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ERASMUS EN SUÈDE – Je vais bien ne t’en fais pas

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Publié le 13 décembre 2015, mis à jour le 20 novembre 2018

 

J'ai 21 ans, j'étudie la science politique, et vous écris frigorifiée d'un café où le thé brûlant ne parvient pas à me réchauffer. Il est 14h30, il fait déjà presque nuit, et j'ai l'impression qu'il est l'heure d'aller se coucher. Ah oui, j'ai oublié de préciser : je suis actuellement en Suède, à Göteborg, où j'effectue deux semestres en Erasmus. Pour le meilleur et pour le pire. Récit d'un an en immersion.

 

Épisode 1 : Clichés et différences culturelles

Je me souviens encore du jour où je suis arrivée en Suède. Par le hublot de l'avion, j'observais d'immenses forêts vertes, plantées sur de petits îlots caillouteux qui parsemaient la mer d'un bleu intense. J'avais l'impression d'être candidate à Koh Lanta et d'arriver sur une île déserte à la nature sauvage. Je suis vite redescendue sur Terre (dans tous les sens du terme), et j'ai été accueillie par un groupe d'étudiants suédois ? ainsi que par une grosse averse. J'apprendrai bien vite qu'à Göteborg, la deuxième ville du pays, située sur la côte Ouest, la pluie deviendrait bientôt ma meilleure amie.

Bien sûr, ce qui m'a frappée le plus en arrivant en Suède, c'est le physique des passants. Moi qui suis haute comme trois pommes, je me suis retrouvée happée par des hordes de grandes créatures blondes et minces, qui semblaient tout droit sorties d'un magazine de mode. Leur look très travaillé, leurs cheveux savamment coiffés et leurs corps sculptés par des heures passées dans les clubs de fitness m'ont tout de suite donné l'impression de confirmer les fantasmes habituels qu'on se fait des Scandinaves. Plus tard, j'ai relativisé : non, ils ne sont pas TOUS blonds, surtout que la Suède accueille énormément d'immigrés. En me baladant quelques semaines plus tard dans la banlieue de Göteborg, je découvrais un univers totalement différent, bien loin du centre urbain chic et branché : des personnes métissées, des femmes voilées, et de multiples accents mêlés.

Il faut se le dire : un Français arrivant en Suède n'est pas à proprement parler dépaysé. Néanmoins, quelques différences culturelles sautent aux yeux. D'abord, les villes sont incroyablement propres. Une impression de netteté et d'ordre émerge de la Suède. Ensuite, les villes sont extrêmement sûres. Le harcèlement de rue est quasiment inexistant, les Suédoises mettent des jupes et shorts courts en été sans craindre de se faire aborder, et les voitures vous laissent la plupart du temps calmement traverser sur les passages piétons. Dans un des pays champion en matière d'égalité entre les sexes, il est aussi très amusant de croiser les nombreux papa-poules qui poussent leurs chérubins dans des poussettes hyper modernes.

Autre différence notable, les Suédois fument très peu, et préfèrent à la cigarette le snus ? une sorte de pâte à tabac qu'ils laissent infuser des heures durant sous leurs lèvres. Ce n'est ni sexy ni meilleur pour la santé, mais au moins ça évite le tabagisme passif. Les Suédois ont également un rapport au corps très différent du nôtre. J'en ai fait la tragique ? et comique ? expérience en me rendant à la piscine municipale pour ma séance de natation hebdomadaire : quelle n'a pas été ma surprise en découvrant qu'il n'y avait pas de vestiaires ! Ici, tout le monde se change dans une grande pièce ? non mixte ? face à son casier, pianote sur son smartphone les fesses à l'air et s'en va toujours nu comme un ver pour prendre sa douche. Heureusement, un panneau précise que le maillot est obligatoire dans le grand bain?

Une des grandes différences entre les Français et les Suédois est aussi le rapport que ces derniers entretiennent avec la nature. D'abord, les Suédois sont les champions du recyclage. Un tri des déchets très élaboré est effectué quasiment partout. Trognon de pomme, bouteille en verre ou bout de carton : chacun a sa place dans les poubelles, et gare à celui qui ne joue pas le jeu. La nature, quant à elle, est présente partout dans les villes, grâce à de grands parcs qui font aussi souvent office de réserves pour les animaux sauvages. De plus, les Suédois s'évadent dans la forêt ou sur la côte dès qu'ils le peuvent. Il existe en Suède une sorte de coutume ancestrale, l'allemansrätt, qui signifie « le droit de chacun » de disposer de la nature. Selon cette tradition, tout le monde peut planter sa tente n'importe où, faire des feux de camps, ramasser des baies ou puiser l'eau des rivières librement, sans l'autorisation du propriétaire tout en restant à une certaine distance de son logement. En somme, la Suède est le paradis des étudiants Erasmus baroudeurs.

Pour finir ce tableau non exhaustif, il me faut bien entendu parler des Suédois eux-mêmes. Ils sont, à première vue, posés et réservés. Jamais un mot plus haut que l'autre, telle semble être leur devise, et il est rare de voir des gens se disputer dans la rue. Les Suédois ont même un mot spécial pour désigner leur modération à toute épreuve : lagom, qui signifie « la juste quantité voulue ». Il faut savoir faire des compromis, rester dans la norme et oublier l'extravagance ? ce qui n'empêche pas la créativité, comme en témoignent les nombreuses filles aux cheveux colorés d'un bleu ou d'un rose pétant. Ce lagom est souvent l'objet de taquineries de la part des étrangers, qui reprochent aux Suédois de ne pas affronter les conflits, et surtout de ne jamais parvenir à trancher. Puisque tout le monde doit être d'accord avant de décider, les discussions s'attardent et les débats n'en finissent plus, sans issue.

Les Suédois, c'est sûr, n'ont pas le sang chaud des peuples méditerranéens. La légende raconte que le climat rude de la Suède a contribué à forger un peuple calme, respectueux, réservé, voire froid et distant. Il faut bien l'avouer, beaucoup d'étudiants Erasmus ont été déçus des difficultés à rencontrer et se lier d'amitié avec les Suédois. Bien que polis et sympathiques, rares sont ceux qui vous proposeront d'aller boire un verre après les cours. La rumeur dit qu'il faut du temps pour apprendre à connaître un Suédois ? et justement, un Erasmus n'est là que pour un temps limité. Il faut donc faire des efforts pour aller vers eux, s'investir dans des clubs de sport ou des associations, et surtout?  faire la fête. Car le Suédois aime boire et s'amuser, et sa timidité apparente s'efface quand la nuit tombe, mais ça, c'est une autre histoire?

Découvrez le second épisode ici et le troisième épisode .

Marie-Jeanne DELEPAUL (texte et photos) lepetitjournal.com/stockholm Lundi 14 décembre 2015

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