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Les Entretiens de Varsovie 2019 expliqués par Monika Constant

Entretiens Varsovie Pologne 2019Entretiens Varsovie Pologne 2019
Écrit par Marion Dejean
Publié le 14 mai 2019, mis à jour le 1 juillet 2019

 « Être une femme dans le monde des affaires en 2019 » - qu’est-ce que ça signifie ? C’est le thème qu’a choisi d’aborder la Chambre de Commerce et d’Industrie France Pologne pour la 5ème édition des Entretiens de Varsovie qui se dérouleront au Château Royal de Varsovie le vendredi 24 Mai 2019. A l’occasion des préparatifs des Entretiens, nous nous sommes entretenus avec Monika Constant, la Directrice générale de la CCIFP.

 

Lepetitjournal.com/Varsovie : Comment sont nés les Entretiens de Varsovie ?

Monika Constant : La Chambre de Commerce joue un rôle de contact entre les entreprises françaises et les sociétés polonaises dans le domaine économique. Il nous manquait un moment entre les représentants politiques et commerciaux français et polonais pour se réunir, débattre, dialoguer. Ayant participé aux Entretiens de Royaumont, qui ont lieu chaque année à côté de Paris, nous nous sommes dit que c’était un format qui nous conviendrait tout à fait en Pologne. L’objectif est de parvenir à réunir un groupe de personnes aux horizons variés pouvant se retrouver autour de questions liées au business et à l’économie dans un lieu hors du commun. Et c’est le cas du Château royal qui donne à la fois la solennité nécessaire à l’évènement, le côté symbolique, mais surtout la sensation d’être dans un endroit vraiment à part.

 

Comment le thème de la femme dans le monde des affaires aujourd’hui s’est-il imposé pour cette édition ?

Divers sujets ont été abordés lors des éditions précédentes, comme l’avenir de l’Europe, être green, ou encore l’intelligence artificielle. Le thème au cœur des débats cette année sera celui de la femme. C’est un sujet qui n’est peut-être pas si politique que cela, peut-être pas si directement lié à l’économie mais qui nous semble être important et d’actualité, à la fois pour la France et pour la Pologne. Si ce sujet a été retenu cette année, c’est parce qu’il présente un caractère plus global et permet de faire intervenir des panelistes variés. Ce thème avait également été traité aux Entretiens de Royaumont l’année dernière et nous nous sommes rendu compte que c’est un sujet qui peut être traité sous différentes approches, et auquel nous pouvons justement donner un nouvel aspect. Il nous faut en quelque sorte continuer ce débat.

 

Quel est le programme des Entretiens 2019 ?

Les échanges seront axés autour de la place que la femme peut avoir dans le milieu des affaires, son évolution, et les différences subsistant entre les hommes et les femmes. Les panels seront relativement courts, c’est-à-dire avec 3, maximum 4 intervenants, afin de privilégier les échanges les plus vivants possibles mais aussi de permettre des interventions plus personnelles. Le point de départ sera l’état actuel de l’engagement des femmes dans des postes à haute responsabilité.

Nous voulons essayer d’exploiter cette question du manque de femmes aux postes de Présidente ou de Directrice générale, tout en observant qu’en même temps, de plus en plus de femmes accèdent à des comités de direction. Il y a parfois des postes qui ne sont pas aussi visibles, mais qui pour autant donnent ce qu’on appelle le « pouvoir invisible ». A-t-on a besoin de forcer les femmes à prendre plus de pouvoir ? A s’engager davantage dans leur vie professionnelle ? Ou au contraire leur rôle doit-il être différent de celui des hommes ?

L’entreprenariat sera mis à l’honneur dans un second temps. De nombreuses femmes se sont lancées dans leur propre business et nous avons envie d’en questionner une ou deux, pour qu’elles témoignent de leur parcours, leur succès, et comment elles y sont arrivées.

Et enfin, la troisième partie de cette édition portera sur le rôle que l’Etat, les collectivités locales et l’entreprise peuvent jouer dans cette « facilitation » d’accès au pouvoir pour les femmes : quels sont les moyens concrets qu’on peut mettre en place ? Ne serait-ce pas à l’Etat, avec le système de quotas par exemple, d’imposer certaines règles ? Dans quelle mesure les entreprises peuvent-elles, peut-être, aider les femmes et ont-elles un intérêt pour cela ? Il s’agit de voir comment à la fois l’Etat, les collectivités et les entreprises peuvent travailler pour s’entraider et surtout aider les femmes à être épanouies et à choisir le meilleur chemin de leur point de vue.

 

Qui seront les panelistes présents ?

Des intervenants français et polonais seront présents. Parmi eux, Alexandre Bompard, le PDG de Carrefour, une société très engagée pour la diversité et la place des femmes dans le commerce. Nous aurons aussi des représentantes d’entreprises comme Sanofi ou Veolia, ou encore Bouygues Immobilier. Les panelistes vont pouvoir témoigner de leur politique vis-à-vis de cette idée de diversité et expliquer s’ils ont mis en place des programmes qui peuvent faciliter l’ascension des femmes à des postes à responsabilités et faire un bilan des difficultés rencontrées et de leurs résultats.

Il nous semble que le business peut beaucoup évoluer mais il a parfois besoin d’une impulsion politique. Nous avons ainsi invité la ministre de l’entreprenariat. Etant une femme, elle incarne elle-même un exemple de diversité dans ce domaine-là, et j’espère qu’elle partagera avec nous ses impressions en tant que ministre et sur le plan professionnel et privé. Une représentante du ministère du Travail et de la Famille sera également présente. Il est important de connaître les initiatives et la vision du gouvernement. Afin d’avoir une perspective locale, nous avons invité le maire de Varsovie, ville qui a longtemps été présidée par une femme. En tant qu’homme, maire de la capitale, se sent-il préoccupé par cette question et souhaite-t-il mettre des choses en place ? Jean-Marie Cavada, Député européen, interviendra également.

D’autres personnes qui nous semblent apporter un regard un peu extérieur seront également invitées, comme notamment Emmanuelle Duez, fondatrice de The Boson Project. Luc Ferry reviendra cette année et apportera ses réflexions sur la diversité et sur l’évolution de la place de la femme dans l’épanouissement de sa vie professionnelle et privée, ce qui permettra d’avoir une approche un peu philosophique de cette question.

 

Est-ce que des différences fortes sur la question de la place des femmes dans le monde du travail entre la France et la Pologne vous ont frappée, à titre personnel ?

Je pense qu’il y a déjà tout le côté historique. A l’époque communiste, les femmes étaient très engagées dans leur vie professionnelle et beaucoup travaillaient car c’était un réel besoin. Homme ou femme, étant tous égaux, il fallait travailler. Cette relation avec le travail était à la fois une nécessité économique, mais aussi une mentalité commune en Pologne. Il n’était pas question que les femmes ne travaillent pas et restent à la maison. Donc je pense que le point de départ n’est pas tout à fait le même pour les deux pays. La transformation de la Pologne dans les années 90 a fait que beaucoup de femmes ont dû trouver leur propre voie. C’est aussi pour cela qu’on se consacre à la partie entreprenariat : il a été important pour les femmes de réussir et de pouvoir gagner leur vie.

Et pourtant, j’ai l’impression que la France est un pays qui a plus tendance à vouloir dire les choses ouvertement, et parfois à les imposer. C’est la France, qui a par exemple imposé des quotas dans des sociétés cotées en bourse. Alors qu’en Pologne une telle obligation n’existe pas.

Ce sont donc un peu des paradoxes qui se dessinent entre un pays qui a peut-être moins eu cette tradition de travail effectué par les femmes mais qui possède un cadre légal, et un pays qui a toujours vu les femmes travailler mais qui n’a peut-être pas su, justement, leur trouver le cadre légal nécessaire à temps. Ceci étant, il n’est jamais trop tard, et cela peut encore se développer.

 

Comment avez-vous vécu votre insertion professionnelle en Pologne ? En tant que femme dans le milieu des affaires, avez-vous par exemple rencontré des difficultés particulières, senti des différences de traitement par rapport aux hommes ?

Je pense que le milieu d’affaires français est un milieu dans lequel on voit beaucoup plus d’hommes que de femmes à des postes de direction. Et ça n’a pas toujours été évident de se retrouver dans un milieu qui était très masculin, en étant une femme… On a parfois du mal à faire sa place et on a besoin de temps pour se faire accepter… C’est dans ce sens-là, je pense, que l’insertion et l’ascension des femmes sont encore un peu lentes et compliquées, parce que, sans le vouloir, on a des codes qu’on répète. La difficulté, c’est peut-être d’être vue comme une femme, et pas assez comme une partenaire. Les deux parties doivent, je pense, faire un effort pour en quelque sorte oublier leur sexe dans le domaine du travail.

 

En quoi les femmes peuvent-elles apporter une plus-value, représenter un atout pour les entreprises ?

C’est par leur diversité justement ! Leur regard est un peu différent. Les femmes sont beaucoup plus aptes à écouter et à trouver une solution, une sorte de conciliation. Cela passe par la prise en compte des besoins d’autrui tout en dépendant bien évidemment des domaines, mais dans chaque secteur, on retrouve des hommes et des femmes. L’aspect humain est fondamental, et j’ai l’impression que les femmes l’ont plus instinctivement.

Je pense que quand il n’y a que des hommes, il peut y avoir un peu trop de testostérone, ce qui s’apaise quand il y a une femme. Mais l’inverse est aussi valable : quand il n’y a que des femmes, il peut y avoir un aspect « rivalité » trop dangereux. Quand l’équipe est mixte, les deux groupes s’apaisent et peuvent avoir des effets bénéfiques l’un pour l’autre. C’est pour cette raison qu’on parle de diversité, et non pas uniquement de « féminisation » des métiers – il ne s’agit pas de n’avoir que des femmes profs et des hommes ingénieurs, non, l’idée c’est vraiment de mixer.

photo LPJV
Publié le 14 mai 2019, mis à jour le 1 juillet 2019
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