On la disait moribonde. On pensait qu'après les scandales financiers liés à la personne d'Umberto Bossi, chef historique et charismatique d'un parti aux velléités sécessionnistes, la Ligue du Nord ne pourrait jamais renaître de ses cendres. C'était compter sans lui, Matteo Salvini, secrétaire fédéral du parti depuis décembre 2013, qui a amorcé un virage à droite et qui caresse des ambitions nationales.
La Ligue du Nord se porte bien. La preuve, les toutes récentes élections régionales partielles qui, bien que fortement marquées par un taux d'abstentionnisme record, ont permis au candidat de ce parti d'obtenir 29,85 % des voix, un score inattendu dans l'un des bastions les plus solides du parti de l'actuel président du Conseil, le Parti démocrate. La guerre des deux Matteo, Matteo Renzi et Matteo Salvini, a commencé et ce dernier vient de marquer un point. Dernièrement, il est sur tous les fronts et son virage à droite, caractérisé par un discours anti-immigration, lui apporte de nombreux suffrages. Après le grand rassemblement organisé à Milan le 18 octobre 2014 contre l'immigration clandestine dont le slogan, "stop à l'invasion", se retrouvait sur les pancartes et les T-shirts des participants, Matteo Salvini a habilement su exploiter le malaise régnant au sein des banlieues des grandes villes italiennes. Immigration, dégradation, zones de non-droit, logements sociaux occupés de manière illicite, gestion opaque des camps Rom, autant de thèmes chers à la droite européenne qui expliquent en partie le rapprochement entre le Front national de Marine Le Pen et la Ligue du Nord de Matteo Salvini. Ils ne doivent cependant pas cacher la complexité d'un parti né en réalité en-dehors du traditionnel clivage gauche-droite, pour la "défense" d'un territoire et qui, au cours de son histoire, s'est allié aussi bien avec des gouvernements de centre-gauche que de centre-droite.
La campagne médiatique continue et Matteo Salvini se dit prêt à tout, ou presque, pour faire triompher ses idées. La couverture du magazine Oggi a effectivement fait du bruit en Italie...
Si le virage à droite concernant les thèmes liés à l'immigration et à l'insécurité mais aussi à la sortie de l'euro n'est ni tout à fait nouveau ni tout à fait surprenant, l'ambition nationale de la Ligue du Nord représente quant à elle un changement radical de politique. Les temps changent, Matteo Salvini aussi. Après avoir été conspué à Naples ("On ne veut pas de toi à Naples, Matteo") lors de la campagne électorale en vue des élections européennes de mai 2014 en raison de propos racistes visant particulièrement les Napolitains tenus dans le passé et fortement médiatisés, Matteo Salvini est revenu récemment sur les rapports entre la Ligue du Nord et les régions du sud de l'Italie. Ses propos ressemblent fortement à un mea culpa. "Ce qui m'a fait changer d'idée sur les gens du sud ? La réalité. Je connaissais sans doute trop peu le sud, j'ai fait et nous avons fait des erreurs". Car après tout les terroni, prononcer terún avec l'accent lombard ou piémontais, c'est-à-dire les culs-terreux, sobriquet méprisant donné aux habitants de l'Italie du Sud, sont aussi des électeurs. Dans un avenir très proche (peut-être même dès la semaine prochaine) Matteo Salvini entend présenter une nouvelle organisation nationale aux contours encore non précisés : la Ligue du Nord, qui a retrouvé un nouveau leader charismatique, continuerait donc à défendre les intérêts territoriaux de la "Padanie", une entité historique et géographique inventée par le parti pour désigner l'ensemble des régions de la plaine du Pô, tout en étant doublée par une "Ligue Nationale" qui entend s'adresser à tous ceux qui, en-dehors de ces régions, partagent les opinions de Matteo Salvini en matière d'économie et d'immigration. Pour Matteo Renzi, la menace politique sera proportionnelle au succès de l'opération.
Christine Correale (www.lepetitjournal.com/Turin) vendredi 5 décembre 2014
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