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POLITIQUE – La guillotine à l’italienne

Écrit par Lepetitjournal Turin
Publié le 30 janvier 2014, mis à jour le 30 janvier 2014

 

Le recours à une mesure appelée "guillotine" de la part du Président de la Chambre des députés Laura Boldrini pour accélérer le vote d'un décret visé par l'obstruction systématique  provenant du Mouvement 5 Etoiles a été l'étincelle qui a mis le feu aux poudres. Bagarres, insultes, demande de mise en accusation du Président de la République, travaux parlementaires boycottés. Retour sur ces deux derniers jours houleux 

Comme son nom l'indique, le décret IMU-Bankitalia est composé de deux parties : d'un côté la mesure très populaire concernant la suppression de la deuxième tranche de la taxe foncière appelée IMU. De l'autre, la réévaluation du capital de la Banque d'Italie, resté aux valeurs de 1936. Certaines mesures de ce deuxième volet sont considérées comme une sorte de "cadeau" au système bancaire, sur le banc des accusés depuis le début de la crise à cause de sa réticence à financer familles et entreprises

Deux sujets très différents mais en quelque sorte liés, car l'argent encaissé par l'opération Bankitalia est destiné à couvrir le manque à gagner de la taxe foncière. 

L'orage était dans l'air. Au Parlement, ces derniers jours, la tension montait et devenait de plus en plus palpable. L'approbation urgente du décret nommé IMU-Bankitalia s'était heurtée à une obstruction systématique de la part de l'opposition, Mouvement 5 étoiles en tête, pour entraver les travaux de l'Assemblée. 

Pressé par le temps, car le 29 janvier était le dernier jour utile pour voter la suppression de la deuxième tranche de la taxe foncière nommée IMU, le Président de la Chambre des députés Laura Boldrini a donc pris une décision. Celle de recourir pour la première fois dans l'histoire de la République italienne à la guillotine (en italien ghigliottina, mais aussi tagliola), une mesure exceptionnelle qui donne la possibilité de passer directement au vote. Voilà l'étincelle qui  a transformé mercredi soir le Parlement italien en un véritable champ de bataille  : cris, pancartes, insultes, agressions physiques et verbales. Mais ce n'était que le début. 

Une bataille menée sur plusieurs fronts

La journée de jeudi a commencé dans un climat hostile, tendu, qui risque de perdurer dans les prochains jours. Bien décidés à faire entendre leur voix ("quand l'opposition est mise sous silence, c'est une dictature" a déclaré Giuseppe Brescia), les parlementaires du Mouvement 5 Etoiles ont par exemple empêché le déroulement normal des travaux de la Commission Justice ou de celle des Affaires Constitutionnelles en occupant les salles ou en bloquant les portes d'entrée. 

C'est une bataille qu'ils entendent manifestement mener sur plusieurs fronts : la demande de la mise en accusation (impeachment) du Président de la République italienne Giorgio Napolitano (photo Presidenza della Repubblica), maintes fois annoncée par Grillo sur son blog, a été officiellement déposée jeudi matin dans les deux Chambres. "Atteinte à la Constitution", c'est l'une des accusations qui figurent dans la dizaine de pages du document. Les témoignages de solidarité et de soutien en provenance des autres partis politiques ont été nombreux. Sollicité par la presse, le Président, à son deuxième mandat, a répondu laconiquement : "Que la demande suive son cours". Car il sait très bien ? et Grillo aussi - que la procédure est longue et complexe.

(photo Umberto Battaglia -  Aula di Montecitorio)

Quelle stratégie pour le M5S ?

L'hostilité du Movimento 5 Stelle envers Giorgio Napolitano n'est pas nouvelle. D'ailleurs, pas plus tard que mardi, le député Giorgio Sorial l'avait durement attaqué lors d'une conférence de presse, en provoquant l'indignation d'Enrico Letta ("nous sommes à un point de non retour"). Beppe Grillo n'a jamais fait mystère non plus de vouloir faire une opposition musclée. Pourtant, cette stratégie qui a replacé le M5S sous le feu des projecteurs semblerait indiquer la nécessité de remettre à l'ordre du jour ses arguments favoris afin de capter l'attention de son électorat. 

Matteo Renzi a été le moteur d'une forte accélération de la politique italienne : après des mois d'immobilisme, un accord parmi les principales forces en présence est à portée de main, la loi électorale vient de commencer son parcours parlementaire. Et le débat sur la réforme du Sénat suivra. Encore une fois, le M5S est à un carrefour politique. Persévérer sur la ligne "seuls contre tous" qui a si bien su utiliser l'aversion des Italiens vis-à-vis des partis traditionnels. Ou participer de l'intérieur aux réformes constitutionnelles actuellement en chantier en dialoguant avec les forces en présence. D'après les derniers événements, il semblerait avoir opté pour la première solution.

Luisa Gerini (www.lepetitjournal.com/Turin) vendredi 31 janvier 2014 

Publié le 30 janvier 2014, mis à jour le 30 janvier 2014

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