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TEMOIGNAGES - A Shanghai, la vie est belle mais...

Écrit par Le Petit Journal Shanghai
Publié le 22 juin 2016, mis à jour le 4 janvier 2024

Par Anne Deslandes

Suite à notre appel à témoignage sur le thème "j'adore/je n'aime pas vivre en Chine", Marine, Pascale et Laurent ont bien voulu partager leur perception de la Chine, ou tout du moins de Shanghai. Expatriés dans cette ville avec leur conjoint et de jeunes enfants, ils ont posé leurs valises ici pour quelques temps. Arrivés depuis 10 mois, Pascale et Laurent* ont des expériences et des points de vue très différents. Laurent est venu pour son travail, et connaissait l'Asie pour y avoir effectué plusieurs déplacements professionnels. Pascale a accompagné son conjoint et a dû quitter son travail sans pouvoir l'exercer ici. Marine, quant à elle, était en congé parental lorsqu'elle est arrivée il y a 3 ans, et a mis de côté provisoirement sa vie professionnelle.

A Shanghai, la vie est belle mais?

Parmi les aspects positifs de la vie à Shanghai, on retrouve le trio « travail, culture, sécurité ». 

Le quartier de Lujiazui à Shanghai (photo : Anne Deslandes)

En effet, l'intérêt professionnel de celui/celle par qui l'aventure commence est indéniable et peut faire contrepoids aux efforts parfois consentis par le reste de la famille. Cette opportunité de travailler dans un pays en plein essor économique est perçue comme une chance, une expérience marquante et qui facilite l'adaptation. "Quand on travaille, c'est facile." remarque Laurent. Mais en Chine, l'obtention d'un visa de travail est nécessaire pour exercer une activité. De ce fait, travailler lorsque l'on est accompagnant est soit très compliqué, soit impossible. Pascale exprime sa déception par rapport à cet aspect qui la prive de ce travail qu'elle aime et qui participe à son équilibre. "Avoir son travail, via le visa, permet d'avoir son cercle, d'avoir sa vie et bien sûr un salaire" nous livre-t-elle. De plus, ce deuxième salaire a toute son importance dans une ville où la vie est chère, notamment les loyers. Certes, elle a pu approcher certaines activités professionnelles mais déplore le regard porté sur le travail "il y a des gens très bons, mais il n'y a pas d'exigence forte. Parfois on ressent l'idée que c'est suffisant, que cela ira bien comme ça et que cela autorise une faible rémunération." On sent que cette conception lui pèse même si elle lui reconnait un vrai atout "en même temps, cela permet de tenter des choses, tout le monde a sa chance !".

Parallèlement, la découverte d'une autre culture, l'apprentissage d'une, voire de deux autres langues (l'anglais s'ajoutant au chinois) est un enrichissement indiscutable pour toute la famille. Les enfants, véritables éponges, s'imprègnent de ces images, sons et expériences avec souvent beaucoup d'aisance. Leur plasticité leur permet d'être rapidement à l'aise dans ce nouvel environnement et leur apporte une ouverture sur le monde que seule l'expérience directe rend possible. Pour Marine, c'est capital : "quand les enfants sont bien, on suit !". C'est aussi ce qu'exprime Laurent "Nous sommes ravis d'être là car on a tous les indicateurs au vert : vie professionnelle, relations humaines et bien sûr vie familiale". Pour tous, un autre atout de la vie en Chine concerne les voyages, qu'ils aient lieu en Chine même ou en d'autres parties de l'Asie.

"Nous avons vu des endroits incroyables, des lieux et des gens fabuleux. Faire une randonnée dans les rizières ou dormir dans le désert de Gobi sont de superbes souvenirs." souligne Marine. Les séjours en Asie du sud-est sont des occasions de se ressourcer, tandis que la découverte de la Chine permet une plongée dans des régions ou villes mythiques : Beijing bien sûr, mais aussi Xian, Guilin, le Yunnan, le Sichuan, qui donnent l'impression d'ouvrir un livre d'histoire et de photos.

Scène de pêche à Yangshuo (photo Anne Deslandes)

Un autre aspect majeur lorsque l'on évoque la Chine est ce sentiment de sécurité palpable qui permet d'explorer, se promener voire se perdre sans jamais se sentir mal à l'aise ou en danger. Les gens sont bienveillants, accueillants, souriants, toujours prêts à aider, expliquer. L'accueil fait aux enfants est hors du commun, les gens leur cèdent la place dans le métro, leur disent des gentillesses et sont avenants avec eux.

? la vie quotidienne n'est pas toujours la dolce vita

La pollution est un sujet sensible qui peut affecter, comme c'est le cas de Marine, l'envie de rester longtemps en Chine. Pourtant, comme le note Pascale, "la Chine fait de gros progrès sur le plan énergétique" et on attend des retombées positives sur le plan environnemental. Un autre gros point noir concerne l'accès à Internet, qui reste aléatoire et restreint. Consulter les sites étrangers n'est pas l'affaire d'un simple clic ! Communiquer et accéder à l'information est souvent une épreuve de patience.
Ainsi, sous des abords de facilité, la vie quotidienne en Chine a son lot de difficultés. Elles sont d'autant plus pénibles qu'elles sont récurrentes, comme le transport, la communication, se ravitailler. Même si cela ressemble à des lieux communs, vivre avec ces contraintes nécessite de l'énergie et du temps ! 

Shanghai possède un réseau de métro(1) très bien développé et de grande qualité qui permet des déplacements aisés. Cependant, pour les habitants des quartiers excentrés qui sont loin d'une station de métro, le transport peut poser un réel problème, surtout avec des enfants en bas âge, au point de réduire la motivation de se déplacer. Les jours de pluie (plus fréquents qu'il n'y paraît), l'attente d'un taxi peut prendre 45 minutes, autant dire que cela complique tous les déplacements, professionnels ou personnels. Les ceintures de sécurité inaccessibles à l'arrière des taxis, car cachées sous les housses ou les banquettes, et l'absence de siège auto ont parfois raison des déplacements en famille. "Les enfants qui n'étaient pas attachés, le fait de prendre mon bébé contre moi, dans un porte bébé, me perturbait beaucoup" se souvient Marine qui concède que cela diminuait beaucoup sa motivation à se déplacer. Parfois, on met de côté la sécurité routière parce qu'on n'a pas le choix mais on se cantonne aux déplacements impératifs.

Pour la majorité des Français qui résident en Chine, c'est le travail qui les a amenés ici et leur connaissance du mandarin à l'arrivée est très souvent proche de zéro(2). De ce fait, les difficultés de communication sont différemment perçues selon le cercle dans lequel on évolue. Dans un contexte de travail, l'anglais est la langue de référence et la communication est aisée. Si, comme c'est le cas de Laurent, le cercle amical est largement constitué d'anglophones et que l'on maîtrise cette langue, on se construit très vite un réseau. Pourtant, comme le rappelle Pascale, sorti des situations professionnelles et touristiques, il est nécessaire de pouvoir s'exprimer a minima en chinois, « en mode survie » comme on s'amuse à le dire. Pour débuter, l'apprentissage du chinois est souvent basé sur l'oral (avec transcription en pinyin) pour un résultat rapide. Mais comme le note Marine, ce "sentiment de ne pas savoir lire" réduit considérablement ce que l'on peut faire et comprendre et conduit à évoluer dans un univers restreint. 

Cet écueil linguistique affecte la facilité à se ravitailler : "Même si je sais demander ce que c'est, mon niveau linguistique ne me permet pas de comprendre ce que c'est ni l'usage qu'on en fait. C'est donc assez complexe de faire ses courses en Chine" précise Pascale. Elle souligne cette difficulté à consommer local et le fait de se tourner vers des magasins (en ligne ou non) plus adaptés aux étrangers mais aux prix bien plus élevés, qui ont un fort impact sur le budget. Cela demande une nouvelle organisation car il faut aller à plusieurs endroits (ou plusieurs sites) lorsqu'en France on peut tout acheter en un seul lieu. Heureusement, il y a TaoBao ! Ce site d'achat en ligne qui regroupe une kyrielle de vendeurs, s'adresse aux plus aguerris des étrangers ou à ceux qui utilisent un traducteur en ligne. D'une facilité (toute relative) addictive, ses adeptes ne passent pas une semaine sans l'utiliser, comme c'est le cas de Marine qui le plébiscite "heureusement qu'il y a TaoBao. C'est vraiment hyper pratique, super efficace. Cela permet de faire beaucoup de choses depuis chez moi. On trouve tout ! ".

Grandes tours de Shanghai. (photo : Anne Deslandes)

En Chine, il y a ce petit côté magique où "on peut tout faire sur mesure : des meubles, des vêtements, un ordinateur... Tout est possible !" se réjouit Marine qui apprécie les marchés gigantesques qui sont notoires à Shanghai, comme les marchés aux tissus par exemple. Mais Pascale relève cette ambivalence où l'on sait que tout (ou presque) est possible en Chine, mais où l'on ne sait pas comment procéder : "la Chine possède de nombreuses choses pratiques pour les Chinois ; pour les étrangers, c'est très compliqué, on a besoin de se faire aider." Elle mentionne son embarras lorsqu'elle a dû payer ses premières factures, ne sachant où aller pour les acquitter, ou encore pour acheter un billet de train. 

L'aide apportée par les collègues chinois est alors très appréciée et, de l'avis de tous, est indispensable au début pour connaître les différents réseaux, avoir des conseils, démarrer cette nouvelle vie. "Mes collègues sont toujours arrangeants et d'accord pour m'aider" souligne Laurent avec gratitude. Marine apprécie également cette aide qui lui fait gagner un temps précieux. 
De même, l'entraide communautaire est très forte, et l'outil WeChat facilite les échanges, les astuces, les partages d'information avec une réactivité impressionnante pour certains groupes. Comme le note Laurent "WeChat, c'est plus puissant qu'un support figé. Ici, le média c'est l'utilisateur."

De leur expérience à Shanghai, nos trois compatriotes n'expriment pas spontanément les mêmes choses. Laurent souligne cette "ébullition permanente" à Shanghai et il apprécie "ces grandes villes où tout va très vite, tout est possible tout le temps." Se sentant dans son élément, il s'est très vite adapté. Marine concède qu'il y a des hauts et des bas, "des moments de grande frustration au quotidien" qui côtoient un enrichissement personnel comme l'apprentissage du chinois par exemple ou "les voyages que l'on a pu faire en famille, tous ensemble" et sont une grande chance. Pascale a une nouvelle perception de la Chine qu'elle comprend mieux mais elle regrette la place importante accordée à l'argent et la réussite. Sur un plan personnel, elle a acquis cette conviction : "je peux m'en sortir, dans n'importe quelle situation."

Un grand merci à Marine, Pascale et Laurent d'avoir accepté de partager leur point de vue et leur expérience de vie dans cette mégapole asiatique !

* Certains prénoms ont été changés.

(1) Le réseau du métro à Shanghai compte 14 lignes et ce n'est pas trop pour couvrir les 6200 km2 de la ville.
(2) voir notre précédent article "RESOLUTION 2.0 - En 2016, je parle chinois

Anne Deslandes lepetitjournal.com/shanghai Jeudi 23 juin 2016

Le Petit Journal Shanghai
Publié le 22 juin 2016, mis à jour le 4 janvier 2024

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