

Lepetitjournal.com s'intéresse aujourd'hui à la joyeuse anarchie régissant les chemins de fer polonais. « Monter dans un train au hasard, sans se soucier du bagage et du billet », chantait Maryla Rodowicz en 1978... Depuis l'insouciance n'est plus de mise. Sauter dans un train polonais c'est d'abord s'embarquer dans une drôle de galère...
Vous vous en doutiez peut-être. C'est maintenant officiel. Les chemins de fer polonais (Polskie Koleje Pa?stwowe) sont les pires en Europe. Ses usagers du moins sont les plus mécontents selon la dernière enquête de la Commission Européenne. 52% des sondés déplorent les retards à outrance, 64% dénoncent le manque de parkings près des gares, 71% se plaignent de la saleté omniprésente, tandis que 41 % considèrent même les trains comme dangereux. Et si vous souhaitez faire part aux PKP de vos doléances, 66% y trouvent des difficultés.
Le Bureau du Transport Ferroviaire polonais a aussi publié en avril ses statistiques. Avec plus de 25% de trains arrivés en retard en 2010, les PKP cumulent 140.000 heures de délais, soit 23 min par train. Les retards les plus importants concernent surtout les trains inter-régionaux (31.5%) et internationaux (46,2%).
Un cercle vicieux
Si ailleurs on encourage le transport ferroviaire, en Pologne le train périclite. Entre 1928 et 2009, le nombre d'employés des chemins de fer est passé de 215.000 à 100.000 (240.000 en France). Sur les 10 dernières années l'Etat a investi 6 fois moins dans le réseau ferroviaire que routier (108 milliards de zlotys contre 17). Et la majorité de ces ressources va à la maintenance d'un réseau obsolète plutôt qu'aux investissements.
Avec 28.000 km de rails (contre 32.000 km en France) l'étendue du réseau est satisfaisante. C'est sa qualité qui laisse à désirer : près de la moitié des rails sont centenaires ! La dernière ligne ferroviaire construite en Pologne date de 1987. En 2009, seulement 37% du réseau était dans un état jugé « bon » contre 38% « passable » et 25% « mauvais ».
Le prix des billets ne cesse de grimper alors que le niveau de services est en chute libre. Résultat : 6 milliards de zlotys de dettes en 2010 payés en majorité par le Fonds ferroviaire avec l'argent destiné aux investissements. Alors qu'à la fin des années 80 près d'un milliard de passagers par an prenait le train, les PKP n'en transportent aujourd'hui que 250 millions (15 fois moins qu'en France !).
Rire pour ne pas pleurer
Le comble du chaos a été atteint en décembre 2010 avec la publication de nouveaux horaires. Les différentes sociétés des chemins de fer n'arrivant pas à s'entendre, les horaires affichés dans les gares étaient différents de ceux publiés sur Internet. La gare de Katowice affichait 56 corrections au marqueur noir sur son nouveau tableau des départs. Du jamais vu, même au plus noir de l'ère communiste.
Autre spécialité locale: des haut-parleurs flambant neufs? muets. Impossible donc pour les passagers de suivre les informations sur les retards et les changements (ô combien fréquents) de dernière minute. La petite gare d'O?arów figure dans les annales grâce à une annonce précisant que les haut-parleurs en service les plus proches se trouvent à B?onie, à 15 km de là.
« Si ce n'était pas aussi tragique, ce serait même drôle », le député Piechoci?ski résuma la situation lors d'un débat sur la situation dans les PKP à l'Assemblée Nationale en 2010. D'ailleurs les Polonais n'en perdent pas leur sens de l'humour et s'amusent avec le sens du sigle PKP : Piechot?, Kolego, Piechot? ! (à pied, mon ami , à pied !), Poci?g Kursuje Powoli (le train circule lentement) ou encore, un brin fataliste : Poczekaj, Kiedy? Przyjedziemy (Attends, un jour on arrivera).
Une lumière au bout du tunnel ?
En décembre 2010 les PKP ont publié dans tous les journaux du pays des excuses aux passagers pour l'ensemble des difficultés rencontrées au cours de cette année fatale. Le vice-ministre de l'infrastructure et le président des PKP ont démissionné. En 2010, ce sont 14 responsables de la PKP qui ont été poussés vers la sortie. Pas de quoi pourtant réjouir les utilisateurs qui attendent toujours de vraies solutions.
L'organisation de l'Euro 2012 en Pologne et en Ukraine donne par contre un coup de fouet aux investissements. Il s'agit surtout de relier et desservir au mieux les principaux aéroports et les villes accueillant les matchs. Pour ça il faut notamment aménager les voies pour autoriser le passage de trains roulant à 160 km/h (seulement 5% des lignes actuellement).
Le ministère de l'Infrastructure vient de sortir son « Master Plan pour le transport ferroviaire jusqu'à 2030 ». Celui-ci mise sur la compétitivité du rail par rapport aux autres moyens de transport, l'écologie, l'augmentation du niveau de service client, l'optimisation de l'emploi et enfin la mise en place d'un financement fixe de l'infrastructure ferroviaire.
Le budget prévu pour la période 2010-2015 s'élève à près de 24 milliards de zlotys dont : l'UE 48% et l'Etat 35%. Face au délai d'amortissement et de rentabilité, il est difficile d'attirer des investisseurs privés dans le secteur.
Il reste à espérer que, fort d'une stratégie, l'Etat polonais saura maintenant éradiquer l'incompétence et la mauvaise gestion des fonds. Le temps presse car en l'état actuel il faudrait 47 milliards de zlotys (l'équivalent d'un sixième du budget annuel de l'Etat) rien que pour rétablir l'état du réseau d'il y a 25 ans...
Anna Riondet (www.lepetitjournal.com/varsovie.html) mardi 28 juin 2011
Pour en savoir plus :
pour tous ceux qui à la peste préfèrent le choléra : AUTOROUTES - Le parcours du combattant !







