

Le film documentaire des frères Paolo et Vittorio Taviani Cesare deve morire, consacré à des détenus qui montent Jules César de Shakespeare dans une prison de haute sécurité de la banlieue de Rome, a remporté l'Ours d'Or de la 62e édition du Festival de Berlin
"Nous avons pris la liberté de maltraiter Shakespeare, nous l'avons démonté, déstructuré et reconstitué. Mais je pense qu'il aurait aimé voir son Jules César mis en scène dans une prison" confiait Paolo Taviani il y a quelques jours, à l'occasion de la conférence de presse de présentation de Cesare deve morire au Festival de Berlin. Tourné dans la prison de haute sécurité de Rebibbia, dans la banlieue de Rome, où un groupe de détenus montent Jules César de Shakespeare, ce docu-film vient de remporter l'Ours d'Or à la 62 Berlinale. Les acteurs sont des détenus pour des délits de mafia ou de camorra, des uomini d'onore -d'où le choix de la pièce-, certains d'entre eux sont en train de purger des peines à perpétuité, d'autres sont à peine sortis de prison. Confrontés à l'intensité bouleversante de la tragédie shakespearienne qui éveille des émotions fortes en abordant des thèmes comme l'amitié et la trahison, le meurtre et le prix du pouvoir, la vérité et la complexité de la vie, les acteurs/détenus découvrent la force thaumaturgique de l'art mais également tout ce qu'ils ont perdu : "Depuis que j'ai connu l'art, cette cellule est devenue une prison" dira l'un d'entre eux à la fin du film.
Un tournage en dialecte et en noir et blanc
C'est en assistant au travail de Fabio Cavalli, metteur en scène de théâtre qui travaille depuis des années dans les prisons, que les frères Taviani ont eu l'idée du film. Réciter l'Enfer de Dante dans leur propre enfer, porter sur scène La tempête ou Jules César de Shakespeare signifie puiser au plus profond des émotions de ces acteurs/détenus qui jouent en dialecte afin de redonner aux mots leur sens caché ; une manière d'intérioriser ces derniers en y mettant toute la douleur et la frustration de leur expérience personnelle. Le film documentaire se caractérise aussi par un choix bien précis concernant l'alternance de l'utilisation du noir et blanc et de la couleur. "Aujourd'hui, la couleur indique l'objectivité naturaliste. Pour évoquer la renaissance de l'âme de Brutus, nous voulions créer au contraire quelque chose de différent, d'irréaliste. C'est pour cela que nous avons opté pour le noir et blanc, avant de retourner à la couleur pour la représentation théâtrale". Cet Ours d'Or attribué à César doit mourir vient s'ajouter au palmarès des frères Taviani (âgés de 80 et de 82 ans) qui ont déjà été reçu la Palme d'or pour Padre Padrone en 1976 et le Grand Prix du Jury pour La Nuit de San Lorenzo en 1982.
Luisa Gerini (www.lepetitjournal.com/Turin) lundi 20 février 2012






