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FRANCAIS DE SHANGHAI - Thierry Robin, la BD et la Chine pour passions !

Écrit par Le Petit Journal Shanghai
Publié le 5 décembre 2016, mis à jour le 2 avril 2017

Par Delphine Gourgues

Shanghai la Belle est décidément inépuisable de talents et d'inspiration ! Nous savions qu'il y avait un certain nombre de Français écrivains à Shanghai (relire notre article Plume de septembre 2016), mais à présent, nous avons aussi parmi nous Thierry Robin, créateur, scénariste et illustrateur de BD ! Passionné de Chine depuis très longtemps, il est l'auteur de la série Rouge de Chine, mais aussi de multiples autres albums, aussi différents les uns des autres. S'il est des nôtres depuis quelques mois, cela n'est pas uniquement par passion pour ce pays, mais c'est aussi parce qu'il travaille sur un projet un peu spécial pour un site inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO ! Voyage de bulles en bulles, de Reims à Shanghai?


Tombé dans la marmite? de Spirou

Thierry Robin confie d'emblée : "Je suis fan de BD depuis toujours, c'est mon choix de vie ! On m'a offert deux recueils du Journal de Spirou quand j'avais neuf ou dix ans, ça a mis le feu aux poudres !". Né à la fin des années 50 en Champagne, il intègre à 16 ans l'École des Beaux-Arts de Reims. Là il y apprend le métier, ou plutôt les métiers, à l'ancienne, avec option dessins animés et BD. Diplôme en main, il part sur Paris et travaille pour différents magazines (Mickey, Disney Parade?), plaçant des histoires courtes, parfois historiques comme dans Spirou, faisant de la publicité aussi, souvent des jobs alimentaires mais toujours plaisants et très formateurs.

Le plaisir de raconter des histoires?en noir et blanc

Ce qu'il aime dans son métier, c'est d'être devant sa page blanche, seul maître à bord, construire un scénario, combiner une histoire, les dialogues, la mise en page? Il commence d'abord par se documenter très longuement sur ses sujets, un vrai travail d'historien. "C'est un véritable jeu, on éprouve une grande excitation devant le champ des possibles ! Mais ensuite la phase du dessin m'est un peu pesante, tout est écrit, il n'y a plus de surprises. C'est comme ces metteurs en scène pour qui, aller sur le plateau, est une corvée !". Quand on lui demande de définir son style, Thierry Robin parle de semi-réalisme, il aime avoir une grande liberté avec l'anatomie des êtres, des perspectives. "Je ne suis ni humoriste comme les Belges, ni réaliste comme Blueberry" affirme-t-il. Et ce qu'il préfère, ce sont les pages en noir et blanc, il ne regarde que du cinéma en noir et blanc d'ailleurs ! Pour ses BD, ce sont les coloristes qui font la suite, mais sous son étroit contrôle malgré tout. Quant à ses sources d'inspiration, elles sont très variables. "Quand un sujet vient vous cueillir, c'est un phénomène mystérieux?". Les rencontres, les lectures, telle conférence ou tel film, tout peut être un point de départ.

Quelques-uns de ses titres :

- Crève le Malin, 1990, sélection Angoulême. C'est l'album qui lui a ouvert les portes des éditeurs.

- Rouge de Chine, 1991-98, 4 volumes. De style heroic fantasy, son style favori et emprunt de poésie, c'est sa série la plus personnelle et impliquante.

- Koblenz, 1999-2005, 4 volumes. Une série fantastique inspirée de l'art nouveau du début XXème siècle et du cinéma muet.

- La Mort de Staline, 2010-14, 2 volumes. Unique en son genre, cette BD raconte les trois derniers jours de Joseph Staline, une comédie noire et effrayante ! Une fois n'est pas coutume, il a travaillé sur cette BD historique en tant qu'illustrateur, en binôme avec le scénariste Fabien Nury. Prix Historia 2011, "très flatteur mais malheureusement, ces prix ne boostent pas les ventes !"

- Mort au Tsar !, 2014-15, 2 volumes. Un bond de 50 ans en arrière, avec les deux points de vue différents, les terroristes et l'aristocratie? Toujours en collaboration avec Fabien Nury.

Ses albums préférés ? "Aucun ! Quand ils sont terminés, ils ne m'intéressent plus ! Je suis déjà sur le suivant? Et une fois fini, un album ne m'appartient plus, chaque lecteur a sa propre interprétation !".

 

La Chine, du rêve d'enfant à Rouge de Chine

C'est le film Le cerf volant du bout du monde (1958), vu à l'école quand il avait dix ans, qui lui a donné envie d'aller en Chine. Ce film poétique parle d'un cerf-volant, parti de Chine, arrivé sur la Butte Montmartre à Paris, et dont des enfants tentent de retrouver le propriétaire. Thierry Robin fait son premier voyage dans l'Empire du Milieu en 1987, durant cinq semaines : Hong-Kong, Guilin, Chengdu, Hangzhou, Shanghai, Pékin, avec un retour mythique en transsibérien ! Forcément, cela lui donne envie d'y retourner ! Ce qu'il fait en 1989 puis 1993. Avec un tour par le Tibet, un peu "rock'n'roll" pour passer les différents points de contrôle? "J'ai même expérimenté la scène de Tintin au Tibet où le capitaine Haddock doit contourner le stupa (ou chorten, lieu sacré où sont conservées les cendres des grands lamas) par la gauche et non par la droite ! Preuve qu'Hergé s'était mieux documenté qu'on ne le dit?".

C'est à cette période que Thierry entame sa série Rouge de Chine. Il a dès le départ presque tout le scénario en tête, il veut créer une histoire sur la Chine, moins caricaturale que ce que l'on pouvait voir à l'époque. Rouge de Chine est une romance (ce qui est assez original en BD), avec un personnage principal européen, qui circule dans une Chine qu'il ne comprend pas très bien, et qui tombe amoureux d'une Chinoise. Nous sommes en pleine Guerre de l'Opium, au milieu du XIXème siècle. "Le côté historique donne une assise que j'aime en BD", confie Thierry. Les deux points de vue sont abordés, le côté européen qui est présent pour le business à tout prix, et le côté chinois qui cherche à retrouver sa souveraineté. Bien sûr, ces BD sont truffées de souvenirs personnels, ce qui les rend encore plus riches, mais sans tomber dans le reportage documentaire ! Rouge de Chine, "un subtil voyage au centre d'une Chine réinventée et inquiétante, une exploration minutieuse et désabusée de l'âme humaine" (éditions Delcourt).

Une parenthèse pour les enfants 

S'il préfère créer des BD pour ados et adultes, Thierry Robin s'est illustré à plusieurs reprises pour les enfants, et ceci de façon parfois originale. Notamment pour la Poste, dans les années 90, pour laquelle il a créé le fameux timbre de Noël annuel, ainsi que la traditionnelle carte du Père Noël, envoyée en réponse aux enfants qui lui écrivent? Puis il y eu Le Petit Père Noël en 2000 (avec Lewis Trondheim), un album entièrement muet ! Il a aussi travaillé pour Spirou, tout un symbole, sa "Madeleine de Proust" en quelque sorte ! Pendant dix ans, il a créé sa double page dans l'hebdomadaire, ainsi que d'autres histoires courtes.

 

Vivre en Chine, une expérience tant espérée !

On l'aura compris, "cela a toujours été un vieux fantasme de vivre au quotidien en Chine", confie Thierry. Depuis un an, c'est chose faite ! Après une année passée dans la ville de Huai'an (province du Jianzhu), Thierry s'est aujourd'hui installé avec sa femme et sa fille à Shanghai. En effet, un éditeur chinois lui a commandé un album BD pour le compte de la province de Guizhou (au centre du pays), afin de faire connaître le site archéologique de Hailongtun, ville de Zunyi, construit en 1257. Cette forteresse fut en son temps la mini "cité interdite" de rois locaux dits tusi, gouverneurs de leur région, mais sous l'autorité centrale. Le dernier roi, le très puissant Yang Yinglong (dynastie Ming), avait tellement d'influence qu'il finit par inquiéter fortement le pouvoir de Pékin. Celui-ci envoya alors ses soldats par milliers, assiéger la ville, durant de longs mois de l'année 1596, afin de mettre à terre ce roi rebelle. Bilan 22.000 morts? La région veut à présent en faire un lieu touristique - il est ouvert au public depuis septembre 2015 -  et le promouvoir à travers, entre autre, une BD, à l'européenne, "en rupture avec le style manga vite fait qui s'est imposé en Chine".

Et c'est bel et bien grâce à Rouge de Chine que Thierry Robin s'est fait remarquer ! "D'habitude, je ne travaille jamais sur commande, mais là c'est différent ! De plus, c'était une de mes conditions, j'ai une totale liberté de ton? du moment que c'est à la gloire du site bien entendu?". L'histoire tourne autour de trois personnages principaux, symboles des trois forces en présence : l'armée, la noblesse et les paysans. Un véritable panorama de la société de l'époque. "Je suis actuellement dans la fastidieuse phase de dessin, surtout sur les pages de scènes de batailles, avec parfois jusqu'à 2.000 soldats ! Je fais tout à la main, je scanne, j'envoie à mon éditeur et un studio de Pékin met en couleurs. Mais je contrôle tout leur travail, les ombres, les ambiances etc.". La sortie de l'album est prévue pour juin 2017, en chinois d'abord bien sûr. Il est aussi prévu qu'il soit traduit, pour attirer plus de touristes encore. En français, le titre devrait être quelque chose comme Plume noire, Pierre rouge, allusion à la narration du corbeau (la plume noire) qui dialogue avec la montagne (la forteresse rouge), le cynisme face à l'empathie, qui l'emportera vraiment ?...

Et demain ?

Après cet album, Thierry et les siens souhaitent rester en Chine "jusqu'à ce qu'on en ait assez !". Il a d'ailleurs déjà un autre projet d?album en tête, sur Shanghai cette fois, mais nous n'en saurons pas plus pour le moment?

Pour rencontrer Thierry Robin, venez nombreux le 10 décembre prochain à 15h à la librairie de l'Arbre du VoyageurIl présentera et dédicacera Rouge de Chine, La Mort de Staline et Mort au Tsar ! Pour tous publics à partir de 14-15 ans.


Pour en savoir plus : www.hailongtun.com/en

Delphine Gourgues lepetitjournal.com/shanghai Lundi 5 décembre 2016  

Le Petit Journal Shanghai
Publié le 5 décembre 2016, mis à jour le 2 avril 2017

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