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L'entreprise suisse : un terreau fertile pour la confiance naturelle au travail

Lepetitjournal.com a échangé avec Elodie et Dimitri, deux étudiants partis à la rencontre du monde entrepreneurial suisse avec leur Odyssée managériale. Mentalité, crises actuelles, changement climatique, protestantisme… voici les thèmes qu’ont surtout retenu nos deux étudiants de passage chez nos amis helvètes.

Odyssée managériale SuisseOdyssée managériale Suisse
Écrit par Sophie Sager
Publié le 4 juillet 2023, mis à jour le 1 septembre 2023

Elodie et Dimitri, deux étudiants en quête de réponses à leurs interrogations concernant les pratiques entrepreneuriales d'aujourd'hui et de demain sont partis pendant plus de 6 mois dans 8 pays différents. A la recherche des crises que traversent les structures aujourd’hui, ils questionnent et se questionnent au sujet des pratiques managériales du futur. Décryptage de leur séjour en Suisse.

 

Que retenez-vous des pratiques managériales des entreprises suisses ?

 

Elodie et Dimitri en Suisse pour l'Odyssée managériale

 

Nous avons beaucoup aimé la Suisse car il y règne une certaine confiance naturelle au travail. Cela est d’ailleurs à relier à la vision Y des salariés de la “théorie X et Y” de Mc Gregor. La théorie X considère les employés comme des personnes naturellement paresseuses et peu motivées qui ont besoin d’être surveillées et contrôlées, tandis que la théorie Y considère les employés comme des personnes motivées et capables d’autonomie, qui répondent bien à la responsabilisation et à la confiance. Par exemple, chez Mantu, à Genève, “la confiance fait partie de l’ADN de l’entreprise” nous dit Olivier Brourhant le fondateur. Et cela est on ne peut plus vrai pour les jeunes. Ainsi, l'ouverture du bureau de Mantu en Chine a été orchestrée par une jeune fille de 23 ans, de même pour le bureau du Canada, et Chili par deux jeunes hommes de 24 ans.


 

Le fonctionnement politique de la Suisse a également de l’influence sur les pratiques managériales des entreprises. Ce dernier repose sur une démocratie directe et un système de consensus. Cela signifie que les citoyens peuvent participer directement aux prises de décisions politiques, notamment par le biais de votations populaires. Nous avons réellement ressenti cette mentalité de décentralisation des décisions et de participation active au sein des entreprises que nous avons eu la chance de rencontrer. Par exemple, la Banque Alternative Suisse (BAS) a décidé d’adopter un management plus agile, en s’inspirant de la sociocratie 3.0 ou les prises de décisions s’effectuent de manière collaborative et équitable par tous les membres de l’organisation. Les décisions sont toutes adoptées par consentement : c’est-à-dire qu’une décision n’est prise qu’à partir du moment où plus personne ne formule d’objection importante et raisonnable. Ainsi, on ne pose plus la question « êtes-vous d’accord avec la proposition ? », qui implique nécessairement oui/non avec une partie des personnes déçue, mais « Avez-vous une objection à cette proposition et si oui laquelle ? ». Bien évidemment, tout le monde peut émettre une objection. 

 

Photo Tizziano chez Creaholic

 

-L’importance de l’humilité, influence du protestantisme. Dans les entreprises suisses  « tout le monde est au même niveau et il n’y a pas une tête qui dépasse ! » nous confie Philippe-Raymond Laurent, un Français qui a travaillé toute sa vie en Suisse à des postes à hautes responsabilités. Cela serait liée à la culture protestante, très présente en Suisse, dans laquelle la prétention est très mal vue.

 

Quelles sont les principales crises managériales en Suisse actuellement ?

 

Le futur du management suisse

 

Sans surprise, le niveau de vie en Suisse est très bon, et c’est d’ailleurs le pays que nous avons visité qui subit le moins de crises. 

Cependant, comme dans beaucoup de pays, la crise Covid a influencé et influence toujours les mentalités. Les réflexions autour du travail hybride sont autant présentes qu’ailleurs. 

Aussi, la Suisse est concernée par la crise climatique. Les mentalités sont véritablement en train de bouger et nul doute que cette crise va être le moteur des modifications de pratiques de management en entreprise. Par exemple, l’entreprise Creaholic, composée essentiellement d’ingénieurs, a mis en place la politique des 100h. Chaque employé dispose de 100h par an pour entreprendre un projet personnel sur son temps de travail. Ces 100h peuvent permettre de créer un nouveau produit ou d'améliorer des solutions déjà existantes. Même s’il n’y a pas d’obligation de s'attaquer à des défis écologiques, il y a véritable engouement pour les inventions qui luttent contre la crise climatique comme en témoignent ces deux inventions de douches responsables : Joulia qui récupère l’énergie thermique de la douche et Gjosa qui réduit le débit d’eau sortant du pommeau de douche. Aujourd’hui ces deux inventions sont d’ailleurs devenues des entreprises dérivées de Creaholic. 


 

D’autre part, nous remarquons un certain clivage entre les cantons sûrement liés aux différences de langues et de mentalités. Cela complique parfois le management d’équipes intercantonales. Par exemple, le RHNe (Réseau Hospitalier Neuchâtelois) nous a confié qu’ils ressentent des rivalités entre leur site en ville (à Neuchâtel) et leur site plus excentré en campagne (à la Chaux-de-fond).

 

Comment les pratiques managériales suisses se différencient-elles des pratiques en France ?

 

Photo avec Olivier Brourhant, CEO et fondateur du cabinet Mantu

 

Il y a une caractéristique sur laquelle les Suisses ont particulièrement insisté au fil de nos rencontres : il s’agit de la perception du chef. Ils trouvent qu’en France, il y aurait un certain culte du chef, absent en Suisse. Les Suisses sont fiers de leur approche collaborative du travail, où les relations en entreprise sont généralement moins hiérarchiques qu'en France. 

Certains nous ont même décrit les relations sociales en entreprise dans l’hexagone comme archaïques, avec un antagonisme presque systématique entre les employeurs et les salariés, et mettent en avant l'influence prépondérante d'un "grand directeur" capable de remettre en question n'importe quelle décision. Ça nous a d’ailleurs plutôt surpris à notre arrivée en Suisse!
 

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Publié le 4 juillet 2023, mis à jour le 1 septembre 2023

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