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ESCAPADE - Montagnes célestes de Chine

Écrit par Le Petit Journal Shanghai
Publié le 19 août 2011, mis à jour le 14 novembre 2012

Faire référence aux « montagnes célestes » c'est évoquer la Chine. Pour les Chinois, celles-ci étaient invariablement couvertes de brume et intrinsèquement mystiques, les endroits élevés étaient ceux qui approchaient les dieux au plus près. Elles servaient de promontoire pour y percher des pagodes et des lieux de prières, récompensant les courageux qui en faisaient la conquête


La place qu'occupent ces montagnes dans le c?ur des Chinois est certainement liée à leur plus ancien mythe de la création, l'histoire de Pan Gu : "Au commencement, lorsque tout n'était que chaos, que les cieux et la terre tourbillonnaient ensemble, Pan Gu naquit et s'employa à les séparer. Chaque jour, à mesure que le héros grandissait, le ciel s'élevait et la terre s'épaississait. Au bout de 18.000 ans, la séparation achevée, Pan Gu mourut d'épuisement. Alors que son corps se désintégrait, ses yeux devinrent le soleil et la lune, son sang forma les fleuves, sa sueur se transforma en pluie, tandis que de sa tête et de ses membres surgissaient les cinq montagnes sacrées de Chine".    

Légendes et mythes du chamanisme et du taoïsme chinois, à l'origine de la sanctification de montagnes particulières
Il est question de sages et de mystiques, souvent appelés "immortels", qui vivaient au plus profond des montagnes sauvages, se nourrissant d'herbes rares et d'élixirs exotiques. Les zones montagneuses abritant ces sages furent considérées comme des lieux sacrés, points intermédiaires d'accès au royaume du ciel mais aussi abri des esprits magiques et de dieux puissants. Cinq grands monts taoïstes furent ainsi associés aux cinq points cardinaux : Le Mont de l'est: le mont Tai (Taishan), Shandong, le Mont Central: le mont Song (Songshan) dans le Henan, le Mont de l'ouest: le mont Hua (Huashan) dans le Shaanxi, le Mont du nord: le mont Heng (Bei Hengshan) dans le Shanxi, le Mont du sud: mont Heng (Nan Hengshan) dans le Hunan.

Traditionnellement, on considère que ces cinq montagnes (wuyue) sont taoïstes surtout par opposition aux "quatre montagnes sacrées bouddhiques". En effet, comme les ermites taoïstes, les moines bouddhistes aimaient les montagnes tranquilles et les forêts profondes pour pratiquer la méditation. Des ermitages modestes et plus tard des complexes monastiques importants virent le jour sur de nombreuses montagnes. Au cours des siècles, les bouddhistes chinois commencèrent à distinguer quatre pics comme sanctuaires de premier ordre, lieux privilégiés de manifestation des principaux bodhisattvas, qui se remplirent de temples, devinrent buts de pèlerinage et sites d'expériences mystiques. Par ordre de consécration: Le mont Wutai ("des cinq terrasses") dans le Shanxi, le mont Emei ("des beaux sourcils") dans le Sichuan, le mont Putuo ("Potala") dans le Zhejiang, le mont Jiuhua ("des neufs merveilles") dans le Anhui.

Le mont des monts : Taishan
"Première montagne du monde connu", ancêtre des monts sacrés, cette montagne symbolise la fermeté et la grandeur, comme en témoignent certaines expressions populaires chinoises : "inébranlable comme le Taishan", "si le Mont Tai est stable, alors le pays entier l'est aussi", etc. Inscrite aux côtés de la grande muraille et de la cité interdite sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO, elle est située près des plaines de Qi et Lu (pays de Confucius), région du berceau de la Chine. Peut-être parce qu'il est issu de la tête de Pan Gu ou parce qu'il se situe à l'est (côté de l'aurore, symbole de naissance, printemps et renouveau) le Taishan est le plus vénéré des monts sacrés. Deux temples importants sont situés au sommet : celui de l'empereur de jade, lié au ciel et à la souveraineté, et celui de sa fille Bixia, princesse des nuages azurés. Aujourd'hui encore, Bixia est vénérée comme la protectrice des femmes et son temple reste le lieu de pèlerinage le plus important pour les Chinoises. Mais si le mont Tai est associé aux taoïstes, il ne leur est pas réservé puisque les trois grandes écoles de pensée chinoises sont toutes représentées sur ses pentes. 

Aspect particulier du Taishan, son rôle de montagne des empereurs

Ceux-ci venaient y rendre hommage au ciel (au sommet) et à la terre (aux pieds de la montagne) lors de la cérémonie du Fengshan, le plus souvent lors de leur prise de pouvoir pour affirmer leur qualité de titulaire du "mandat céleste". Pour les empereurs de la Chine ancienne, le mont Tai était le fils du ciel, intermédiaire duquel ils recevaient leur propre pouvoir pour gouverner le peuple. L'empereur ne gravissait le sommet suprême que pour s'entretenir directement avec la divinité. Selon la croyance populaire, les dieux ne permettaient jamais à un dirigeant indigne d'effectuer l'ascension, et la réussite impliquait donc une approbation divine. Des registres historiques évoquent des processions impériales qui pouvaient s'étendre en continu des pieds de la montagne à son sommet, soit presque 10km. Des empereurs légendaires seraient venus au mont Tai mais peu en firent véritablement l'ascension. Au 15ème siècle, la cérémonie du fengshan fut remplacée par le culte rendu aux temples du ciel et de la terre à Pékin. Ces nouveaux lieux de culte impérial remplacèrent le Mont Taishan même si certains empereurs n'oublièrent pas d'inclure la montagne sacrée dans leurs sacrifices. Ainsi, dans le temple du ciel, sur le côté est de la salle des prières pour de bonnes récoltes, se trouvent "sept pierres représentant sept étoiles" qui symboliseraient les sept sommets du mont Taishan.

Au fil des siècles, les empereurs et les pèlerins ne furent pas les seuls à visiter le mont Tai, comme en témoignent les poèmes et hommages des poètes et artistes gravés dans le roc proclamant l'importance et la beauté des lieux. Au point culminant, on peut lire sur une stèle : "C'est ici que se tint Confucius et qu'il prit conscience de la petitesse du monde" ? et il ne faut pas oublier les anonymes qui espèrent peut-être la réalisation du dicton légendaire: "ceux qui font l'ascension du mont Tai vivent centenaires". Plus de 7.000 marches mènent au sommet et les pentes sont aujourd'hui ponctuées de nombreux temples, auberges, restaurants et boutiques pour les millions de visiteurs annuels.

Conseils pratiques
L'expérience des montagnes de Chine est unique. Très prisées des Chinois eux-mêmes, on n'y est jamais seuls. Il vaut donc mieux privilégier les jours de semaines et éviter les dates des congés chinois pour s'y rendre. L'ascension à pied est parfois plus rapide que de faire la queue au téléphérique. Cet effort permet de voir évoluer les portefaix et de côtoyer non sans une certaine convivialité les touristes locaux. Enfin, dernier avertissement : oubliez les sentiers de randonnée, les montagnes les plus importantes sont aménagées et couvertes d'escaliers... alors attention aux genoux sensibles et consultez bien les cartes, certains passages sont vertigineux !

Zoom
Huang Shan, les montagnes jaunes : la moins sacrée des montagnes célestes mais la plus admirée et la plus célébrée dans la littérature, la peinture et aujourd'hui encore par des photographes comme Wang Wushan. Situées dans la province du Anhui à proximité de la  ville de Tunxi et des villages du Wannan, on peut facilement passer plusieurs jours dans la région. Il faut passer au moins une nuit dans l'un des hôtels du sommet afin d'admirer un coucher et un lever de soleil. Et si la brume est au rendez-vous, vous aurez l'impression d'être dans une peinture de paysage chinoise ? "paysage" qui se dit "shanshui", littéralement "montagne et eau"...     

Sophie Mabru (www.lepetitjournal.com/shanghai.html) vendredi 19 août 2011

Le Petit Journal Shanghai
Publié le 19 août 2011, mis à jour le 14 novembre 2012

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