Édition internationale

14-18 – Les écrivains italiens de la Grande Guerre

Écrit par Lepetitjournal Turin
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 2 juillet 2014

Le 28 juin 1914, l'assassinat du grand-duc Ferdinand à Sarajevo déclenchait une guerre meurtrière qui allait à jamais changer le visage de l'Europe. Le 23 mai 1915, l'Italie entre en guerre. Pour apporter sa pierre aux commémorations de la Première Guerre mondiale, lepetitjournal de Turin vous invite à relire deux auteurs italiens très différents, Emilio Lussu et Mario Rigoni Stern, unis par un lieu géographique théâtre du conflit : le plateau d'Asiago situé dans la province de Vicence.

Un épisode du film Les Hommes contre, de Francesco Rosi (capture d'écran)

En littérature, la Première Guerre mondiale en Italie est liée à un nom, celui d'un jeune officier sarde né en 1890. Interventionniste résolu, car pour lui la guerre est juste, Emilio Lussu s'engage dans l'armée royale italienne après l'entrée en guerre de l'Italie, le 23 mai 1915, aux côtés des forces de la Triple-Entente (France, Russie et Royaume-Uni). Il appartient alors à la Brigade Sassari qui est envoyée en 1916 sur le plateau d'Asiago. Ce dernier, situé dans la province de Vicence, est un lieu hautement symbolique de la Grande Guerre, théâtre d'importantes offensives militaires de l'armée austro-hongroise, notamment la Strafexpedition (l'expédition punitive) lancée en 1916 par le général von Hoetzendorff. Avec le front de l'Isonzo et les vallées du Trentin, le plateau d'Asiago représente donc un lieu hautement stratégique où s'affrontent Italiens et Autrichiens. C'est là qu'Emilio Lussu découvre l'absurdité de la guerre.

Sang, fureur, folie, révolte
En 1938, en exil (c'est un antifasciste de la première heure), Emilio Lussu publie à Paris le livre Un anno sull'Altipiano (Un an sur le plateau) qui sera tardivement traduit en français et publié sous le titre Les Hommes contre, un titre qui s'inspire du film réalisé par Francesco Rosi en 1970 d'après l'ouvrage d'Emilio Lussu. Il contient les souvenirs de l'officier italien au cours d'une seule année, de juin 1916 à juin 1917. Véritable récit de guerre présenté de manière légèrement décousue, cet ouvrage est un hymne contre l'absurdité et les horreurs de la guerre, révélateur de l'incompétence du commandement et de la vie réelle que mènent les soldats au front, très loin de la vision idéalisée du conflit que l'on peut retrouver dans l'?uvre de Gabriele D'Annunzio. Le sang, la fureur, la folie, la révolte, tous ces thèmes se croisent et s'entrecroisent dans un récit sec, précis, épuré, qui montre le mur de haine qui se dresse entre la troupe et le commandement.

Mario Rigoni Stern ou la poésie du terroir
Si avec son Journal de guerre et de captivité Carlo Emilio Gadda (1893-1973) est le deuxième auteur considéré comme incontournable pour l'étude de la Grande Guerre en Italie, c'est d'un autre écrivain que nous souhaitons parler aujourd'hui. Plus jeune qu'Emilio Lussu, Mario Rigoni Stern (il est né en 1921) est originaire du plateau d'Asiago. Pour lui, le livre Les Hommes contre est le plus beau récit écrit sur la Première Guerre mondiale en Italie. Même si son nom reste lié à la description de l'entre-deux-guerres (en particulier grâce au livre Les Saisons de Giacomo) ou à celle des soldats italiens en Russie pendant la Seconde Guerre mondiale (Le Sergent dans la neige est son ?uvre la plus connue), il a également écrit un petit ouvrage empreint de bon sens, de poésie et d'amour pour sa terre et ses origines si particulières (Mario Rigoni Stern appartient en effet au peuple des Cimbres, une population d'origine germanique qui s'est installée dans le nord-est de l'Italie et qui reste aujourd'hui encore très attachée à sa langue et à ses traditions) : Histoire de Tönle raconte la vie de Tönle Bintarn, paysan et pasteur du plateau d'Asiago, un peu contrebandier à ses heures perdues, qui franchit les frontières comme si elles n'existaient pas, se jouant des caprices de l'histoire. A travers le personnage imaginaire de Tönle, qui rencontre d'ailleurs Emilio Lussu lors de son retour au pays, Mario Rigoni Stern donne un très beau témoignage de l'absurdité des conflits entre les hommes. Même si, en bon observateur de la nature humaine, Lussu est le premier à rappeler qu'il existe "toujours ce brin de méchanceté qui se glisse au c?ur des hommes les plus doux".
Christine Correale (www.lepetitjournal.com/Turin) jeudi 10 juillet 2014

Publié le 9 juillet 2014, mis à jour le 2 juillet 2014
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