

Seule femme réalisatrice en concours au festival de Cannes, Valeria Bruni Tedeschi présente le film Un château en Italie : une histoire d'amour, la mort d'un frère, la vente d'une propriété familiale en Italie? On ne peut s'empêcher de rechercher, dans cette troisième ?uvre comme dans les précédentes, quelle est la part de fiction et quelle est celle de la vérité
Pour la troisième fois, Valeria Bruni Tedeschi passe de l'autre côté de la caméra. Après Il est plus facile pour un chameau... (2002), l'histoire d'une femme très riche qui se sent constamment coupable, entourée d'une famille qui a sans cesse des reproches à lui faire et Actrices (2007), un film tournant autour du personnage angoissé de Marcelline, hantée à la fois par le rôle de Nathalia Petrovna qu'elle doit jouer dans la pièce de Tourgueniev et par la conscience aiguë du temps qui passe et qui risque de ne pas lui permettre de mettre au monde l'enfant tant désiré, l'actrice franco-italienne présente à Cannes le film Un château en Italie. Comme dans chacun de ses films précédents, elle interprète également le personnage principal d'un récit où la fiction se mêle étroitement à la vie personnelle.
Autour du personnage de Louise, interprété par Valeria Bruni Tedeschi, gravitent deux mondes : celui de Nathan (Louis Garrel) et celui de sa famille, composée de sa mère (Marisa Borini) et de son frère (Filippo Timi). C'est l'histoire d'une fin et d'un commencement : la fin d'une riche famille d'industriels d'origine italienne qui vit en France, la fin d'un monde au moment où la propriété familiale située en Italie est mise en vente, la fin d'un homme puisque le frère de Louise, Ludovic, est atteint du Sida. Valeria Bruni Tedeschi l'avoue d'ailleurs : "Il y avait, depuis le début, l'envie de raconter l'histoire d'une famille, d'un frère malade, avec un château, un parc, des souvenirs, et la vente de ce château qui faisait écho avec la fin d'un monde." Le commencement s'incarne, quant à lui, dans ce nouvel amour qui porte en lui les promesses de la vie et donc de la continuité : le monde s'écroule autour d'elle, mais Louise réussit à ne pas "se laisser engloutir par la douleur, la solitude, la souffrance et la mort" en ayant un enfant qui est également "une preuve tangible de l'amour. Du fait qu'il est encore possible, comme à vingt ans (Louise a 43 ans, NDLR), de tomber amoureuse, d'aimer et d'être aimé."
La saga familiale des Bruni Tedeschi
Voilà une chronique familiale qui possède une bonne dose d'éléments autobiographiques. Difficile aujourd'hui, en France comme en Italie, d'ignorer l'histoire de la famille Bruni Tedeschi à laquelle appartiennent Valeria, qui a très tôt pris le chemin des planches et sa cadette Carla, mannequin, chanteuse et épouse de Nicolas Sarkozy. A l'instar de Louise, elles sont issues d'une grande famille industrielle italienne qui s'est installée en France dans les années Soixante-dix pour fuir les menaces des Brigades rouges. Il y a quelques années, le château de famille des Bruni Tedeschi situé à Castagneto Po, à quelques kilomètres de Turin, a été mis en vente, tout comme la propriété de famille de Louise. Il avait été acheté en 1952 par Alberto Bruni, le père de Valeria. Cette dernière, née en 1964, y a donc effectivement passé son enfance avant que sa famille ne s'installe en France en 1973. Si dans le film le personnage de Carla est absent (Louise n'a pas de s?ur), on y retrouve celui de leur frère Virgilio, mort du Sida en 2006, qui revit sous les traits de Ludovic. La réalisatrice a beau déclarer que "ce film n'est pas un nouvel épisode de ma vie au cinéma. C'est juste un film", on imagine la tension émotive qui a dû régner lors du tournage de certaines scènes, puisque Marisa Borini, la mère de Louise à l'écran, n'est autre que la véritable mère de Valeria et de Virgilio?
Christine Correale (www.lepetitjournal.com/Turin) mardi 14 mai 2013






