Lepetitjournal.com/singapour vous propose à partir de cette semaine un rendez-vous hebdomadaire, chaque vendredi, avec un feuilleton dont les expats à Singapour sont les héros. Pure fiction, toute analogie avec des personnes ou des situations ayant réllement existé étant évidemment fortuite, ce récit a vocation à vous divertir en puisant dans le quotidien de la vie à Singapour le départ d’aventures et de drames, d’histoires d’amour et de trahison, … Participez à son écriture en publiant sur Facebook vos réactions, vos idées et suggestions sur la suite des évènements et le devenir des personnages clés.
Episode 1 – Partir
La fraicheur du vin rosé les avait un peu grisés. Solène sentait la main de Vincent sur sa hanche, son souffle par dessus son épaule. La nuit était calme. Ils croisaient d’autres couples, des musiciens assis par terre, des groupes d’étudiants qui riaient fort et s’interpellaient joyeusement. Sous le regard bienveillant du pont neuf, des bateaux glissaient en silence sur une eau noire scintillante. Solène entendait palpiter la vie des choses. Elle était amoureuse.
Arrivés place Dauphine, ils s’étaient assis un moment, serrés l’un contre l’autre. Elle éprouvait, contre le sien, le corps chaud et vigoureux de Vincent. Lui la serrait fort. Il était un peu ivre, heureux et fier. Sa vie s’étalait comme une promesse dont le cœur était là blotti entre ses bras. L’infini des possibles était ouvert, celui d’aimer cette femme, comme celui de partir.
Il allait partir. C’était la nouvelle du jour. On lui proposait un job, en VIE, à New York ou à Singapour. Il avait immédiatement dit oui. Depuis il était sur un nuage. New York, Singapour … Dans les deux cas c’était la promesse d’une existence exaltante. Il connaissait déjà New York. Il penchait naturellement pour l’Asie. Il n’en revenait pas. Lui, qui avait grandi au Havre, et qui, toute son enfance, avait rêvé de partir. Combien de fois, arpentant les quais du port au moment du chargement des bateaux, avait-il imaginé ces voyageurs d’autrefois, le parfum des épices, la beauté envoutante des femmes orientales. C’était désormais à portée de main. Il allait partir. Et tandis qu’il étreignait Solène son esprit vagabondait en orient.
Ils avaient repris leur promenade. En arrivant au pont des Arts, il avait bondi en haut de l’escalier. Il lui avait saisi les mains et l’avait hissée sur la passerelle comme s’il s’était agi d’un navire amarré aux berges de Paris. Une brise traversait tendrement le pont de bois, faisant chanter les drisses et murmurer les cadenas accrochés là par d’autres couples. La jupe de Solène dansait en s’enroulant autour de ses jambes légères. Il l’attira contre lui et chavirèrent ensemble entre le Louvre et le quai de Conti.
Solène riait, la tête rejetée en arrière, les cheveux en liberté caressés par le vent. La nuit était magnifique. Il était beau, charmeur. Elle se sentait vivante. Elle n’osait croire à son bonheur de se trouver ainsi, avec Vincent, déambulant tranquillement, tous les deux enlacés, un doux soir d’été, dans les rues de Paris.
Mais il lui avait dit... Que lui avait-il dit au juste ? Qu’il allait partir ? Elle n’avait pas bien compris. Qui avait-il vu ? Que lui avait-on dit ? Son esprit était resté figé, comme tétanisé, sur ce seul mot : partir. L’avait-il réellement prononcé ? Avait-elle bien entendu ? Un frisson lui avait parcouru l’échine, au point qu’instinctivement elle s’était fermée en croisant les bras contre sa poitrine. Elle hésitait. « Tu vas t’en aller ? » avait-elle demandé à Vincent, incrédule. « Oui », avait-il répondu simplement.
Il était si loin d’elle. Elle se sentait si désespérément exclue de ce qui l’animait. Ce seul mot - partir - l’avait tout à fait dégrisée. « Tout est dit », songea-t-elle, fataliste. « La belle histoire est donc finie ? »
…