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De la facilité d'entreprendre en Nouvelle-Zélande

Jean-Michel Hauter Domaines AucklandJean-Michel Hauter Domaines Auckland
Écrit par Lepetitjournal.com Auckland
Publié le 27 mars 2013, mis à jour le 27 mars 2013

Pour Jean-Michel Hauter, fondateur et directeur de l'agence immobilière francophone Domaines NZ, quitter la France fut une nécessité. Plus, une question de survie, et la liberté, pour Jean-Michel, c'est ne plus sentir les hiérarchies logées dans les grandes firmes multinationales et les conventions sociales omniprésentes dans la société française.

Après vingt années passées à grimper les échelons dans une grande firme multinationale, il souhaitait changer d'air. "J'ai juste passé l'âge; j'avais ce besoin d'entreprendre."

Entretien avec un expatrié intégré devenu néo-zélandais, au parcours atypique.

Lepetitjournal.com/Auckland - Quel était votre parcours avant la Nouvelle-Zélande ?

Jean-Michel Hauter - Avant la Nouvelle-Zélande, j'étais employé d'une multinationale pendant vingt ans, IBM. J'y ai travaillé comme ingénieur d'affaires, chef de département, dans le commerce et la vente. Lorsque j'ai commencé à y travailler, c'était une entreprise de 400.000 employés alors que ce n'était pas véritablement ma vocation. Je l'ai fait parce que, après mes études, je ne voulais plus vivre en province. Dans ma famille, nous sommes tous des voyageurs; j'avais à ce moment-là (après ses études) déjà fait des voyages et je m'ennuyais un peu en Alsace. A 17 ans, j'étais parti au Canada. Mon père voulait que je reprenne l'entreprise familiale mais moi, je souhaitais avoir mon autonomie. De 29 ans à 47 ans, j'ai travaillé chez IBM. A un moment donné, nous avons décidé avec ma femme de tenter l'aventure à l'étranger parce que nous avons senti un malaise en Europe. En plus, nous venions de fonder une famille. Il fallait repartir de zéro. Nous avons monté un dossier d'immigration pour l'Australie et Sydney, mais au moment de déposer le dossier, la loi a changé en Australie et elle ne permettait plus aux plus de 45 ans d'immigrer. Comme j'en avais 44 et dix mois, je n'avais aucune chance. J'ai donc par la suite convaincu ma femme que nous pouvions très bien partir en Nouvelle-Zélande. C'est ce que nous avons fait. Il n'y avait pas de barrière d'âge. Après avoir obtenu le visa en mai 2002, nous sommes arrivés en décembre avec quatre valises, et deux enfants en bas âge.

Nous nous sommes installés à Titirangi. Après Suresnes et Neuilly, nous appréciions le "bush", et l'espace qu'il nous offrait.

Finalement, vous avez toujours eu une âme d'expatrié. Ressentiez-vous une pression sociale en France ?

Dans mon esprit, j'aime la liberté. Je trouvais qu'il y a dix ans, notre liberté, on commençait déjà à la perdre. Surtout économiquement, au niveau des impôts; la pression fiscale en France est abominable pour un entrepreneur. Lorsque l'on réussit, on est montré du doigt. J'appartenais à la catégorie des cadres supérieurs qui travaillent onze heures par jour et payent beaucoup trop d'impôts. Epargner est impossible. En vingt ans d'IBM, je n'ai rien mis de côté.

Quand je suis arrivé en Nouvelle-Zélande, j'ai cherché des idées d'investissement et de projet à long terme. Je pensais d'abord investir dans la vigne, et faire mon vin, parce que j'étais passionné par l'?nologie depuis des années. Malheureusement, lorsque j'ai entamé mes études de marché en 2002 et 2003, le train était déjà passé. L'investissement n'était plus rentable, les prix avaient flambés. Ce fut sûrement pour le mieux puisque, aujourd'hui, la moitié de ces domaines ont fait faillite ou sont à vendre.

Comment vous est venue l'idée d'une agence immobilière ? Avez-vous estimé qu'il existe un réel besoin ?

J'avais quelques économies, car j'ai hérité d'une vieille ferme avec quelques hectares. J'étais obligé de lotir ces terrains et donc, naturellement, j'ai forgé ma propre expérience. J'ai acheté un terrain en Nouvelle-Zélande et je l'ai revendu. J'ai fait une plus-value et me suis rendu compte que je pouvais gagner de l'argent avec ces reventes. Avec quelques amis, nous avons investi, en achetant des maisons et les rénovant. De fil en aiguille, je me suis dit que je pouvais vivre de cela. Mais je ne pouvais pas tout acheter. J'ai donc décidé de prendre en main des acheteurs potentiels et de les conseiller. Bien entendu, pour éviter la concurrence, j'ai choisi naturellement une clientèle de francophones. Je suis allé en Nouvelle-Calédonie, à Tahiti avec une idée en tête: permettre à mes futurs clients de trouver la propriété de leurs rêves. En une demi-journée, à la terrasse d'un café à Nouméa, j'ai rencontré mes premiers clients. C'était la validation de mon modèle et j'ai immédiatement créé un site internet. Et aujourd'hui, nous sommes sept dans l'entreprise. Nous avons tous une double culture, et avons tous, à un moment, acheté, et négocié. Mes collègues sont tous mandatés par l'Institut néo-zélandaise de l'immobilier.



 

 

 

 

 

 

Outre Domaines NZ, quels sont vos autres projets?

En créant Domaines NZ, j'ai créé en parrallèle ma propre société, qui est un "development trust" dans laquelle j'ai aussi des associés, pour pouvoir acquérir et revendre des propriétés. J'ai créé également une entreprise, Vignobles NZ. A travers Domaines NZ, nous avons organisé des séjours avec des investisseurs de Tahiti dans les domaines viticoles. Après un voyage à Hawkes Bay, nous nous sommes rendu compte que la région permettait l'exploitation de Syrah de qualité. Nous espérons 5,000 bouteilles pour l'année prochaine. J'ai également un autre projet, qui concerne le rugby, avec la création d'une maison du rugby qui ouvrira fin mai. C'est un projet incroyable, car très innovant, au coeur même du pays du rugby !

Quel message souhaitez-vous faire passer ?

La Nouvelle-Zélande, surtout pour les jeunes, est le pays parfait pour entreprendre. Tu créés ta société en une journée, on ne te demande pas d'avoir un capital social. C'est toi et tes économies. Il y a un marché, certes petit, mais réel. Tous les clignotants sont au vert, c'est un pays prospère, l'économie va bien, c'est facile de faire des affaires, c'est un pays qui évolue de manière exponentielle. Ma première visite en Nouvelle-Zélande, c'était en 1986. Je me souviens d'un pays arriéré. Au bout de Queens Street à Auckland, il y a avait un embarcadère, et rien d'autre. Enfin si, le Rainbow Warrior que l'on venait de repêcher, et quelques bateaux de pêche. A 17 heures, nous allions au pub et après quelques bières, tout le monde rentrait chez soi. La Nouvelle-Zélande, c'était une grande ferme qui s'assoupissait vers 18 heures. Lorsque je faisais Christchurch-Queenstown en voiture, je croisais vraiment dix voitures.

Quand est-ce que la Nouvelle-Zélande s'est-elle développée ?

Il y a eu une grave crise en 1988. Tout était contrôlé, et le pays était exsangue. Cela était dû surtout à l'entrée de la Grande-Bretagne dans le marché commun. La Nouvelle-Zélande exportait tous ses produits agricoles vers le Royaume-Uni. Le marché commun s'est fermé à la Nouvelle-Zélande, et l'agriculture s'est cassé la figure. Le gouvernement a décidé de libéraliser et a stoppé les indemnités chômage. Ils ont dit aux uns: "trouvez d'autres débouchés", pour l'agriculture surtout, et aux autres: "entreprenez". A partir de 1988, la population a entreprise, et c'est ce que j'aime chez eux aujourd'hui : tout est possible.  

La vraie force pour les Français expatriés, c'est donc cette double culture franco-néo-zélandaise. Mais est-ce suffisant ?

Je me suis aperçu que tout le monde ne pouvait pas être entrepreneur. Nombreux sont ceux qui préfèrent une sécurité de l'emploi. Les entrepreneurs sont rares. Mais aujourd'hui, entreprendre en France, c'est compliqué si l'on est jeune et qu'on ne dispose pas d'énormément d'économies. Par contre, ici, c'est plus facile, il y a des idées, parce qu'il  y a moins de concurrence. Il y a de la place. Les gens ne te ferment pas la porte. (?) De plus, en France, les barrières sociales sont immenses. Quand j'étais chez IBM, je sortais avec des gens d'IBM, on parlait d'IBM, on se rencontrait dans des soirées IBM, on s'habillait pareil. Nous sommes tous des "fils de" en France, et sommes liés à notre appartenance sociale. Ici, l'appartenance de classe n'existe pas à travers les voitures, les costumes cravates ou autres conventions. Personne ne me reprochera, si je rencontre John Key, de ne pas mettre de cravate. En France, sans un "Monsieur le président", le directeur de l'entreprise n'achètera pas ton produit. Ici, c'est "ok, it's a deal". J'ai rencontré de nombreux anciens All Blacks, ils me reçoivent en short et claquettes. Un jour on les voie à la télé, et le lendemain on les rencontre. (?) Mais attention, j'ai beaucoup appris chez IBM, rencontré des types formidables.

Quelle réception à votre parcours auprès de vos proches en France ?

Beaucoup me disent que s'ils étaient plus jeunes, ils partiraient. Mais c'est ce qu'ils me disaient déjà il y a maintenant dix ans. Ce n'est pas très crédible. Avant de partir en Nouvelle-Zélande, nous avons organisé une fête pour notre départ. Tous nos amis venaient nous voir pour nous dire : "Ce que vous êtes courageux. Partir, à votre âge, avec deux enfants". Et je leur ai répondu : "vous êtes courageux, vous, de rester". Ils ne sont pas jaloux, mais étonnés et se disent quelque part que nous avons bien fait de partir. Pour eux, c'est toujours trop tard, alors que leur situation se dégrade considérablement; ils ont des problèmes d'argent, ne peuvent plus partir en vacances. Ce que je dis à la jeune génération: apprenez l'anglais même si vous n'allez pas à l'école. (?) Au lieu de se débarrasser de son carcan, la France s'immobilise. C'est une révolution économique qu'il faut faire. 

Filip Milo (www.lepetitjournal.com/Auckland) mercredi 27 mars 2013

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