grand aventurier.Malgré tout, cela reste un pays occidental.
Forbes estime que la Nouvelle-Zélande est le meilleur pays pour faire des affaires, qu'en pensez-vous ?
En termes de facilités, c'est vrai. Il y a une sécurité des fonds, pas de corruption, et une facilité dans la création d'entreprises. Et puis, une confiance entre les gens, qui est une variable extrêmement importante. Il existe une véritable "conscience" générale et un esprit de communauté. Si l'on fait de mauvaises actions, cela va se savoir, on ne pourra plus faire de business. C'est l'effet Trade Me, on "construit" sa réputation. Ton succès dépend de ton comportement. Auckland se développe et on perd ce côté-là, mais cela existe toujours ; cet esprit de "community", mot utilisé à tout bout de champ. (?) Il ne faut pas décevoir cette communauté.
Est-ce que Frogs est présent, aide la communauté française ?
Absolument, nous sommes toujours prêts à aider les écoles ou les associations par exemple. Je connais beaucoup d'expatriés français qui ont leur entreprise ici, et nous sommes assez proches les uns des autres. (?) Nous nous regroupons tous autour de la FNZCCI, Chambre de Commerce Française en Nouvelle-Zélande, pour laquelle j'ai siégé au Conseil d'administration pendant deux années. Chacun participe !
Filip Milo(www.lepetitjournal.com/auckland) vendredi 1er mars 2013