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AUTOMOBILE - Les taxis pékinois s’échangent leurs batteries

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Écrit par Le Vent de la Chine
Publié le 2 novembre 2020, mis à jour le 2 novembre 2020

La Xiali (FAW), la Fukang (Citroën), la Jetta (Volkswagen)… Mr Huang, chauffeur de taxi à Pékin depuis trois décennies, les a toutes connues. Il y a quelques mois, il a pourtant dû se séparer de sa Hyundai Elantra à essence, après huit ans de bons et loyaux services, pour prendre possession d’un modèle électrique du constructeur pékinois BAIC : la « EU300 », offrant une autonomie de 300 km. « C’est suffisant, déclare Mr Huang, je fais plus d’une centaine de km par jour en ville ». Pas de problème non plus pour emprunter l’autoroute : « elle peut monter à 120 km/h », affirme-t-il. Le chauffeur apprécie également la transmission automatique, moins fatigante dans les bouchons… La véritable originalité se situe sous le capot : en effet, Mr Huang n’a pas besoin de recharger sa voiture à une borne, il lui suffit d’échanger sa batterie dans l’une des 90 stations en opération à l’intérieur du 5ème périphérique, à Tongzhou et près des deux aéroports.

 

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Après avoir expérimenté le système de bornes de rechargement des taxis à Shenzhen, Taiyuan ou Xiamen, l’Etat a désigné deux « zones pilotes » pour tester celui de permutation de batteries : Pékin et l’île tropicale de Hainan, où EDF et CF Energy ont mis en service une première station (d’échange de batteries). Cette technologie, dont les constructeurs BAIC et NIO sont les leaders sur le marché, présente plusieurs avantages : non seulement l’échange de batterie est beaucoup plus rapide que le rechargement à des bornes, mais il prolongerait la durée de vie des batteries de 30%. De plus, les stations d’échanges prennent six fois moins de place que les bornes de recharge, un atout majeur dans les grandes villes, où l’immobilier est souvent hors de prix.

 

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De l’extérieur, une station lambda ressemble à un petit entrepôt, composé de trois conteneurs marron (cf photo), que la voiture traverse comme un « car wash ». Mr Huang n’a même pas besoin de descendre de son taxi : « c’est la machine qui change ma batterie, je n’ai rien à faire ». Un employé est tout de même présent pour s’assurer du bon déroulement des opérations.

En 3 minutes, la batterie est remplacée et Mr Huang n’a plus qu’à régler via une application mobile nommée Aodong (奥动), qui permet aussi de géolocaliser la station la plus proche (cf capture d’écran) de savoir combien de batteries y sont disponibles et combien de véhicules y font la queue. Et le prix est plutôt compétitif : « je paie 0,35 yuan par kilomètre parcouru, cela me coûte donc moins cher que l’essence », explique-t-il. Pour parcourir 200km, Mr Huang paie donc 70 yuans d’électricité contre environ 120 yuans d’essence. Cela lui permet d’économiser 50 yuans par jour environ, ce qui vient compenser la perte de 1 yuan par course au titre de participation aux frais d’essence. De plus, depuis le début de l’année, l’application distribue des coupons de réductions d’une valeur de 18 yuans (soit 50km) à tous les taxis ayant parcouru plus de 150 km. Et en cas de retard à la station, un dédommagement est prévu : entre 5 à 10 yuans pour 30 minutes d’attente. De même, le groupe BAIC devrait lancer un service de livraison de pièces détachées en moins de 24h.

 

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D’ici deux ans, la municipalité ambitionne d’avoir converti à l’électrique les 70 000 taxis en circulation, dont 20 000 taxis d’ici fin 2020, pour un investissement total de 1,3 milliard de $. A cause de l’épidémie, elle a toutefois pris du retard : seuls 8 256 taxis ont été convertis.

Attiré par les généreuses subventions de la mairie, à hauteur de 73 800 yuans par véhicule BAIC (soit l’équivalent de la batterie, l’élément le plus cher du véhicule) sur un prix total de 120 000 yuans, Mr Cui, patron d’une compagnie, va changer sa flotte de taxis. Il n’est toutefois pas entièrement convaincu par le système : « chaque véhicule devra changer sa batterie au moins une fois par jour, il est donc inévitable à terme que de longues queues se forment devant les stations. De plus, l’autonomie affichée de la batterie n’est pas fiable. Il faut donc prévoir une alternative ».

En grande majorité, les chauffeurs rechignent à troquer leur taxi à essence pour un électrique : « ce passage forcé à l’électrique est prématuré, la technologie est immature » ; « ce système est plus adapté pour les villes de second ou de troisième tiers, mais à Pékin, les distances sont trop grandes » ; « on en sait trop peu sur la durée de vie des batteries, qui perdent en plus leur charge durant l’hiver » ; « les sièges sont trop durs, inconfortables »… Malgré leur scepticisme, souvent l’apanage du changement, les chauffeurs de taxi n’auront d’autre choix que de se laisser convaincre par l’électrique, de passer chez Didi, ou de changer de métier. L’un d’entre eux soulève néanmoins un point important : « on prétend lutter avec ces voitures électriques contre la pollution de l’air, mais leurs batteries sont elles aussi très polluantes à fabriquer, et nuisent à l’environnement si elles sont mal recyclées ».

Justement, Greenpeace vient de tirer la sonnette d’alarme à ce sujet : « un raz de marée de vieilles batteries va inonder la Chine », avertit Ada Kong. La prochaine décennie, la Chine va devoir recycler 7,05 millions de tonnes de vieilles batteries selon les calculs de l’ONG. Un chiffre amené à augmenter alors que les véhicules à énergie nouvelle (NEV) devront représenter 50% des ventes en Chine d’ici 2035, dont 95% seront des véhicules électriques à batterie. « Pour que les véhicules électriques soient réellement une solution durable et écologique, il est de la responsabilité des producteurs de trouver un moyen de réutiliser les batteries, en tant que système d’alimentation de secours pour les stations 5G par exemple. Le gouvernement doit également rendre leur recyclage (ou leur réutilisation) obligatoire », explique Ada.

Autre aspect environnemental : un récent rapport du think tank « Arval Mobility Observatory » révèle que le bilan carbone d’un véhicule électrique roulant en Chine serait équivalent à celui d’un véhicule thermique, puisque l’énergie de ses batteries est essentiellement fournie par des centrales à charbon… La transition énergétique chinoise prendra certes des années, mais ne dit-on pas qu’il faut bien commencer quelque part ?

 

Edité en Chine depuis 1996, Le Vent de la Chine, est la seule lettre hebdomadaire d'information générale francophone créée pour les besoins des entreprises et des particuliers ayant des intérêts en Chine. La lecture du Vent de la Chine permet de vous informer et de rester à jour sur toutes les actualités chinoises liées à la politique, l'économie, la finance et les phénomènes de société.

 

 

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Publié le 2 novembre 2020, mis à jour le 2 novembre 2020

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